L’Affaire Jules Durand : les enjeux politiques actuels
Tout d’abord, il faut rappeler qu’au moment de l’Affaire Dongé qui deviendra corrélativement l’Affaire Durand, les seules forces politiques en présence au Havre sont les anarchistes et les socialistes.
Les anarchistes disposent sur le plan national de plusieurs journaux : le libertaire, les Temps Nouveaux et l’Anarchie. On peut considérer aussi La Guerre sociale comme proche des libertaires avant 1912, ce qui ne sera plus le cas après cette date. Sans compter les très nombreuses publications régionales libertaires voire syndicales comme Vérités au Havre.
Dans la cité industrialo-portuaire, les libertaires peuvent être regroupés au sein d’un groupe libertaire « spécifique » ou non. Il est clair que la plupart des militants anarchistes au Havre ont fait le choix de l’engagement au sein des syndicats et non dans un groupe affinitaire même si l’un n’exclut pas l’autre. Ce qui ne les empêche nullement de faire de la propagande libertaire dans les syndicats par des réunions ou l’écriture d’articles dans Vérités, le journal de l’Union des Syndicats du Havre et de la Région. Il suffit de relire les nombreux articles : contre les élections/Antivotards, contre l’armée, pour la limitation des naissances…des sujets chers aux anarchistes. D’autant que les libertaires se donnaient les moyens de mettre en pratique leurs conceptions avant-gardistes. L’avortement était pratiqué en 1911, au dispensaire syndical, sous contrôle médical par exemple…
Certains anarchistes, notamment ceux qui se réclament de L’Anarchie », sont anti-syndicalistes. Cette tendance que l’on nommera plus tard « individualiste » est plus complexe qu’il n’y paraît au premier abord. Briollet, élu secrétaire de l’Union locale du Havre en novembre 1909, entretient de bonnes relations avec Libertad dont il écrira la nécro dans Le Progrès. Il s’occupera par la suite des « Causeries populaires » au sein de la Bourse du Travail et de son logement de la rue Jean Bart, ventilera les brochures antimilitaristes contre la loi des Trois ans en 1913 au sein de la Bourse du Travail…
Jules Durand était, lui, impliqué dans le champ syndical en tant que libertaire. Tout comme Brière, autre charbonnier (cf le livre « L’Affaire Durand », dernier livre paru en novembre 2013).
Les socialistes havrais, eux, ont une tradition révolutionnaire puisqu’ils sont issus pour les militants les plus influents du courant allemaniste. La porosité entre allemanisme et anarchisme est flagrante : Verson, Hanriot…viennent des milieux libertaires, tout comme certains allemanistes ont rejoint les anarchistes : les allemanarchistes disait Pelloutier.
Il existe aussi un courant socialiste réformiste autour de Castagnier du port. Le courant guesdiste (marxiste) est quasiment inexistant au Havre.
La complexité de la situation havraise provient du fait que tous les courants socialistes dont l’anarchiste tentent au départ de travailler ensemble, les joutes électorales étant la ligne à ne pas franchir pour les libertaires. C’est ainsi que les socialistes sont regroupés en 1886 dans un groupe « Le Vigilant ». Quelques années plus tard, les socialistes révolutionnaires et certains anarchistes sont regroupés dans un même groupe « Ni dieu ni maître »….Par contre la ligne de démarcation sera claire après la réunification socialiste de 1905 et la Charte d’Amiens de 1906/C.G.T. Syndicaliste Révolutionnaire. Pour autant, les relations humaines tissées de longue date prennent souvent le pas sur les appartenances politiques des uns et des autres chez les vieux militants.
Il est utile d’effectuer ces quelques précisions car nous assistons à une révision de l’histoire de la part de courants politiques d’aujourd’hui. Sont exclus pourtant, de fait, de cette période de l’histoire les communistes de filiation stalinienne, puisque le P.C est fondé au Congrès de Tours en 1920 et les Trotskystes dont l’apparition en France date de 1929. Ce n’est donc pas une exclusion volontaire mais de chronologie et de circonstances historiques.
Ce sont des membres de ces mêmes chapelles politiques qui essaient aujourd’hui de semer le doute sur le fait que Jules Durand se réclamait des idées libertaires…relayés par certains socialistes locaux enclins à se refaire une virginité sur le dos du pauvre Durand. Car si du temps de Jaurès, on pouvait parler de socialisme, au jour d’aujourd’hui nous ne pouvons parler que de libéraux. Le « socialiste » contemporain le plus populaire dans les sondages n’est-il pas Manuel Valls ? Ce personnage a au moins l’honnêteté de dire que le PS n’est plus socialiste et qu’il faut changer la dénomination du parti…
Même Salacrou reconnaissait à Durand l’étiquette d’anarchiste dans sa pièce de théâtre et l’Union des Syndicats du Havre à la sortie de la pièce « Boulevard Durand » n’a rien trouvé à redire. Il faut dire que Jochem, secrétaire de l’U.S.H, voilier, était d’obédience libertaire…Quelqu’un le contesterait-il aussi aujourd’hui ?
Quand le groupe libertaire Jules Durand s’est constitué en 1962 autour de Jean-Pierre Jacquinot, docker anarchiste au Havre, c’est tout naturellement que le nom de Durand a été donné au groupe anarchiste havrais. C’est aussi tout naturellement que les libertaires du Havre militent pour la plupart au sein de ce groupe qui a fonctionné et fonctionne depuis plus de cinquante ans….dans notre localité.
C’est sans doute pour cela que les politiciens de tous poils se réclamant de la question sociale n’apprécient guère la permanence des idées libertaires au Havre… Que les politiciens continuent à se déchirer pires que des chiens, l’actualité nous apporte la triste réalité des petits arrangements entre amis ou meilleurs ennemis, nous on ne change pas. Libertaires nous sommes, libertaires nous restons, loin de « l’Assiette au beurre » et des menteurs.
(à suivre)
Pour l’instant, nous ne pouvons que vous conseiller le dernier livre paru sur « L’Affaire Durand » aux Editions Noir et Rouge.
PS : Il est évident que le milieu militant est pathogène. Regardons les histrions socialistes d’aujourd’hui au travers des luttes d’influences entre Camille Galap et Laurent Logiou, ce dernier étant soutenu par l’appareil PS qu’il a vérouillé depuis belle lurette.(cf Le Havre Libre du samedi 23 novembre 2013 et l’article de Médiapart)
Au Front de gauche, l’appellation est revendiquée par le PC et le PG et ses alliés. Le NPA qui a du mal à se relever de ses scissions (Gauche anticapitaliste…) et se retrouve nulle part ailleurs. Les vautours électoraux planent sur quelques places à prendre.
Pendant ce temps-là, la droite se marre…
Alors politiciens, tous avides de pouvoir, n’essayez pas de récupérer le libertaire Durand !
Gardez votre énergie pour vous étriper en toute fraternité…Le problème avec vous autres, politiciens, c’est que vous avez mis le syndicalisme en lambeaux avec vos manies de tout salir…et contrôler. C’est donc vous qui êtes directement responsables du boulevard qui se crée au profit du F.N.
N’essayez plus de vous dédouaner de vos responsabilités. Le mouvement ouvrier court à sa perte à cause de vous. C’est pour cela que nous sommes fiers d’appartenir au mouvement libertaire, loin de vos jeux de pouvoir et liberticides.