Chaque mois, nous nous réveillons avec un nouveau record du prix du gaz et de l’électricité. Du coup, des faits divers apparaissent de façon décalée sur la pénurie de certains approvisionnements qui oblige les entreprises à s’arrêter et qui provoque un effet de chaîne qui affecte une variété d’industries. Par exemple, l’usine Renault à Sandouville où 800 intérimaires sont sur la sellette car ce sont les premiers à être au chômage en cas de travail une semaine sur deux par exemple. On a beaucoup parlé du manque de puces électroniques, quel objet n’est pas déjà équipé de puce électronique? Mais aussi de l’acier ou des semi-conducteurs. La pandémie a tout arrêté et relancer les chaînes d’approvisionnement mondiales n’est pas possible du jour au lendemain. Si à cela on ajoute un scénario de changement climatique et de crise énergétique, on a un panorama peu réjouissant. Le processus de décarbonation de l’économie qui est déjà en cours n’est pas aussi simple que de passer d’une voiture diesel à une voiture électrique ou de commencer à produire massivement de l’électricité avec des technologies renouvelables. Saviez-vous qu’une voiture électrique consomme six fois plus de minéraux qu’une voiture traditionnelle ? Il ne s’agit pas (seulement) de changer certaines habitudes pour d’autres, il faut repenser le monde en fonction des limites réellement existantes.
Nous sommes encore loin de la transition énergétique. Bien que certains pays européens soient parmi les pays où la production d’énergies renouvelables est la plus élevée, il reste encore un long chemin à parcourir pour remplacer complètement les formes de production polluantes. Ce chemin semble prendre de l’ampleur maintenant, mais comment pourrait-il en être autrement ; le chemin n’est pas celui de la transition que nous voudrions et c’est celui que les grandes compagnies et compagnies d’électricité ouvrent. Que la transition énergétique soit dirigée et ne fasse pas l’objet d’un débat public et qu’il n’y ait pas de planification ordonnée génère des déséquilibres territoriaux qui favorisent les processus de colonialisme énergétique. Autrement dit, il y a des territoires qui produisent beaucoup plus d’électricité qu’ils n’en consomment et d’autres qui en produisent bien en deçà de leurs besoins. A cela s’ajoutent les grandes différences dans la répartition de la population et donne lieu à une surexploitation de ces territoires vidés d’habitants. Il est vrai qu’un large déploiement des énergies renouvelables est nécessaire, mais cela ne peut se faire au détriment des populations locales et rurales au profit d’espaces urbanisés gaspilleurs.
Les grandes compagnies d’électricité dictent les règles du marché de l’électricité, qui fonctionne comme un oligopole ; elles s’obstinent à répéter les mêmes erreurs qui ont conduit à la crise éco-sociale actuelle. La libéralisation du marché de l’électricité fait que les prix sont soumis à des enchères qui n’ont aucun type de conditionnalité écologique et où les petites usines ou coopératives de production ont un accès plus difficile.
Communautés énergétiques
Face au modèle de mégaprojet notamment nucléaire en France (avec l’inconséquence des déchets radioactifs laissés aux générations futures), aux inégalités et à l’effacement des territoires, il y a ceux qui parient sur la constitution d’un nouveau modèle énergétique basé sur une production décentralisée, locale, avec une grande volonté d’autoconsommation et, surtout, axé sur l’efficacité et les économies d’énergie. Privilégier le déploiement des énergies renouvelables sur les terrains industriels et urbains mais aussi dans les zones rurales.
Les Communautés de l’Energie deviennent le cadre institutionnel qui façonne ce nouveau modèle. En général, ce sont des projets locaux, à petite échelle et développés en coopération, où les partenaires sont copropriétaires et reçoivent les bénéfices de la production. Ils sont généralement liés à un territoire et sont plus qu’un projet économique ou énergétique, ils cherchent vraiment à stimuler les relations sociales et constituent des formes démocratiques de production.
En Galice (Espagne), il existe un projet emblématique en ce sens. La Communauté énergétique de Tameiga , liée à la Communauté de montagnes voisines en commun de Tameiga, génère 270 kilowatts, qui peuvent produire 380 mégawatts par heure sur l’année, dans plusieurs petites centrales réparties dans toute la région. La tradition des montagnes regroupées en Galice favorise le développement de ce type de pratique. À Tameiga, les tâches habituelles d’entretien des forêts et de foresterie sont effectuées, fournissant du bois de chauffage gratuitement à tous les associés, ils disposent également du centre culturel As Pedriñas , 30 000 mètres carrés, une salle de réunion , une piscine, un centre sportif et des bureaux. 352 familles font partie de cette communauté.
Les Communautés de l’énergie montrent à quoi devrait ressembler un avenir souhaitable. Il ne s’agit pas seulement de produire de l’électricité sous des formes d’autogestion, mais il s’agit de promouvoir que chaque territoire soit articulé par une communauté qui s’occupe des besoins de ses habitants, de manière coopérative et égalitaire.
Voilà une piste pour tous les pays du monde soucieux de lutter contre le réchauffement climatique et pour les citoyens qui recherchent d’être acteurs de cette lutte. Les libertaires ont une fine connaissance de la gestion directe des moyens de production et la répartition des richesses. A nous d’être à la pointe des pratiques autogestionnaires dans le plus de localités et pays possible.
Cependant, la neutralité carbone pour 2050 en France est loin d’être acquise avec les mesures envisagées actuellement par le gouvernement. D’autres paramètres que l’énergie sont à prendre en compte : alimentation, mobilité, agriculture, reforestation, réfection de bâtiments, sauvegarde de la biodiversité…sans oublier la fiscalité, la décentralisation…Si la génération d’adultes d’aujourd’hui ne s’approprie pas diverses alternatives s’appuyant sur l’autogestion, l’Etat, fort de son autoritarisme pyramidal accentué par la gestion de la pandémie de Covid, pourra contraindre les Français à appliquer diverses mesures : réduction drastique des trajets, limitation des constructions neuves notamment des pavillons, rationnement de certains aliments…en instaurant des quotas, des règles et interdictions…Connaissant le fonctionnement du système politique, il est à parier que le clivage pauvres et classes moyennes/riches s’accentue en défaveur des plus démunis ; les riches continuant à consommer et vivre comme aujourd’hui. L’effort sera porté par les pauvres comme à l’accoutumée. La réaction face à ces futures inégalités sera brisée par la violence des forces répressives de l’Etat.
Alors, socialisme libertaire ou barbarie.