Fédéralisme, oui, mais fédéralisme libertaire
Souvent des gens bien intentionnés font référence au fédéralisme politique alors que les anarchistes font référence au fédéralisme libertaire. Si le terme fédéralisme peut sembler commun pour faire cohabiter les hommes, politique et libertaire accolés à ce mot générique sont antinomiques.
Le fédéralisme politique est un système dans lequel plusieurs Etats indépendants abandonnent chacun une part de leur souveraineté au profit d’une autorité supérieure. Il s’agit ni plus ni moins qu’un super-Etat. Les libertaires étant farouchement opposés à l’autorité d’un Etat, on voit alors le fossé qui sépare ces deux types de fédéralisme.
Dans l’Encyclopédie anarchiste ( à lire ci-après l’article in extenso), Pierre Besnard indique : le fédéralisme libertaire est une forme d’organisation qui a pour but d’assurer les rapports des individus entre eux, les rapports de l’individu avec le groupement et, enfin, les rapports des groupements entre eux. Tout part donc de l’individu. Et le fédéralisme s’ajoute à d’autres principes tels le contrat d’association entre individus, avec réciprocité, libre acceptation et libre rupture lorsque les buts communs sont atteints.
Aussi croire que, parce que des Etats se fédèrent, les peuples s’émancipent, est un leurre.
Les libertaires souhaitent un homme plus libre de son temps et de ses loisirs, attaché aux seules tâches utiles à tous et toutes, soucieux de ne pas gaspiller les ressources naturelles d’une planète qui est le bien commun et indivis de tous les humains.
Le fédéralisme étatique a été mis à mal en Ex-Yougoslavie. Une fédération plaquée sur des systèmes gouvernementaux coercitifs ne fait que camoufler les problèmes, très provisoirement d’ailleurs. Si l’on ne remet pas en question toutes les hiérarchies que des siècles et des siècles d’habitudes nous font accepter comme naturelles, l’autogestion échoue. Les habitudes font que rapidement des personnes vont faire valoir des qualités spécifiques pour administrer tel ou tel secteur, puis s’arroger des privilèges, puis remettre au goût du jour les classes sociales…En acceptant un supérieur, on admet de fait les inférieurs. On étiquette les gens entre manuels et intellectuels et on institue l’intelligentsia qui se coupe des forces vives du peuple.
Le fédéralisme doit s’appuyer d’abord sur les individus, chacun étant l’unité reconnue, essentielle et vivante, en perpétuelle évolution. L’homme est un animal qui naît avec un cerveau peu achevé, peu programmé finalement. L’homme réfléchit, imagine, se souvient et assimile la réflexion d’autrui en l’enrichissant ou la nuançant.
En tant que libertaires, nous intégrons toujours la dimension éducative de l’individu et réfutons l’encadrement des masses. Nous refusons les guides et les modèles immuables qui sont autant d’entraves à la progression de la société humaine. Le libertaire remarque qu’à de rares exceptions près, l’individu n’est congénitalement ni stupide, ni génial, pas plus que de « nature » altruiste ou égoïste, pacifique ou belliqueux. Seul l’environnement familial ou social exalte ou détruit dans l’œuf des potentialités souvent insoupçonnées…et qu’il faudrait justement apprendre à connaître.
Le fédéralisme est un point important de notre proposition pour élaborer une stratégie révolutionnaire et la lutte des classes qui est un fait bien réel dont, nous, anarchistes, ne tirons pas les mêmes conclusions que les marxistes car si nous pensons que les travailleurs ont tout à gagner à la disparition de l’économie capitaliste, nous ne pensons pas et même nous dénions à qui que ce soit qu’ils aient quelque mission historique à accomplir. Que tout parti qui s’autoproclame leur représentant n’est finalement porteur que de leur aliénation. Les expériences de feu l’URSS et celle de la Chine aujourd’hui en sont la démonstration éclatante.
Nous sommes toujours dans une recherche de vérité. Nous nous appuyons cependant sur des expériences qui ont existé dans l’Espagne autogestionnaire et libertaire de 1936-1937. Dans notre vision des choses, chacun vaut chacun.
Franck Jipé (le libertaire)
FÉDÉRALISME
Le fédéralisme est une forme d’organisation sociale, qui a pour but d’assurer : 1° les rapports des individus entre eux ; 2° les rapports de l’individu avec le groupement ; 3° les rapports des groupements entre eux. Il a pour bases essentielles :
1° la liberté de l’individu ; 2° l’indépendance et l’autonomie du groupement.
