Groupe libertaire Jules Durand

Nous tenons à apporter quelques précisions à propos de l’article consacré au groupe Jules Durand dans Wikipédia. Cela fait déjà quelques mois que certains copains devaient le faire…Nous nous y collons, donc.

Tout d’abord, l’article n’est pas très clair quand il indique, nous citons : « En mai 1978, la Fédération reprend la publication du plus ancien titre de périodique anarchiste francophone : Le Libertaire, apparu au début du xxe siècle. La « revue de synthèse anarchiste »reparait sous une forme mensuelle diffusée en kiosque et est coordonnée par Jean-Pierre Jacquinot. »

De quelle Fédération parle-t-on ? A l’époque, « le libertaire » ne se veut pas le journal d’une organisation. Le numéro 1 de la nouvelle mouture du « libertaire », en date du mois de Mai 1978 indique en bas de journal : Edité par les groupes Atelier du soir, Germinal, Jules Durand et des individuels de la F.A. fédération anarchiste. Il faut attendre le numéro de novembre 1979 pour voir un petit changement ; le journal est alors édité par les groupes Atelier du soir, Germinal, Amis de Louise Michel (Ex Jules Durand) et des individuels. Puis en décembre, toujours les mêmes groupes et des individuels de l’U.A. (Union des Anarchistes). Effectivement, au Congrès de Nevers, l’Union des anarchistes est créée et les compagnons ne sont plus à la F.A (certains ont été exclus, d’autres sont partis de leur plein gré).

Le groupe libertaire Jules Durand qui compte une trentaine d’adhérents début 1978 et de nombreux sympathisants, va se scinder finalement en quatre au cours de 1978-1979. L’équipe du « libertaire » autour de Jean-Pierre Jacquinot (Docker), Jacques Elloy (Docker), Alain C. et quelques autres. Comme une autre composante du groupe reste à la Fédération Anarchiste autour de Philippe Richard avec Philippe Lecorre et quelques autres, le groupe de J-P. Jacquinot prend pour nouveau nom, le groupe Louise Michel, en référence à l’histoire locale où la « Bonne Louise » fut victime d’une tentative d’assassinat en janvier 1888. Philippe Richard et quelques camarades gardent donc le nom du groupe libertaire Jules Durand avec l’appui de l’organisation nationale.

D’autres militants fondent la CNT, notamment un syndicat de l’Education. Jacques Varille (prof de math), Gérald Daniel (instituteur) et Franck D. (Elève infirmier psy) font partie du bureau. Jacques et Gérald quittèrent donc la FA, ainsi que César Refojo (ouvrier chez ATO) et Thierry R. (électricien). De plus jeunes militants, jamais encartés à la FA ni ailleurs, rejoignent dès le départ la CNT et s’y investissent : Patrice (Surveillant d’externat), Sophie (animatrice jeunes enfants), Jean-Pierre Dupouy (Contrôleur sanitaire aux frontières) et quelques autres.

Le dernier quarteron à quitter la F.A. locale se fondit dans la nature, ne désirant pas prendre parti pour les uns ou les autres.

Il faudra attendre janvier-février 1982 pour voir réapparaître le nom du groupe libertaire Jules Durand-Louise Michel comme groupe publiant le libertaire aux côtés du groupe Etienne de la Boétie et des individuels de l’Union des anarchistes.

Lors de l’Assemblée générale annuelle des militants de l’U.A. les 22 et 23 novembre 1980, à Clermont-Ferrand, il est fait état de débats passionnés mais sans tomber dans les querelles de chapelles. L’U.A. compte une dizaine de groupes libertaires et une douzaine de liaisons sur le plan national.

La F.A. en soutien au groupe de Philippe Richard organise au Havre son Congrès national à la Pentecôte de l’année 1982. D’après la presse locale, 260 délégués participèrent à ce congrès. Un article conséquent relate le Congrès national au Havre. Sur la photo illustrant l’article, on y voit : José Bolufer (ingénieur informaticien de 23 ans), Stéphane Carel (Secrétaire aux relations extérieures), Philippe Richard et Floréal Melgar.

