Suite à notre article « Y a-t-il un « embrayagegate » pour les Jogger Dacia ?» (19 juin 2023 sur le site du Libertaire), de nombreux lecteurs nous ont contacté et posé un certain nombre de questions. Nous allons tenter d’y répondre au regard de l’expérience d’un copain et nous le remercions chaleureusement ici. Il en est au quatrième embrayage défectueux en moins de deux ans et moins de 15000km !
Pourquoi contacter le service clientèle Renault Dacia ?
Tout d’abord, lors d’un premier problème mécanique, nous vous invitons à ouvrir un dossier de réclamation auprès du Service de Relations Clientèles DACIA pour:
-Tracer les incidents et faire en sorte que le concessionnaire soit sollicité par le constructeur au sujet des actions mises en œuvre ;
-Obtenir à terme l’obtention de mesures compensatoires au titre du préjudice subi faute à ces incidents ayant présenté plusieurs occurrences.
L’avantage de cette démarche, c’est que le concessionnaire va activer les réparations. Aussi, il est bien utile de disposer d’un historique exhaustif tant pour l’utilisateur que pour le concessionnaire.
Par contre si vous avez d’autres problèmes ultérieurement, le service clientèle, d’après notre source, c’est le parcours du combattant car il ne veut laisser aucune trace écrite. L’essentiel se fait par téléphone avec des employés d’une plateforme basée on ne sait où et qui vous répondent poliment qu’ils vous comprennent…mais cela n’avance pas à grand-chose. Les employés veulent vous contacter et discuter selon leurs termes « de vive voix », ce qui a le désavantage de n’avoir aucun écrit pour vous.
Vous pouvez leur envoyer un ou des courriers relatifs aux préjudices subis, vous n’obtenez quasiment jamais de réponse écrite. Quand vous ne répondez pas au téléphone, le service clientèle vous indique que faute de réponse de votre part, il clôturera votre dossier. Dans ce cas, indiquez par écrit que vous ne souhaitez pas clore votre dossier et que s’il est clôt, ce sera de la responsabilité unilatérale du service clientèle…
Soyons honnêtes, ces démarches demandent du temps et de l’énergie. Cependant, sur le site de Que Choisir par exemple, il existe des lettres-types et vous pouvez de même utiliser l’intelligence artificielle pour les plus frileux en rédaction ; il n’est pas nécessaire d’avoir une belle plume pour se défendre…
Concernant les préjudices, vous pouvez ajouter qu’avec un embrayage défectueux, vous mettez la sécurité de vos passagers et d’autres usagers de la route en danger. Vous pouvez argumenter et indiquer qu’au-delà du préjudice moral subi en raison de la désorganisation occasionnée par les pannes, assistances dépannages remorquages du véhicule, de la peur ressentie lors des premiers incidents, de l’anxiété à l’idée de reprendre une voiture qui présente des dangers intrinsèques, du temps perdu pour récupérer un véhicule de remplacement…vous ne souhaitez pas être responsable d’un accident et mettre la vie d’autrui en jeu…
Mais, ne vous attendez pas à des miracles de la part du service clientèle, toujours très aimable par ailleurs. Cependant, nous insistons sur la nécessité d’avoir des traces écrites notamment au niveau de l’historique des pannes et de vos demandes. Quand bien même cela reste sans réponse ou que les réponses soient lacunaires, les mails ont une portée juridique (traces).
Pire, vous pouvez leur expliquer que votre véhicule a été immobilisé 75 jours et que dans le cadre de la loi (Article 217-16 du Code de la consommation) la prolongation de la garantie contractuelle s’applique à partir du moment où le véhicule est immobilisé plus de sept jours consécutifs… ce service est peu au fait de la loi ou feint de l’ignorer, vous accorde royalement 30 jours de prolongation de garantie (toujours selon notre source). Et vous devez encore batailler pour simplement faire appliquer la loi.