Il repose sur une grande loi naturelle : l’ASSOCIATION, dont les fondements moraux sont : la SOLIDARITÉ ET L’ENTR’AIDE.
Les principes qui se dégagent de l’application de cette loi naturelle consacrent, sans conteste possible, l’interdépendance absolue de l’individu et du groupement.
Et c’est de cette constatation qu’est issu le fédéralisme, comme forme d’organisation sociale, basée à la fois sur la nature et sur l’observation scientifique des faits.
Nul ne peut échapper à cette loi : ni les êtres animés, ni les êtres appelés, par erreur, inanimés.
Non seulement les hommes doivent s’y plier, pour vivre, se développer et se défendre contre les éléments ou les autres espèces qui leur disputent la possession de la terre, mais il apparaît clairement que les végétaux et les minéraux, comme les animaux, ne peuvent se soustraire à la loi d’association.
Ce n’est pas par hasard que les forêts existent, que les gisements de minéraux se rencontrent, que les animaux se groupent. La seule loi d’attraction ne suffirait pas à expliquer ces phénomènes de groupements, cette classification en espèces : animales, végétales, minérales.
Ces espèces se rassemblent, pour vivre, sous l’influence des éléments.
Ce n’est qu’en se groupant par catégorie qu’elles ont la possibilité de se défendre contre les autres espèces, de se donner en commun des conditions de vie.
D’autres l’ont dit et prouvé bien avant moi.
Il était donc naturel que les hommes, ces animaux supérieurs, paraît-il, obéissent, eux aussi, à la loi d’association, pour le bien comme pour le mal.
L’association s’est imposée à l’homme dès qu’il a voulu accomplir une tâche au-dessus de ses seules forces, dès que ses semblables ou les éléments lui ont imposé cette tâche.
Pour que l’association soit viable, il faut que les associés poursuivent un but commun et qu’ils soient d’accord sur les moyens à employer pour atteindre ce but.
Ceci les oblige à accepter tacitement un contrat, écrit ou non, qu’ils s’engagent à respecter volontairement et mutuellement, pendant toute la durée de l’association, que celle-ci soit limitée ou illimitée.
Il est clair qu’en s’associant avec d’autres hommes, avec lesquels il conclut un accord précis, nettement défini par le contrat qui le lie à ses associés, l’individu abandonne forcément quelques préférences personnelles qu’il conditionne, en quelque sorte, l’exercice de sa liberté. De même, il subordonne volontairement son intérêt particulier à un intérêt collectif, lequel donne tout naturellement naissance la constitution de l’association.
Il se crée donc des droits et devoirs. Ses droits, c’est ce qu’il reçoit et doit recevoir des autres associés, pour sa collaboration à l’œuvre commune. Ses devoirs, c’est ce qu’il doit à ses associés, pour leur participation à cette même œuvre.
S’il doit exiger l’intégralité de ses droits, il doit aussi remplir scrupuleusement ses devoirs.
A la spécification du but à atteindre, à la détermination des moyens à employer qui constituent la doctrine de l’association, viennent s’ajouter renonciation des droits et des devoirs de chacun, qui forment le Statut, la Charte de l’association, qui se meut désormais dans le cadre des principes adoptés par l’ensemble des associés.
A partir de ce moment, toutes les décisions prises par les associés devront être en accord avec les principes fixés.
A cet instant précis de ma démonstration, je tiens à établir la différence qu’il convient de faire entre le principe immuable, et la décision : circonstancielle.
En effet, si le principe, base de la charte, ne peut être modifié que du consentement unanime des associés, la décision peut être prise par la majorité de ces associés.
Une seule condition suffit pour que la décision soit valable : Il faut qu’elle soit en accord, avec le principe ou les principes sur lequel ou lesquels l’association a été fondée.
Une décision est valable – et doit être appliquée – jusqu’à ce qu’une autre décision se rapportant au même sujet, à la même question, soit venue automatiquement remplacer la première, toujours dans le cadre des principes, bien entendu.
S’il en était autrement, si une partie des associés ou un associé seulement prétendait passer outre à la décision, l’association serait menacée dans son existence. Elle ne pourrait jamais atteindre les buts pour lesquels elle a été constituée.
Pour sortir de cette situation, il n’y a que deux solutions : ou l’associé part de son plein gré ou les autres associés lui notifient son départ.
C’est le résultat même de l’application du Statut de l’association, de la charte, à laquelle tous les associés ont accepté, par avance, de se discipliner volontairement.
