Les illusions perdues d’un journaliste de province, 1944-1990
par Pierre AUBERY
Je crois bien qu’on peut affirmer, sans crainte d’être démenti, que les Français de notre siècle n’ont jamais eu d’illusions sur l’indépendance de la grande presse dite d’information. Grâce à la publication par les soviétiques, au lendemain de la première guerre mondiale, des archives secrètes de la diplomatie tsariste, on avait appris toute l’étendue de « l’abominable vénalité de la presse française » selon les termes mêmes d’Arthur Germanovitch Raffalovitch, conseiller secret du ministre des finances russes, qui était chargé de répartir les subventions de son gouvernement aux journaux Français à sa dévotion. Avant la seconde guerre mondiale nul n’ignorait en France l’importance et l’influence de la « presse pourrie » et de l’un de ses chefs de file le fameux « Pourrissoir » de la famille Prouvost.
Aussi c’est sans surprise excessive que l’on vit la plupart des quotidiens de Paris et de Province continuer à paraître après l’armistice de Juin 1940, sous le contrôle des occupants allemands. Comme on peut le lire dans L’Histoire Générale de la Presse Française, (Tome IV, publié sous la direction de Claude Bellanger, Jacques Godechot, Pierre Guiral et Fernand Terrou. P.U.F. 1975. P.7) « Entre Juin 1940 et la fin du mois d’août 1944, la presse française a été une presse captive, comme la nation qu’elle avait théoriquement mission d’informer….[……….]…….Les journaux que les Français lisaient n’avaient désormais pas plus de liberté qu’eux-mêmes ; leur finalité était de servir une politique. » Et cette politique c’était celle du Troisième Reich, dictée par les Nazis, qui n’avait rien à voir, il va sans dire, avec la défense des intérêts du peuple français et des principes de la République.