En insistant, au bout de plusieurs courriers, on vous rétorque que toutes les réparations ont été prises en charge intégralement par le constructeur Dacia. Et plus récemment, le 10 avril, dans le cadre d’un rappel constructeur, un courrier a été envoyé à certains propriétaires de Jogger Dacia pour « procéder gracieusement à la reprogrammation d’un calculateur de votre véhicule ». Les équipes de Dacia ont constaté la possible apparition de difficultés à passer les vitesses…
Expertise d’un véhicule ? Quelques conseils.
Quand vous avez déjà eu deux problèmes d’embrayage avec votre Jogger Dacia, dites-vous que vous n’êtes pas à l’abri d’un troisième ou quatrième incident du même ordre (comme notre copain en a fait les frais). Première chose, pensez à demander à votre assureur en amont si votre assurance prendra en charge les frais d’expertise en cas de nouveau problème. Il faut avoir l’aval de l’assurance. Dans l’éventualité où une expertise s’avère nécessaire, et après validation par le service compétent, celle-ci est généralement prise en charge directement par l’assurance. Mais vérifiez bien auprès de votre assurance car les assurances n’aiment pas aller au conflit avec les constructeurs automobiles et essaient toujours de jouer l’obligation de réparation/conformité sous 30 jours (si ce n’est pas réparé dans ce laps de temps, vous pouvez invoquer le code de la consommation et demander l’annulation de la vente). Si votre véhicule tombe en panne à nouveau, appelez donc l’assistance de votre assureur et exigez que les réparations ne soient pas effectuées auprès du garage qui réceptionne votre voiture, pour éviter que les éléments de preuve disparaissent. En effet selon l’article 1353 du code civil : « Celui qui réclame l’exécution d’une obligation doit la prouver. » Il faut savoir que les gens n’osent pas l’expertise contradictoire (expert de l’assurance contre l’expert du concessionnaire ou du constructeur) car elle risque de traîner et concernant le prêt d’un véhicule, la partie adverse n’est pas tenue d’effectuer une telle démarche. En clair, vous pouvez vous retrouver sans véhicule pendant un mois. Quand vous avez des solutions alternatives, pas de problème. Quand vous habitez en milieu rural, c’est plus difficile de se passer d’un véhicule.
Dans le cas de figure d’une expertise, le consommateur se trouve alors en situation d’infériorité par rapport à la partie adverse bien mieux armée : services juridiques dédiés, solidité financière…alors que la victime d’un véhicule défectueux, c’est vous.
Garantie légale de conformité
Si votre véhicule a moins de deux ans, vous pouvez de même vous fonder sur la garantie légale de conformité des articles L.217-3 et suivants du code de la consommation pour demander le remplacement de votre véhicule. La loi est censée protéger le consommateur. En réalité, « obliger un garage à reprendre un véhicule affecté par des pannes en série demande de la patience, ce résultat n’étant souvent obtenu qu’à l’issue d’une action en justice au cheminement bien lent. » (« L’auto de Oui-Oui a bien dormi », article d’Arnaud de Blauwe, Que choisir, mai 2024, N°635, pp.16-17).
Là encore, si la loi défend le consommateur, dans les faits, les victimes n’osent pas engager une procédure judiciaire surtout si elle prend du temps…et coûte de l’argent en prenant un avocat.
D’autre part, il vous faudra vérifier si le concessionnaire auquel vous vous adressez est bien celui qui vous a vendu la voiture. Il s’avère que des fonds de commerce ont été achetés à Renault par exemple et que les nouveaux propriétaires ne sont donc pas soumis aux dispositions de la garantie légale de conformité du code de la consommation si votre véhicule a été acheté antérieurement à l’acquisition de ce fonds par le nouveau propriétaire…Encore une difficulté pour le consommateur qui n’a pas toujours connaissance des tractations financières entre les constructeurs et certains concessionnaires.