C’est aussi la conséquence de l’application de la loi du nombre, qui oblige l’individu, associé à d’autres individus, à accepter de travailler selon les décisions de l’ensemble ou de la majorité.
Et tant que cette loi inexorable ne pourra être remplacée par une autre plus juste, plus logique, plus équitable, il devra en être ainsi.
On pourra dire de cette loi du nombre qu’elle est injuste, qu’elle paralyse la marche en avant, qu’elle asservit un individu à l’ensemble, une minorité à une majorité.
Ce qu’il importe de faire, c’est de trouver mieux avant de l’abolir. Or, on n’a, jusqu’ici, rien trouvé. On peut aussi dire que toutes les objections sont plutôt d’ordre sentimental. Raisonnablement, pratiquement, elles sont sans valeur. Si on les acceptait, il n’y aurait aucune association possible et, seul, l’individualisme s’imposerait.
S’il est évident que l’individu compose le milieu, pour partie, il est non moins évident que l’individu ne peut pratiquement se dissocier du milieu ; qu’il en dépend au même titre que tous les organes d’un même corps dépendent de ce corps et sont solidaires l’un de l’autre.
On doit donc admettre comme exacte l’interdépendance absolue du groupement et de l’individu, aussi longtemps que le second demandera quelque chose au premier, qu’il ne pourra se suffire complètement à lui-même.
Puisqu’il est obligé de s’associer, qu’il en reconnaît la nécessité, il est obligé de respecter le contrat auquel il a souscrit. Ceci implique forcément que l’individu accepte les décisions de l’ensemble, que la minorité accepte celles de la majorité, dans les limites du contrat, suivant le Statut.
On peut, évidemment, dire que la minorité a toujours raison, que l’individu est plus éclairé que la majorité. Ceci n’est pas toujours exact. De même que les majorités, les minorités ou l’individu peuvent être dans l’erreur.
Il convient de dire aussi qu’il y a deux sortes de minorités et d’individus : celles ou ceux qui marchent en avant et celles ou ceux qui restent en arrière.
Si on a affaire à une minorité – individuelle ou collective – qui voit plus juste et plus loin que la majorité, il n’est pas douteux qu’elle aura rapidement raison, que son point de vue, rejeté hier, sera adopté demain, après expériences, puisque aucune opposition d’intérêts ne dresse l’une contre l’autre la majorité et la minorité et que toutes deux, au contraire, tendent à réaliser une même chose, à atteindre un même but.
La minorité deviendra donc majorité. Détentrice de la vérité, elle sera un élément de succès, à la condition, toutefois, qu’elle accepte les décisions de la majorité, qu’elle les applique, qu’elle agisse dans leur cadre.
Ce sont les événements eux-mêmes qui lui donneront raison. Elle doit être disciplinée. Elle comprendra d’autant mieux la nécessité de cette discipline, qu’il est certain d’avance qu’elle donnera elle-même naissance, un jour prochain, à une majorité issue de son propre sein.
N’est-ce pas là le résultat d’une évolution naturelle incontestable contre laquelle aucun argument ne peut être apporté ? Si, au contraire, on a affaire à une minorité d’arrière-garde retardataire, figée, convient-il de l’écouter ? Non. Il faut s’efforcer de la faire évoluer, sans la brimer et de l’amener à rythmer son action sur celle de la majorité d’avant-garde, sans la brusquer, en utilisant, pour cela, la leçon des faits. Les événements ne tarderont guère à lui démontrer son erreur.
La loi du nombre est donc la seule qu’une association puisse accepter. Et ceux qui ne l’admettent pas ne peuvent participer effectivement à l’oeuvre commune. Cela veut-il dire que l’individu abdique toute liberté, toute initiative ? Du tout ; au contraire, l’individu est pleinement libre de discuter sur toutes les questions qui se réfèrent à la vie de l’association ; il a le droit d’exprimer son point de vue, son opinion sur toutes les questions et de tenter de faire prévaloir cette opinion, ce point de vue.
Mais lorsque tous les associés qui désirent user de ce droit – qui est en même temps un devoir – ont discuté et qu’il faut décider, la discipline s’impose à tous.
La décision de la majorité ne souffre aucune discussion. Il faut l’appliquer. Ainsi, en pleine souveraineté, l’association a discuté et décidé. Il lui reste à agir. Tous les associés doivent le faire, dans le cadre des principes d’abord, suivant les décisions ensuite.
Discussion, décision et action caractérisent donc les stades successifs que traverse toute idée dont l’association a reconnu la nécessité d’application pratique.
