L'institution punitive par excellence de l'État est la prison

Karma_Carmen_Fernandez_CNT430

«LA PRISON ne peut être comprise que comme un outil répressif de l’appareil dirigeant, à travers lequel il renforce son pouvoir. De même, nous pouvons affirmer qu’elle découle de la nécessité pour ce pouvoir de contrôler le peuple, de la nécessité de le réglementer, de l’ordonner, de le maintenir, en des termes diminutifs, sous une liberté conditionnelle, soumise à un code pénal, avec la menace constante d’emprisonnement suspendu au-dessus de sa tête ». XOSE TARRIO

L’institution punitive par excellence de l’État est la prison, structure hiérarchique de domination et de privation de liberté sur laquelle repose le système économique capitaliste. Le résultat de la répression est peu probant puisque  2 détenus sur 3 commettent à nouveau un crime en sortant, et 8 personnes sur 10 qui ont mis les pieds dans une cellule à 20 ans le referont encore au moins quatre fois, tout au long de sa vie. L’échec de la supposée réinsertion sociale est patent. Le principe de réhabilitation est une forme délibérée d’ingérence de l’État pour rééduquer des individus que le pouvoir et le capital jugent problématiques.

« 9 crimes sur 10 pourraient être attribués, directement ou indirectement, à nos inégalités économiques et sociales, à notre système d’exploitation et de vol impitoyable » (E. Goldman). Et ces dommages collatéraux sont le problème.

Nous assistons à la montée du discours de tolérance zéro contre le crime, qui est en fait un nettoyage de classe et une pénalisation de la misère (Muñoz). En grande partie grâce à la pornographie sécuritaire : chroniques de panique morale, marchandisation morbide de faits intolérables… qui se traduisent par l’exigence de réponses fortes qui alimentent le discours criminel de l’État et son durcissement (Muñagorri).

Pendant que nous détournons le regard, les prisons tuent et criminalisent des millions de personnes à travers le monde. Cela vaut pour eux tous, et pour tous les corps brisés, qui sont morts victimes de la vengeance sociale.

En France le nombre de détenus atteint un niveau record. Ainsi au 1er octobre 2022, on recense 72 350 personnes dans les prisons françaises. Le nombre de matelas au sol dans les établissements a bondi de 39 % en un an. Contrairement à la plupart des autres pays européens, la France continue d’incarcérer toujours plus et pour des peines de plus en plus longues. Le gouvernement entend montrer ses muscles et sa capacité à réprimer. Mais les murs des prisons ne sont pas extensibles et les places manquent malgré les discours en vigueur.

Le résultat de cette situation est sans appel : le nombre de détenus contraints de dormir sur un matelas au sol, relevé la journée afin de permettre aux autres détenus de descendre des lits superposés, atteint 2 053. C’est 39 % de plus en un an (Chiffre du journal Le Monde). Des conditions d’entassement dans les cellules qui sont sources de tensions entre détenus et surveillants. Les activités scolaires, culturelles ou sportives … ne peuvent être proposées qu’à la portion congrue.

Je me souviens de discussions avec Serge Livrozet au Havre. Ce dernier avec neuf années de prison au compteur connaissait bien le milieu carcéral. Tout comme Emma Goldman, il affirmait que la grande majorité des détenus n’avait rien à faire en prison. Qu’enfermer des jeunes avec des détenus plus anciens était contreproductif. Il savait de même que certains détenus étaient dangereux et qu’ils devaient rester en prison sinon « on pourrait craindre pour la vie de nos proches ». Pas d’angélisme donc. Il rencontre Michel Foucault avec qui il crée le Comité d’action des prisonniers. Il se bat contre les Quartiers de Haute sécurité.

Récemment quand on lui demandait si son action avec d’autres dans le CAP avait été efficace, il répondait laconiquement que cela n’avait servi à rien puisque la situation dans les prisons était pire aujourd’hui.

Ce qui est flagrant aujourd’hui dans cette justice de classe, c’est de constater que la délinquance en col blanc est nettement mieux tolérée que celle du petit « loubard ». Que dire de l’exemple des Balkany? Et tant d’autres qui purgent leur peine dans des cellules VIP.

Est-ce à dire que le combat pour éviter la prison à des jeunes sans repères, sans travail…qui baignent dans une sphère violente où la pauvreté est le seul exemple, que le combat est perdu d’avance ? Les éducateurs que nous sommes ne le pensent pas. Mais d’autres défis se font jour depuis plusieurs années. Ceux du grand banditisme qui s’appuie sur des milliards générés par le trafic de drogue, les trafics d’êtres humains…et qui représente une porte de sortie pour celles et ceux qui désirent gagner de l’argent facilement. L’éthique libertaire semble bien mince comme rempart face à cette nouvelle barbarie qui finalement connaît très bien les codes de l’ordre capitaliste.

Goulago (GLJD)