Il faut beaucoup d’indisciplinés pour faire un peuple libre.
Aujourd’hui, après la catastrophe industrielle de Lubrizol à Rouen, ce sont plus de 200 communes réparties sur cinq départements qui ont été touchées par les retombées de suies et autres substances chimiques, ce qui oblige des centaines d’agriculteurs à jeter leurs productions pour se conformer aux mesures de précaution préconisées par les autorités. Le lait, les œufs, le miel, les cultures, les jardins potagers…tout cela ressemble à une catastrophe écologique qui risque de se transformer en catastrophe agricole. Sans compter la confiance perdue des consommateurs, ce qui aura des conséquences économiques à plus long terme. Et les consommateurs ont bien raison d’être prudents.
Plus de 5 200 tonnes de produits chimiques ont été détruites dans l’incendie de l’usine. Les mensonges de responsables politiques n’aident pas à retrouver une ambiance sereine. Agnès Buzin a dit méconnaître la composition des produits chimiques qui ont brûlé chez Lubrizol alors que c’est une usine classée Seveso « seuil haut », donc qui exige de recenser au préalable les produits utilisés et entreposés, ce qui donne le triste label Seveso.
Des habitants de Mont Saint Aignan ont retrouvé des morceaux d’amiante dans leur jardin. Des constats d’huissier ont été dressés. Des habitants et des associations font faire des analyses indépendantes. Le mélange de tous ces produits chimiques qui ont brûlé est un mélange dangereux et potentiellement cancérogène. Les cancers, problèmes endocriniens, problèmes de fertilité…se feront jour dans les années à venir.
Lubrizol essaie de contrattaquer en indiquant que les caméras de vidéo-surveillance et des témoins oculaires montrent que le feu a d’abord été observé à l’extérieur du site. Ce qui est loin d’être avéré et qui n’enlève en rien la responsabilité de Lubrizol qui n’a pas su jauger les risques encourus par la population de Rouen et sa région ainsi que celle des départements limitrophes.
Deux manifestations se sont déroulées ; la dernière a réuni plus de 2000 personnes devant le Palais de Justice, mardi premier octobre. Les gens scandaient : « On veut la vérité, on ne veut pas crever », « Lubrizol coupable, l’Etat complice ». Syndicats, partis, associations environnementales, simples citoyens ont jugé que les explications des autorités ainsi que celle de la direction de l’usine étaient insuffisantes. La pression monte et grâce à la mobilisation en cours, la recherche des dioxines s’effectue.
Manifestations, droit de retrait, notamment d’enseignants, plaintes déposées…les actions vont se prolonger car une certaine psychose s’est installée durablement dans la capitale normande. Certains spécialistes préconisent que les enseignants et les élèves ne regagnent pas les écoles tant que tout danger n’est pas écarté.
Dans le cas d’AZF, les victimes étaient des ouvriers de l’usine car les travailleurs sont toujours en première ligne dans ces situations, puis viennent les pompiers qui effectuent bien souvent un travail remarquable pour sauver des vies.
Ici, à Rouen, pas de victimes ouvrières et c’est tant mieux. Mais l’Etat et Lubrizol n’en seront pas quittes pour autant car c’est une agglomération de 500 000 personnes qui est touchée. Les journalistes, les avocats…sont autant visés par la pollution que les ouvriers. La population bourgeoise de Rouen-centre ainsi que celle de Bois Guillaume est autant touchée que celle avoisinant Lubrizol sur les quais. Tout le monde va se bouger selon ses moyens et c’est tant mieux.
Les libertaires, à la pointe du combat écologiste non partidaire, auront à cœur d’effectuer des propositions originales. Et ceux et celles qui pensaient être à l’abri de toute pollution, citadins comme ruraux, en seront pour leurs frais. Idem si une centrale nucléaire pète, le nuage radioactif ne s’arrêtera pas au périmètre limitrophe de la centrale…Les libertaires havrais, il y a quelques années, avaient déjà pointé l’incohérence et la dangerosité de trouver encore des industries polluantes en ville et notamment à quelques dizaines de mètres d’une école maternelle et d’une école élémentaire (Verreries de Graville). C’est toute cette mentalité du XIXème siècle et de l’entre-deux guerres qu’il va falloir battre en brèche. C’est le capitalisme dans toute son absurdité qu’il faut combattre.
Patoche (GLJD)
PS: A propos d’écoles, les enseignants auront vraiment l’air cons avec leur scotch à mettre autour des fenêtres pour confiner leurs élèves en cas d’accident…