Au premier stade se place le droit, au deuxième, l’expression de ce droit, au troisième, le devoir.
Ce n’est qu’en utilisant le premier, qu’en exprimant le second et en acceptant le troisième, que les associés pourront permettre à l’association de vivre, de se développer naturellement et normalement, en marchant constamment vers ses buts.
La solidarité et l’entr’aide, bases morales de l’association permettront à l’individu de recevoir de ses associés ce qui lui est dû, en même temps qu’elles assureront à ces derniers le concours du premier.
On peut donc dire que l’association est la loi fondamentale, parce que naturelle et scientifique, qui s’impose aux hommes qui veulent vivre en société.
Quant aux autres, s’ils ne veulent rien devoir au milieu, ils doivent, en revanche, ne rien lui demander.
C’est l’évidence même.
L’association engendre automatiquement l’alliance, le fédéralisme.
En effet, si une association est forcément limitée à un milieu restreint, un très grand nombre d’associations peuvent avoir une communauté de vue, d’intérêts matériels et moraux, immédiats et futurs.
Ceci les oblige à se réunir, à reconnaître l’identité de leurs buts, à déterminer les moyens à employer pour les atteindre, à se donner une doctrine commune, à établir un contrat, à dresser un statut pour agir ensemble.
A ce moment, le fédéralisme est né. Les nécessités économiques, à chaque époque, lui assignent la forme convenable.
C’est ainsi que, de nos jours, le monde, partagé en deux classes rivales, est obligé de se donner une organisation fédérative, que les syndicats, patronaux et ouvriers, sont devenus la forme-type de cette association. Les uns œuvrent pour conserver les privilèges capitalistes, les autres pour établir l’égalité sociale. C’est entre ces deux forces, qui représentent les classes en présence, que se livrera la véritable bataille sociale. Le succès de l’une sera fait de l’écrasement de l’autre. Celle qui triomphera sera celle qui aura le mieux compris le fédéralisme associatif.
En dehors d’elles, rien d’autre n’existe vraiment. Tout leur est obligatoirement subordonné, et l’accessoire : le politique tend de plus en plus à disparaître devant le principal : l’économique. Et le jour n’est pas éloigné où les partis : bourgeois ou ouvriers, de même que les gouvernements qui en sont les conséquences, devront disparaître devant les classes ayant rassemblé toutes leurs forces : politiques, économiques et sociales dans de vastes associations, fédérées entre elles, chacune sur son propre plan.
Il n’est pas exagéré de dire dès aujourd’hui que le syndicalisme révolutionnaire et anti étatiste exprime la synthèse de la force de classe ouvrière, comme il est déjà la synthèse du mécanisme social de l’avenir.
Il a dû, tout naturellement, se préparer à la tâche qui lui incombera et s’efforcer de fonctionner dès maintenant, selon les principes qu’il veut appliquer intégralement plus tard.
Il s’est donc donné, pour cela, une structure adéquate à la besogne à accomplir et dotée des organismes qui doivent lui permettre de réaliser sa tâche.
Ces organismes sont : le syndicat fonctionnant sur la base des comités d’atelier et des conseils d’usine ; l’union locale, l’union régionale, la confédération générale du travail et l’internationale syndicale. Pour accomplir la partie technique de son programme, il a institué des fédérations nationales et internationales d’industrie qui doivent, dès que possible, donner naissance à un comité économique du travail, sur le plan national et international.
Tous ces rouages se meuvent suivant les principes-fédéralistes, de la base au faîte et du faîte à la base, accomplissant ainsi un cycle complet formé de deux courants : l’un ascendant, l’autre descendant.
Le courant ascendant va de l’individu à l’internationale, en passant de l’unité au nombre, du simple au complexe, par l’intermédiaire des rouages existants, en désindividualisant de plus en plus l’intérêt particulier pour le transformer de plus en plus en intérêt collectif social.
Le second, descendant, va de l’internationale à l’individu, en passant du nombre à l’unité, du complexe au simple, par l’intermédiaire des mêmes organismes, en restituant à chacun des rouages sa liberté d’action dans le cadre général et en donnant à chaque rouage et, en définitive, à l’individu, une pleine liberté, dans le cadre particulier de son activité, en complet accord avec les principes et les décisions de l’association à ses divers degrés.
C’est ainsi qu’on retrouve à tous ces degrés les trois principes qui se dégagent du fédéralisme : discussion, décision et action, dont la continuation constante assure la bonne marche pratique de l’organisation.
