Les élections se sont déroulées comme prévues pour la macronie. Le duel Macron-Le Pen s’est imposé « naturellement ». Et la suite sera du même tonneau car leur démocratie ne s’embarrasse pas de millions d’électeurs qui, faute de proportionnelle, vont se retrouver sans représentation réelle et proportionnée à leurs forces à la chambre des députés. Mélenchon a beau rameuté le banc et l’arrière banc de la gauche, il sait pertinemment qu’il ne sera pas, en l’état actuel des choses, Premier ministre. On voit mal Mélenchon passer de 17 à 289 députés. Marine Le Pen est plus réaliste et entend incarner la première opposante à Emmanuel Macron. L’essentiel se joue dans les recompositions à l’œuvre à gauche et à l’extrême droite. Tout le monde se focalise sur le deuxième tour des élections avec 28% d’abstentions auxquelles il faut ajouter les 6,2% de bulletins blancs et nuls. Si on compile avec les 41,46% de votes pour Marine Le Pen, il n’y a pas loin à spéculer sur la légitimité de l’actuel locataire de l’Elysée. D’ailleurs, depuis des lustres, les élus ne sont que peu représentatifs des électeurs tant sur les plans comptable que sociologique. La légitimité des votes et de la démocratie représentative ne sont que des fictions. Nous sommes donc dans une certaine continuité. C’est vrai que les chiffres donnent le vertige. Entre le vote Le Pen, l’abstention et le vote blanc ou nul, ce sont 30 millions de personnes qui n’ont pas voté Macron. Si on ajoute tous les castors qui ont voulu faire barrage à l’extrême droite, le score pro-Macron est certainement des plus réduits.
En réalité, il vaudrait mieux analyser les résultats du premier tour. On nous parle de tripartition, une nouveauté qui remplacerait l’ancien monde où la gauche et la droite alternaient. Les libertaires que nous sommes, préférons parler de quatre pôles qui s’érigent aujourd’hui dans le paysage politique français. Le quatrième pôle étant celui des abstentionnistes ; pôle de plus en plus consistant au fur et à mesure de toutes les échéances électorales. Si ce pôle est loin d’être homogène, il n’en constitue pas moins un état de l’opinion d’aujourd’hui ; opinion qui constate de plus en plus que rien ne change : les pauvres sont de plus en plus pauvres et les riches de plus en plus riches. Il n’est que de constater les richesses engrangées par les puissants lors de la pandémie de Covid 19. Mais 16,7 millions de personnes qui s’abstiennent au second tour d’une présidentielle, c’est un fait marquant. D’autant que de nombreux abstentionnistes s’engagent dans le militantisme associatif…et touchent du doigt le concret.
Tout le monde politicien se déclare pour la proportionnelle mais à chaque fois, toute réforme est remise sous le tapis. Pour nous, la proportionnelle ne changera rien au niveau de l’exploitation patronale pour les travailleurs par exemple; elle donnera juste un semblant de « justice » pour les électoralistes de tous polis. Le « renouveau démocratique » n’est qu’une autre fiction.
Le troisième tour social ne se fera pas dans les urnes, il se fera dans la rue ou il n’y aura rien. Si le mouvement social ne se charge pas de remiser les mesures libérales du prochain gouvernement Macron, nous nous retrouverons dans cinq ans dans la même situation qu’aujourd’hui. Et nous pourrons discourir à l’envi : – Le président sera-t-il de centre-droit ou d’extrême droite en 2027 ? La présidente sera-t-elle de centre-droit ou d’extrême droite en 2032 ? Le président sera-t-il de centre-droit ou d’extrême droite en 2037 ?…Sous réserve d’une intervention des travailleurs eux-mêmes…
Ce qui est inquiétant et que l’on voit venir depuis 20 ans, c’est le vote d’extrême droite. Avec près de 13,3 millions de voix, soit 2,7 millions de plus qu’en 2017, Marine Le Pen a réussi sa dédiabolisation. Elle peut remercier au passage Zemmour. Dire que le vote Le Pen est un vote protestataire est une ineptie. C’est dans l’ensemble maintenant un vote de conviction, un vote revendiqué et les gens ne se cachent plus comme il y a vingt ans. Ils assument leur vote et en sont fiers. Le Nord, l’Est et le Sud ont des lignes de démarcations bien définies. Dans le monde rural aussi, Marine Le Pen s’affiche en grand et récolte les fruits d’une campagne rondement menée. Les couples qui bossent, ont deux voitures avec le carburant qui grimpe…les services publics qui ferment, les industries qui délocalisent, les villages non desservis par les transports en commun…On connaît les ingrédients de la montée du R.N. La peur du déclassement, la peur de l’autre…sont la cerise sur le gâteau.
L’électorat urbain, notamment Paris, Rennes, Rouen, Le Havre, Nantes, enfin les grandes villes…résiste mieux aux sirènes d’extrême droite mais pour combien de temps encore.
Macron dit réfléchir à nouveau à combattre l’extrême droite. Les libertaires feraient mieux de compter sur leurs propres forces. Nous avons vu ce qu’il a fait durant un quinquennat. Et on voit mal Gabriel Attal, Denormandie et Cie aller au contact avec les faschos quand le moment viendra car il viendra malheureusement.
C’est quand nous parlons retraites, salaires, conditions de travail et de vie que nous sommes crédibles et renvoyons l’extrême droite dans les cordes. C’est quand nous parlons écologie sociale et libertaire que les jeunes sont réceptifs à nos idées. Car nous le faisons en tant qu’anticapitalistes, contre le patronat, contre les actionnaires et les spéculateurs en tout genre. Pour un autre futur.
Ti Wi (GLJD)