Pendant que je mangeais, j’avais en fond sonore un journal télévisé et, concernant les prochaines élections générales en Argentine, j’ai entendu au passage qu’on parlait d’un candidat libertaire. J’ai failli m’étouffer : comment était-ce possible pour un libertaire, un anarchiste, de choisir de présider un gouvernement ? Je me suis tout de suite souvenu de la plaisanterie que nous avait faite Daniel Cohn-Bendit lorsque, quelques années après 68, il annonçait qu’il allait se présenter aux élections présidentielles françaises (je ne me souviens plus de quelle année).
J’ai terminé mon déjeuner rapidement et j’ai commencé à chercher des informations sur ce personnage énigmatique annoncé comme candidat « libertaire » aux prochaines élections présidentielles argentines d’octobre 2023. Et oui, il existe, un certain Javier Milei, président ni plus ni moins du « Parti Libertaire ». Inévitablement, je me suis aussi souvenu du « Parti libertaire », des États-Unis, un parti néolibéral dans lequel on parle d’anarchisme, d’anarcho-capitalisme, de minarchisme et d’on ne sait quelles autres formes d’anarchisme que l’on, par ignorance totale, ignore.
Et en fait, le « Parti libertaire » argentin, présidé par Javier Milei, s’identifie également à l’anarchisme, à l’anarcho-capitalisme et même au minarchisme. En approfondissant un peu, je découvre que dans les moulins à potins internationaux, ce personnage est considéré comme d’extrême droite et ultra-conservateur. Comme il ne pourrait y en avoir moins, il semble qu’il soit un adepte de Jair Bolsonaro, Donald Trump et d’autres hommes illustres de ce genre. Je suppose que si Hitler et Videla étaient encore en vie, il les suivrait aussi…
En cherchant un peu dans le cyberespace, vous découvrirez quelques-unes des principales lignes de pensée de l’individu en question : opposition à l’avortement absolu, accès au port libre des armes, rejet d’une éducation sexuelle complète, déni du réchauffement climatique et bien d’autres subtilités.
De tout cela, ce qui fait le plus grincer mes cadres, c’est l’utilisation joyeuse et impunie des termes « libertaire » et « anarchisme » par certains de ces gens sans scrupules qui tentent de camoufler leurs ignobles idéologies d’extrême droite sous des noms qui nous ont coûté si cher. Dans le passé, il fallait expliquer ad nauseam que l’anarchie n’est pas le chaos ou le désordre, bien au contraire, et la violence non plus. Il va maintenant falloir expliquer que ces loups (je m’excuse pour la comparaison…) déguisés en agneaux n’ont rien à voir avec nous. Il semble que ce soit une histoire sans fin et nous devrons y faire face, ne serait-ce que dialectiquement.
Victor Pérez Pérez
Ndr : Milei est chef du parti libertarien. Politiquement, il est classé à l’extrême droite et décrit comme libertarien de droite. Milei se reconnaît comme minarchiste ou libéral-libertaire et défend un programme inspiré de l’école autrichienne, souhaitant drastiquement diminuer le poids de l’État dans la société. Il présente ainsi son « plan tronçonneuse » visant à massivement diminuer les dépenses publiques. Celui-ci comprend la suppression de plusieurs ministères (Éducation, Santé, Travaux publics et Développement social, Femmes), la libéralisation du port d’armes pour les civils et du commerce d’organes. C’est dire que c’est loin d’être un de nos amis, et c’est un euphémisme.
Ce n’est pas la première fois que certains politiciens essaient de récupérer les termes « libertaire » et « anarchiste ». De l’extrême gauche française aux extrêmes-droites du continent américain, il n’y a rien de nouveau. Certains écrivains français se disent même anarchiste de droite, ce qui est un non-sens.
C’est pour cela que les anarchistes ont tout intérêt à affirmer leurs invariants : fédéralisme libertaire, anti-étatisme, égalité économique et sociale, écologie sociale et libertaire, antimilitarisme, anti-autoritaires, athéisme, humanisme libertaire, gestion directe, action directe… Les gauchistes et les fascistes ne pourront alors tromper personne hormis les sots et les gens mal intentionnés.