Malgré l’appui de la F.A. nationale, un collage important dans les rues du Havre et une retombée médiatique, c’est le groupe de Jean-Pierre Jacquinot qui prendra le dessus au Havre, le groupe de Philippe Richard n’aura plus qu’une existence éphémère. C’est que les permanences au local, il faut les tenir de manière assidue et dans le temps. Serge Livrozet, Maurice Laisant, Pierre-Valentin Berthier…interviendront pour des causeries au local du libertaire.

En 1990, la CNT locale cesse toute activité et le Groupe libertaire Jules Durand connaîtra dans les années 1990 une activité militante conséquente : soutien aux licenciées d’Auchan, venue de Maurice Rajfus, venue des Dockers de Liverpool à la Bourse du Travail, venue de Jacky Toublet…à l’initiative de seul groupe libertaire ; nombreuses réunions au local (avec des lycéens…), participation aux manifestations pacifistes, contre les licenciements et fermetures d’usines et visibilité accrue avec la sortie des deux tomes d’Histoire oubliée et méconnue du syndicalisme havrais (1996 et 1997) avec articles dans la presse locale et dans la foulée un très important papier sur l’abstention.

Si  des livres sur l’histoire du syndicalisme havrais ont pu être écrits, c’est grâce à Lucien Fagot qui fut trésorier du syndicat des dockers. Il  apporta au local du libertaire la collection du journal « Vérités » paru dans l’entre-deux guerres (très certainement la collection de René Hazard) ainsi que des collections entières de la Vie ouvrière d’avant 1914 et de la Révolution Prolétarienne. Et c’est ainsi que Jean-Pierre Jacquinot et Patrice plongèrent dans les archives à Versailles puis à Rouen pour retrouver les « Vérités » de 1906 à 1914 et l’histoire des anarchistes au Havre (Idée Ouvrière, la Raison…).

La mort de Maurice Laisant en 1991 porte un coup rude à Jean-Pierre Jacquinot qui perd un ami et son mentor. L’Union des Anarchistes périclite pour de multiples raisons. En 1994, Jean-Pierre Jacquinot et quelques compagnons créent la Coordination anarchiste qui reprend le cahier des charges du Congrès fondateur de l’U.A. de Nevers mais l’enthousiasme n’est plus là. C’est une organisation sur le papier.

A vrai dire, Jean-Pierre Jacquinot s’occupait de la cuisine du libertaire avec Vincent D. et parfois Antoine B. et Sophie W., mais la plupart des autres militants du GLJD œuvraient pour avoir une visibilité à l’extérieur notamment sur le plan syndical et antifasciste et ne s’investissaient pas dans la Coordination anarchiste, vouée selon eux à l’échec. Jean-Pierre Jacquinot participait activement cependant aux activités du groupe. C’est d’ailleurs par son intermédiaire que les Dockers de Liverpool intervinrent à Franklin, la Bourse du Travail.

Puis quand la CNT se reconstitua en 2000 avec deux copains du GLJD (un métallo et un instit), Jean-Pierre Jacquinot participa activement aux activités syndicales de celle-ci. Il devint même conseiller du salarié pour la CNT. Il demeura cependant fidèle au syndicat des dockers du Havre en y restant adhérent jusqu’à sa mort.

Pour revenir au début du libertaire :

Dans le numéro 1 du libertaire, ce sont Maurice Laisant et Jean-Pierre Jacquinot qui évoquent la synthèse anarchiste de Voline, synthèse à laquelle ils adhèrent et pour laquelle ils militent.

Dès le numéro 2 du journal, page 2, il est indiqué que J.P. Jacquinot est directeur de publication du libertaire. Il est important de signaler que Jean-Pierre Jacquinot est ouvrier docker sur le port du Havre, port qui historiquement parlant possède une longue tradition anarcho-syndicaliste. Dire, comme nous l’avons entendu parfois que les initiateurs du libertaire ne reconnaissaient pas la lutte des classes est un non-sens.

Il est aussi utile de préciser que Maurice Laisant fut co-fondateur de la F.A. en 1953, puis à l’issue du congrès de Nantes de juin 1957, est nommé secrétaire général de la Fédération anarchiste, poste qu’il abandonne en 1975. C’est dire la longévité de son parcours au sein de la Fédération anarchiste.

