Ce que certains anarchistes électoralistes et la gauche en général nous proposent c’est la politique du moindre mal en votant pour le NFP. Mais un vote ne fait pas une stratégie. Certes l’opposition RN/NFP est tranchée mais elle devrait se placer davantage sur le plan des valeurs. Le programme du Front populaire reflète le déjà entendu et non réalisé de la gauche de gouvernement. La bande à Mélenchon prétend au sérieux en équilibrant d’un point de vue théorique la production, la redistribution et l’écologie. Le programme du RN se place, lui, sur ses valeurs traditionnelles de la droite identitaire : contrôle de l’immigration, préférence nationale, refus de l’écologie, la sécurité…
Avec LR qui clarifie sa position en se scindant, avec un RN qui fait des scores électoraux hors normes, avec une union de la gauche à la va-vite et qui explosera à la moindre occasion, les libertaires se retrouvent au milieu de ce fatras politicien. Pour autant, fidèles à nos engagements, nous ne comptons pas nous inscrire dans une logique électoraliste.
L’adhésion aux discours du RN et le succès électoral qui en résulte demeurent la défaite de tous et toutes y compris nous autres libertaires qui n’avons pas su capter sur nos idées le camp de travailleurs.
Par ailleurs, en admettant que le RN arrive au pouvoir, ce qui n’est pas encore fait, nous savons pertinemment qu’il n’arrivera pas à respecter ses engagements et le ressentiment à son égard grandira comme pour tout parti politique au pouvoir. Ce qui est à craindre, c’est que les travailleurs se tournent alors vers l’esprit « Reconquête » jugé plus combatif contre l’immigration etc.
Zemmour sans député, ce n’est pas pour autant qu’il disparaîtra, et avec lui et ses associés, c’est toute l’extrême-droite qui se cache derrière le paravent du RN en attendant son heure.
Le fascisme a une logique autoritaire (Etat-nation) et se veut le garant d’une morale souvent chrétienne : contre l’avortement et les minorités LGBTQ+ ; c’est le contrôle sur les corps en permanence. Le vote des catholiques incarné par Marion Maréchal se radicalise. La peur de l’Islam…Par exemple, selon les instituts de sondage IFOP et IPSOS 10 à 12% des catholiques pratiquants ont voté Reconquête aux dernières européennes.
Il est d’ailleurs possible d’effectuer une symétrie entre les différents intégrismes religieux à propos du contrôle sur les corps, notamment des femmes. C’est pour cela entre autres que le combat anticlérical sera toujours d’actualité si l’on aspire à l’émancipation.
Depuis 2002, les scores électoraux du FN/RN croissent régulièrement et sûrement. Cela fait quatre décennies que les politiciens font des promesses qu’ils ne tiennent jamais ou à la marge. Ce sont ces pratiques politiciennes qui nourrissent la défiance des gens. Dans les boîtes aux lettres les tracts concernant les élections législatives arrivent, on peut y lire pour les députés sortants qui entendent conserver leur place : « Dans ce contexte incertain et lourd de dangers, nous nous représentons pour retourner au combat avec votre soutien indispensable ». Hormis le traditionnel appel à déléguer son pouvoir, c’est la rhétorique politicienne qui pose problème. Le citoyen lambda se dit que le député va retourner au combat. Mais on n’a rien obtenu à part une hausse des prix alimentaires, de l’énergie…à quoi bon revoter pour un député qui finalement ne nous a pas beaucoup servi dans notre vie de tous les jours. Alors ce citoyen s’abstient ou vote pour essayer quelque chose de nouveau. CQFD.
La lepénisation des esprits ne date pas d’aujourd’hui, sortie comme par enchantement. L’idéologie d’extrême-droite va bien au-delà des problèmes migratoires. Les idées portées par différentes chapelles d’extrême-droite et fascistes infusent et se diffusent : subversion migratoire, ensauvagement et insécurité, décivilisation…
La banalisation suit son cours depuis plus de vingt ans. Ceux et celles qui ont joué avec le feu seront comptables de leurs actes devant l’Histoire à commencer par Mitterrand.
Cependant les idées d’extrême-droite gouvernent déjà en France et depuis longtemps. Le RN au gouvernement ne sera qu’une accélération de la politique coloniale, antisociale, autoritaire, écocidaire, patriarcale, etc. dont Macron n’a jamais été le rempart mais l’accélérateur à la suite de Sarkosy notamment avc de multiples complicité de tous bords politiques (Chevènement, Valls…). Alors faire barrage comme les castors depuis plus de vingt ans, c’est à la fois éculé et absurde car l’extrême-droite est un produit de ce système capitaliste. Il en est même le bouclier dans sa forme la plus radicale notamment s’il y avait un danger révolutionnaire qui irait à l’encontre des intérêts du patronat.
Penser le vote comme une stratégie de lutte à part entière est un attrape-couillons. Dans l’état actuel des choses, même si le NFP arrivait au pouvoir, il ralentirait peut-être la poussée de l’extrême-droite mais momentanément et en aucun cas cette dernière disparaîtrait. Seule une rupture avec le système capitaliste et un changement radical de logiciel pour une égalité économique et sociale ainsi qu’une écologie sociale pourrait mettre hors champ le fascisme.
Le système électoral a été conçu en 1848 pour rendre inaudible toute contestation révolutionnaire et surtout pour maintenir les privilèges des capitalistes et de leurs larbins sous couvert de démocratie.
Qui pense sérieusement que la devise liberté égalité fraternité est appliquée ? Peut-on être libre quand on est pauvre. Peut-on être libre quand on est assigné à sa classe sociale, sa couleur de peau…
Les bobos, les sociaux –démocrates se rattachent aux valeurs traditionnelles de confiance dans les institutions, la démocratie, l’universalisme… Ce sont des mots creux s’ils sont vidés de leur substance comme la devise que l’on trouve sur les frontons des mairies…C’est pour cela qu’ils invitent Laurent Berger à devenir premier ministre en cas de victoire du NFP. Nous ne cautionnerons jamais ce type d’entourloupes.
Les anarchistes sont certes peu audibles mais ils ont une analyse sérieuse de l’Etat qu’il conviendra bien un jour de détruire pour construire la révolution sociale et libertaire à laquelle nous aspirons.
Dénoncer un parti qui édulcore son programme, ses propos et qui se dédiabolise ainsi comme le RN, ne sert pas à grand-chose même s’il faut le faire.
Les oppressions qu’induisent le pouvoir et ses rapports de domination sont les fruits qui viennent du même arbre. Il nous faut tout analyser à la racine du mal ou plutôt des maux.
A la différence de l’extrême-droite qui joue sur la peur, les anarchistes, eux, capitalisent sur le sentiment d’injustice et sur la rage. Mais notre colère ne suffit pas.
Nous devons donc adapter nos réponses à l’urgence climatique mais aussi aux nouvelles technologies sécuritaires qui nous répriment et vont le faire de plus en plus.
Patoche (GLJD)