Dans le cas de la garantie légale de conformité, le défaut est présumé exister au moment de la vente. C’est donc au vendeur qu’il soit professionnel ou particulier qu’il convient de se défaire de la présomption du défaut. (art. L. 217-3 et suivants du code de la consommation)
Le particulier aussi, vous avez bien lu: « la garantie légale des vices cachés prévue aux articles 1641 et suivant du Code civil s’impose à tous les vendeurs. En ce sens, si vous vendez le véhicule vous serez tenu d’une telle garantie. ».
En clair, si vous tentez de vous débarrasser de votre véhicule défaillant car vous en avez assez des ennuis récurrents, vous ne pouvez pas le vendre à un particulier mais seulement à un garage professionnel.
Là encore, c’est la double peine pour le consommateur. Il est ennuyé par un véhicule qui peut s’avérer dangereux et il ne peut vendre son véhicule à un particulier donc cela lui occasionne une perte financière. Le consommateur qui achète à un particulier est protégé, ce qui est normal, cependant le vendeur d’une voiture achetée neuve qui dysfonctionne à plusieurs reprises est doublement lésé : sur le plan de la pleine jouissance du bien acquis et financièrement car un professionnel vous reprendra votre véhicule à un prix inférieur à celui que vous auriez pu escompter vis-à-vis d’un particulier.
Les actions militantes
Le site du « Libertaire » n’a pas vocation à se substituer aux associations de consommateurs ni aux syndicats, que cela soit clair. Pour autant, nous informons nos lecteurs à toutes fins utiles.
Nous pensons qu’en mettant en lumière certains dysfonctionnements de certains Jogger-Dacia par exemple, on sert d’aiguillon et s’il arrivait un accident grave impliquant ce type de véhicule pour un problème d’embrayage, personne ne pourra dire « on ne savait pas ».
Renault brille au CAC quarante et a les moyens financiers de remplacer les véhicules qui possèdent un embrayage défectueux récurrent. Ne serait-ce que pour la sécurité de tous et toutes.
Nous assistons aujourd’hui à l’avis de tempête judiciaire qui secoue Goodyear où cette firme du géant américain s’est évertuée à minimiser la gravité de certains accidents dont plusieurs mortels pour préserver son image. C’est une ancienne assistante maternelle, Sophie Rollet, qui avec ses petits moyens financiers et une volonté de fer, a passé des milliers d’heures à téléphoner aux gendarmes, familles de routiers, experts européens des pneumatiques…pour devenir lanceuse d’alerte suite au décès de son mari victime d’un accident de la route avec son poids lourd. De nouvelles expertises ont mis en cause certains pneus de la marque Goodyear. Le journal Le Monde a consacré quatre séries d’articles à l’affaire Goodyear, la dernière datée du 31 mars-2 avril 2024. Et nous faisons nôtres les propos du conseil de Mme Rollet, Maître Philippe Courtois : « Un procès pénal serait l’aboutissement de ce parcours judiciaire, et démontrerait que nul ne peut se croire au-dessus des lois et risquer la vie d’une personne au nom du profit financier. » (Le Monde du 31 mars-2 avril 2024)
Dix années d’investigation de la part de Sophie Rollet qui a dû se sentir bien seule pendant ces années. Espérons qu’elle puisse tourner la page et oublier les pneus Marathon et Goodyear.
Les libertaires ne sont pas seuls et possèdent de nombreux relais et réseaux en France et en Europe. Rien n’empêche ces derniers, par l’intermédiaire d’une association de consommateurs, d’un syndicat ou d’un groupe libertaire de se rendre visible lors de journées porte-ouvertes Renault-Dacia afin de sensibiliser de potentiels acheteurs à d’éventuels problèmes d’embrayage pour les Jogger-Dacia par exemple. Et nous faisons confiance aux compagnes et compagnons pour agir selon les conditions locales et à bon escient.
Les consommateurs ont un rôle important à jouer pour défendre et étendre leurs droits. Ils peuvent impulser bien des combats avec les armes des libertaires : action directe, label, boycottage…
Patoche (GLJD)