Ce sont tous deux des militants chevronnés et qui ont une parfaire connaissance de l’anarchisme. Ils ont toutefois sous-estimé le poids des habitudes de bon nombre de militants et ont été bien consternés de voir que tous ceux et celles qui étaient d’accord avec eux ne les ont pas suivis dans l’aventure du « libertaire ».

Le journal « le libertaire » sortit donc en format papier de Mai 1978 à Novembre 2005, ce n’est pas rien. Ce n’est pas une question financière qui nous fit abandonner le tirage papier du canard mais l’usure militante. IL est vrai que les vieux militants qui étaient abonnés mouraient les uns après les autres et en nombre, donc une perte financière pointait mais nous étions surtout arrivés au bout d’un processus à l’ancienne. On continuait à recevoir des articles sur papier tapés à la machine qu’il fallait retaper, puis corriger à l’ancienne puis aller dans la région parisienne chez l’imprimeur pour le tirage et retour pour le récupérer. Puis envoi par bande selon les départements de nos abonnés, sans compter les MNPP. Et la paperasse pour les impôts… Bref à l’heure d’internet et du numérique, il fallait passer à autre chose. D’autant que le libertaire ne reposait finalement que sur Jean-Pierre Jacquinot même si ponctuellement des copains donnaient un coup de main. Et finalement au travers de la version électronique du libertaire, ainsi que de notre site, nous étions aussi lu qu’auparavant sans les contraintes organisationnelles et financières. Avec notre format papier, nous avions globalement un lectorat de 700 personnes par mois (les abonnés plus les ventes dans les points relais gares, kiosques et librairies…). Il nous fallait abandonner les vieilles habitudes d’autant que les points de vente de journaux commençaient à disparaître.

Pour contrer une idée fausse, à la mort de Jean-Pierre Jacquinot en juillet 2011, le groupe libertaire Jules Durand n’a pas été dissous. Il a juste fallu convoquer une AG pour élire un nouveau secrétaire, le Président restant en poste ainsi que le secrétaire adjoint et le trésorier. C’est le libertaire qui a été mis en suspens durant deux années, pas le groupe qui a continué à tenir ses permanences et activités.

Et depuis 2013, nous avons repris l’édition du libertaire, journal qui possède une petite place dans le petit monde libertaire.

Groupe libertaire Jules Durand

Voilà ce que l’on trouve dans  l’article en ligne

« Le groupe Jules Durand a été créé en février 1962, son nom est une référence au militant anarchiste havrais Jules Durand (1880-1926).

Le groupe n’est à l’époque composé que de quelques militants ; membre de la Fédération anarchiste, il est animé par Jean-Pierre Jacquinot. Il participe aux campagnes de Louis Lecoin pour le statut des objecteurs de conscience.

À la fin des années 1970, le groupe est en rupture avec la Fédération anarchiste, en désaccord avec des positions prises par celle-ci.

En mai 1978, la Fédération reprend la publication du plus ancien titre de périodique anarchiste francophone : Le Libertaire, apparu au début du xxe siècle. La « revue de synthèse anarchiste »reparait sous une forme mensuelle diffusée en kiosque et est coordonné par Jean-Pierre Jacquinot.

En novembre 1979, au congrès de Nevers, le groupe Jules Durand quitte la Fédération anarchiste et fonde avec le groupe parisien Germinal et d’autres groupes comme Ni dieux ni maîtres l’Union des anarchistes. Le Libertaire sera alors l’organe non officiel de cette organisation. Peu à peu, la part rédactionnelle du Groupe Jules Durand devient prépondérante, comme le traduit l’évolution du sous-titre de la publication : d’abord revue éditée par les groupes Jules Durand, Atelier du Soir, Germinal, puis Jules Durand et Atelier du soir, puis par le groupe Jules Durand et des militants de l’Union des Anarchistes.

À la fin des années 1990, à la suite entre autres de désaccords avec le groupe Germinal de Paris, l’Union des anarchistes connaît une nouvelle scission.

Le groupe Jules Durand fédère alors une Coordination anarchiste, reprenant comme principes de base ceux de l’UA en 1979, et dont il est la principale composante. Il continue à publier Le Libertaire, désormais dans une version électronique, jusqu’à la dissolution du groupe consécutive au décès de Jean-Pierre Jacquinot en 2011. Aujourd’hui, un « espace internet » est animé par le groupe libertaire Jules Durand et le journal Le Libertaire. »