Lénine, le dictateur

Etudier la période de 1917 à 1922, en Russie, c’est se pencher sur la période qui s’étend de la prise de pouvoir en 1917 à la fin de la participation active de Lénine au gouvernement en 1922. De quoi le léninisme est-il le nom ? Et bien c’est le procédé qui a consisté à imposer à la majorité, la domination d’une minorité. C’est la méthode qui a liquidé toute opposition en emprisonnant, tuant et déportant les Sociaux-Révolutionnaires, les Anarchistes et les Mencheviks, notamment. Ces opposants à Lénine représentaient pourtant des portions importantes de la masse révolutionnaire. Bref, le léninisme, c’est la liquidation des partis et des groupes d’opposition organisée ; c’est l’histoire d’un groupe d’hommes décidé à s’emparer du pouvoir exclusif en Russie en s’attaquant à d’autres révolutionnaires. En clair, Lénine a mis en place une pratique consistant à supplanter et détruire tous les autres partis ouvriers et paysans pour s’établir seul au pouvoir. Les bolcheviks, d’autre part, n’étaient guère soutenus par la population et c’est une légende qu’ils avaient « les masses » derrière eux. Bien entendu, Lénine se définissait comme marxiste et il persuada ses adeptes que les décisions de sa politique puisaient dans les principes énoncés par Marx et Engels.

C’est à partir de 1921 que Lénine mit en œuvre son schéma d’organisation de parti, à savoir le monopole de la domination sur le prolétariat et la paysannerie. Celui-ci s’est établi qu’après l’élimination de la scène politique de tous les opposants socialistes et anarchistes et spécialement les Mencheviks dont l’influence auprès des syndicats représentait pour les Communistes la concurrence la plus dangereuse.

Avant la révolution, le conflit entre les deux ailes de la social-démocratie a tourné beaucoup plus autour de la question de l’organisation et des méthodes qu’autour des questions de théorie. Il faut avoir cela à l’esprit, c’est toute la stratégie des léninistes qui consiste à faire un bout de chemin ensemble, avec les autres révolutionnaires, pour abattre l’ennemi principal puis une fois l’objectif atteint, c’est au tour des diverses oppositions d’être laminées. C’est la politique des Horace et des Curiace.

Les adversaires de Lénine avaient des scrupules moraux, Lénine, lui n’en avait pas ; il avançait selon le vieil adage « la fin justifie les moyens ». Contrairement à leurs adversaires socialistes et anarchistes, les bolcheviks étaient résolus dans leurs décisions. Sous la conduite de Lénine et à cause de lui, ils n’avaient pas peur d’abandonner leur doctrine lorsque la question primordiale du pouvoir était en jeu, ni de faire preuve d’opportunisme dont Lénine accusait si souvent ses opposants socialistes et anarchistes. C’est ce qui fait toute la différence avec les anarchistes qui n’aspirent pas à prendre le pouvoir car ce dernier est maudit.

Nous connaissons l’analyse marxiste de la dictature du prolétariat selon laquelle l’Etat dépérirait progressivement dès le moment où le prolétariat aurait pris le pouvoir et consolidé sa conquête. Nous savons tous qu’une nouvelle bureaucratie prend le contrôle de l’Etat, le renforce et continue à exploiter en tant que nouvelle classe, les travailleurs.

Si dans L’Etat et la Révolution, Lénine déclare en 1917 : « L’Etat prolétarien commencera à dépérir immédiatement après sa victoire, car, dans une société sans contradiction de classe, l’Etat est inutile et impossible. », dès 1918, il déclare de même que « Proclamer à l’avance ce dépérissement de l’Etat revient à violer la perspective historique ».

Avant la révolution, les bolcheviks n’avaient jamais mentionné leur volonté de gouverner seuls avec un Etat gouverné par un parti unique. Officiellement, la prise de pouvoir avait eu lieu sous l’égide des Soviets où plusieurs partis et organisations anarchistes étaient représentés. Mais on s’aperçut rapidement qu’après Octobre, Lénine avait l’intention de gouverner seul. L’arme favorite des bolcheviks fut la calomnie contre tous les partis socialistes et les anarchistes. En 1917, les Communistes et Lénine ne manquaient pas d’identifier la révolution avec eux-mêmes mais ce n’était qu’une prétention qu’ils étaient les seuls à affirmer et qui ne se justifiait aucunement dans les faits.

Lénine attaqua ses opposants en 1921 en les qualifiant de contre-révolutionnaires afin de mieux les éliminer.

Le bilan politique n’était guère encourageant pour le Parti Communiste en mars 1921. Parmi les paysans, il avait perdu en grande partie, sinon en totalité, le soutien ou tout au moins la neutralité qui avait joué naguère un rôle important dans sa victoire de novembre 1917 et lors de la guerre civile. Même le prolétariat avait de plus en plus d’aversion pour les communistes, tandis que les mencheviks, notamment, gagnaient en popularité. Il fallait donc sévir et trouver des solutions pour maintenir la dictature léniniste.

Certes, l’impopularité était due aux privations imposées par la guerre civile mais aussi par l’injustice, la violence et l’arbitraire des mesures que prenaient les communistes contre tous ceux qui n’acceptaient pas leur domination sans réserve. La révolte de Cronstadt en a fourni la preuve indiscutable.

Lénine est donc le précurseur de Staline et de Poutine. Leur point commun : éliminer toute dissidence pour sauvegarder leur pouvoir.

Voilà pourquoi, quand nous entendons certains trotskystes de 2024 se réclamer de Lénine et par opportunisme le présenter comme un précurseur de l’écologie, nous autres anarchistes, le voyons plutôt comme le précurseur de la déportation de populations, des emprisonnements et des assassinats de masse.

Goulago