La morale qui naît de la hiérarchie sociale est forcément corrompue.

Femmes Kurdes

Quelques fondamentaux anarchistes

Les anarchistes croient en la valeur égale de tous les êtres humains et que les relations de pouvoir hiérarchiques sont non seulement injustes, mais qu’elles corrompent ceux qui ont le pouvoir et déshumanisent ceux qui ne l’ont pas : « Celui qui commande se déprave, celui qui obéit se rapetisse. La morale qui naît de la hiérarchie sociale est forcément corrompue. » (Elisée Reclus). Les anarchistes croient plutôt en l’action directe (sans intermédiaires politiciens), la coopération, l’entraide et la solidarité. Les anarchistes s’opposent à l’État, au capitalisme, à la suprématie quelle que soit la couleur de peau : blanche, noire, jaune…, au patriarcat, à l’impérialisme et aux autres formes d’oppression, non pas parce qu’ils croient au désordre, mais plutôt parce qu’ils croient en une liberté égale pour tous et s’opposent à toutes les formes d’exploitation, de domination et de hiérarchie. L’anarchie n’est pas le chaos, mais la situation harmonieuse résultant de l’abolition de l’État et de toutes les formes de l’exploitation de l’humain par l’humain, « c’est l’ordre sans le pouvoir », « la plus haute expression de l’ordre » (Élisée Reclus).

Alors si les anarchistes ne sont pas pour le désordre et le chaos, pourquoi sont-ils anarchistes, terme synonyme pour la plupart des gens, de bordel…? Et bien parce que les anarchistes sont tout le contraire de cette fausse interprétation, de ce préjugé; ils reconnaissent par contre que l’ordre social actuel favorise le désordre individualiste et compétitif et la destruction écologique, et non la liberté pour tous. Par exemple, sous le capitalisme, l’élite riche a la liberté de dominer et d’exploiter le reste d’entre nous, tout en nous enlevant la liberté de contrôler notre travail et nos vies, et en nous enlevant la capacité de partager équitablement les avancées économiques et technologiques de notre monde, créées à l’échelle mondiale et historique. À l’inverse, les anarchistes soutiennent les principes de solidarité et de liberté égale pour tous, dans tous les aspects de la société. Ils sont pour l’égalité économique et sociale. Donc pour un partage du temps de travail et des richesses mais de manière équitable.

« Un anarchiste est un homme qui traverse scrupuleusement entre les clous, parce qu’il a horreur de discuter avec les agents. » (Georges Brassens). C’est aussi vrai, car les libertaires ont horreur de discuter avec la maréchaussée qui sous couvert de port d’uniforme entend nous faire obéir à des injonctions souvent non fondées et parce que c’est le bras armé de l’Etat. Alors, « L’anarchisme est d’abord une éthique. » (Henri Cartier-Bresson), cela est aussi vrai mais pas que. L’anarchisme reconnaît la lutte des classes mais va au-delà.

Au-delà de la politique et de l’économie, il existe encore de vastes inégalités et des relations de pouvoir dominantes qui affectent notre monde. Les systèmes et les cultures d’idéologie raciste, de préjugés religieux, de patriarcat, de xénophobie et de nombreuses autres formes d’oppression (sexuelle…) dominent encore notre monde. La destruction de ces institutions, systèmes et éléments oppressifs des cultures est aussi au cœur de la vision anarchiste. Ces systèmes doivent être détruits et remplacés par des relations égalitaires qui donnent la priorité au respect, à la libération, à la solidarité, à la diversité et à l’autonomie au sein de diverses communautés qui permettent aux gens d’être libres et pleinement humains de la manière qu’ils choisissent, tant que cela n’implique pas la domination, l’oppression ou l’exploitation des autres.

 

En effet, l’anarchisme ne soutient aucunement la liberté de certains d’exploiter, d’opprimer ou de nuire à d’autres – il ne s’agit pas d’une course à l’intimidation comme le capitalisme ou le léninisme. Au contraire, l’anarchisme vise fondamentalement à éliminer les relations de pouvoir dominantes et oppressives.

L’anarchisme est-il possible à mettre en place? Les mouvements explicitement anarchistes les plus solides qui ont mis en œuvre une telle vision se sont produits, en Ukraine de 1917 à 1921 et en Espagne de 1936 à 1939. L’expérience, notamment espagnole, est restée dans les mémoires. Les anarchistes ont également construit, exercé une forte influence ou ont été des forces importantes dans certains des premiers mouvements ouvriers sur presque tous les continents à la fin du 19e et au début du 20e siècle : Bourses du Travail et CGT en France, Fora en Argentine, CNT en Espagne…. Plus récemment, certaines sociétés révolutionnaires ont également émergé dans des endroits comme le Chiapas (Mexique) dans les années 1990 jusqu’à présent dirigé par les zapatistes et au Rojava, au Kurdistan (nord de la Syrie et Irak) de 2012 à aujourd’hui (tout en combattant avec succès et héroïsme les forces de l’Etat islamique). Ces mouvements, s’ils ne sont pas anarchistes à proprement parlé, n’en sont pas moins à tendances libertaires et élargissent le champ des possibles.

Les anarchistes sont partisans de l’action directe, cela signifie que les anarchistes n’essaient pas de se faire élire à diverses fonctions électives ou de prendre le contrôle de l’État par d’autres moyens.

Nous ne privilégions pas les contestations judiciaires devant les tribunaux pour changer les lois mais il nous arrive d’utiliser les tribunaux pour obtenir gain de cause notamment sur le plan du droit du travail. Nous ne tentons pas d’obtenir des postes de direction dans les entreprises pour changer la façon dont les choses sont gérées car ces postes permettent aux patrons d’avoir des fusibles à leurs ordres. Au lieu de cela, par le biais d’actions collectives ascendantes sur nos lieux de travail, dans nos écoles et au sein de nos quartiers, nous cherchons à forcer ceux qui sont en position de pouvoir à améliorer nos conditions (ou à changer les conditions directement sans l’approbation des autorités), tout en construisant une alternative au pouvoir au sein de la classe ouvrière au sens large, nécessaire pour obtenir des gains plus importants et finalement une transformation fondamentale de nos conditions de travail et de vie. Par exemple, l’action collective directe peut impliquer des grèves, des boycotts, des blocus, la désobéissance civile ou la réalisation directe de changements sans l’approbation des autorités. En outre, des efforts plus larges d’éducation et d’organisation aident à construire vers une telle action, de manière à élargir la lutte et la conscience des gens. L’alternative que nous devons construire doit être autonome par rapport à l’État, aux partis politiques ou à d’autres forces élitaires ou hiérarchiques, et représente plutôt le « pouvoir » collectif et égalitaire.

L’alternative libertaire est préfigurative de ce que nous voulons construire, cela signifie que nous cherchons à nous organiser d’une manière cohérente dans une société dans laquelle nous vivons tout en construisant des contre-pouvoirs. Nous nous organisons d’une manière collective et égalitaire où nous affrontons le capitalisme, l’Etat et tous les systèmes d’oppression à la fois à l’extérieur et à l’intérieur de nos mouvements et nous commençons à planter les graines anarchistes et à construire les fondations d’une nouvelle société. Nous voulons l’abolition de l’État, l’expropriation des patrons avec pour corollaire tous les moyens de production de quelques-uns transférés au contrôle et au bénéfice de tous, et la transformation fondamentale des systèmes, institutions et cultures dominants, oppressifs et exploitants de notre monde en systèmes libérateurs, libres et égalitaires de demain.