L’entre soi des élites dans les grandes écoles

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L’entre soi des élites  dans les grandes écoles

Avec la massification et l’allongement  de la scolarisation, de nombreux jeunes bacheliers se retrouvent à exercer un métier non qualifié et ceux qui ont un master 2 par exemple ont du mal à trouver un travail tout court et encore moins un emploi correspond à leur niveau d’études. On assiste donc à un phénomène de déclassement où les jeunes se retrouvent finalement moins bien lotis sur le plan professionnel que leurs parents. D’où un sentiment d’abandon. Le patronat et l’Etat qui n’ont besoin que d’une petite élite aujourd’hui pour faire tourner leur système n’ont plus besoin d’une élévation de niveau scolaire pour le plus grand nombre. C’est pourquoi  l’Education Nationale se dégrade et que le système de l’école privée ou plutôt des collèges et lycées privés a le vent en poupe. On s’éloigne de plus en plus de l’école émancipatrice que l’on souhaite quand on a un réflexe de classe.

Un article du Monde en date du samedi 7 Janvier 2017 indique que 45% des dirigeants des entreprises du CAC 40 sont issus de Polytechnique, de HEC et de l’ENA. En reprenant les  arguments des libertaires intéressés par les problèmes de l’Education au XIXème siècle, on peut constater que l’élitisme à l’école est l’un des piliers de la République. L’article de Raphaëlle Rérolle est intéressant mais il est dommage qu’elle n’ait pas cité Proudhon qui déjà en son temps dénonçait une certaine oligarchie qui trustait tous les postes de pouvoir. L’originalité du penseur anarchiste fut de dénoncer le rôle des grandes écoles et d’insister sur l’éducation polytechnique comme alternative à la reproduction des hiérarchies sociales.

Le modèle français d’ascenseur social et d’égalité républicaine fut trompeur. Seule une minorité était sélectionnée pour gouverner. Les personnes issues des grandes fortunes continuaient à maîtriser les codes des classes supérieures : capacité à s’exprimer oralement, poliment…pratiques de sports et le dress code…Même si une volonté politique de récupérer une minorité de jeunes issus de milieux défavorisés a vu le jour, on constate que les dés sont pipés d’avance. Le sociologue Paul Pascuali enfonce le clou : « Les difficultés scolaires sont rattrapables mais une fois sur le marché du travail les entreprises ne recrutent pas seulement sur le diplôme. Le non-scolaire reprend ses droits, alors même que les boursiers ont tout misé sur le jeu scolaire. Par ailleurs, le carnet d’adresses compte : un bon réseau donne accès aux bons stages. » Et puis les petits séjours linguistiques à l’étranger peuvent faire la différence. Là encore les moyens financiers des parents sont mis en jeu. Le monde de la finance prend l’avantage de nos jours sur toute autre origine de l’élite. On voit que leur pouvoir influence de près les politiques de dérégulations des marchés. Ces lobbies économiques font de l’argent sur le dos des plus pauvres. Pas besoin d’éthique puisque la délinquance financière est moins sanctionnée que le vol à l’étalage. Concernant les cercles de pouvoir, les sociologues Paul Lagneau-Ymonet et François Denord affirment que « La naissance reste, en France, l’une des principales conditions de l’accès aux positions de pouvoir. » Les jeux sont faits par et pour l’élite, c’est un jeu de dupes et un trucage éhonté pour le commun des mortels.

Concernant le rôle des grandes écoles, Proudhon était un visionnaire : « Nos écoles, quand elles ne sont pas des établissements de luxe ou des prétextes à sinécures, sont les séminaires de l’aristocratie. Ce n’est pas pour le peuple qu’ont été fondées les écoles Polytechniques, Normale, de Saint-Cyr, de Droit, etc,; c’est pour entretenir, fortifier, augmenter la distinction des classes, pour consommer et rendre irrévocable la scission entre la bourgeoisie et le prolétariat. » (Cité par Patrice Rannou, P.20-Libertaires et Education- L’Harmattan- Septembre 2016).

Ne pas tenir compte du phénomène de classes, c’est passer à côté de la finalité de l’entre-soi.

Goulago (G.L.J.D.)