Pour que les individus associés puissent participer comme il convient à la vie de l’association constituée par eux, on procède de la façon suivante :
Dans le syndicat, tous les syndiqués discutent en assemblée générale les questions qui les intéressent. Après ample discussion, l’assemblée prend une décision, à l’unanimité ou à la majorité, en ayant soin de se tenir dans le cercle des principes déterminés par le groupement général fédératif, auquel le syndicat appartient.
Dès que cette décision est prise, tous les syndicats doivent l’appliquer dans leur sphère d’activité, et mettre tout en œuvre pour atteindre les buts fixés. Il n’y a plus de majorité, ni de minorité, mais un groupement tout entier qui agit après avoir discuté et décidé.
En ce qui concerne l’union locale, qui est composée de tous les syndicats d’une même localité et de ceux qui appartiennent à sa zone de rayonnement préalablement déterminée, les syndiqués participent à la vie de cet organisme par une représentation directe nommée par les assemblées générales des syndicats, et contrôlés constamment par ces assemblées.
Toutefois, dans les localités de peu d’importance, il ne serait pas mauvais que les délégués fussent nommés par l’ensemble des syndiqués réunis en assemblée, et même que tous les syndiqués puissent participer directement à la gestion syndicale ou sociale.
Les décisions prises au sein de l’union locale soit par les délégués directs dûment mandatés ou par tous les syndiqués sont applicables par l’ensemble des syndicats et des syndiqués composant l’union locale, suivant les principes déjà exposés pour le fonctionnement- du syndicat. La vie de l’union régionale et le fonctionnement de cet organisme sont assurés de la même façon que ceux de l’union locale et les décisions prises sont appliquées de la même manière, dans les mêmes conditions.
Toutefois, on comprendra que, devant l’impossibilité de réunir tous les syndiqués d’une région, on soit dans l’obligation de s’en tenir aux délégations directes des syndicats, nommées et contrôlées par les assemblées générales.
Enfin, de même que tous les syndicats d’un pays se réunissent en congrès fédéral industriel pour fixer leur action sur plan et préparer la besogne technique de l’ensemble de l’association, ces syndicats se réunissent, dans les conditions fixées par eux lors de l’établissement du statut de l’organisation, en congrès confédéral national.
Dans ces assises, où les syndicats sont représentés par des délégués directs nommés par les assemblées générales des syndiqués, on discute et on décide de la ligne de conduite générale de l’organisation, de l’association de tous les syndiqués. On établit un plan d’action général, en laissant place aux formules régionales, locales et syndicales qui, de proche en proche, viendront s’ajouter à ce plan et en faciliter l’application par le jeu des unions régionales et locales, des syndicats, conformément aux nécessités, et suivant la situation particulière des régions, unions locales et syndicats.
Pour fixer l’action internationale de la classe ouvrière de tous les pays, dont la solidarité doit être totale dans tous les domaines, les centrales nationales, les groupements de tous les syndiqués de chaque pays affilié, se réunissent en congrès international et là, par le canal des délégués nommés par les congrès nationaux, s’établit le plan d’action international de tous les associés, unis sans distinction de nationalité.
Les décisions prises sont d’ordre général. Elles sont applicables à l’ensemble des associés dans tous les pays.
C’est la première partie du cycle, le courant ascendant qui a permis de discuter et de décider à tous les échelons, suivant les mêmes méthodes. Et on peut dire que, directement ou par des délégués nommés par lui et constamment contrôlés, l’associé participe à la marche de l’association et au contrôle de tous ses rouages.
Pour que s’accomplisse la seconde partie du cycle, par le courant descendant, après avoir discuté et décidé, il faut que les associés agissent. Ils le font par la mise en mouvement en sens inverse de tous les rouages fédérés, sur le plan social et sur le plan industriel, dans le cadre des principes de l’association, et suivant les décisions prises.
C’est ainsi que l’Internationale syndicale indique à la C. G. T. de chaque pays l’action générale à entreprendre et que cette dernière détermine, dans le cadre arrêté par le Congrès international, la forme d’action particulière qui correspond le mieux à la situation de ce pays qui constitue le lieu de son activité.
De même, étant mises en possession de la décision de l’Internationale et du plan national arrêté par le Congrès national confédéral, chaque fédération, dans le domaine industriel, et chaque région, dans le domaine social, établit en conformité des décisions prises, sa formule d’action la plus appropriée.
Les unions locales et les syndicats opèrent de façon identique. Ainsi, dans le cadre des décisions d’ordre général, de l’Internationale syndicale viennent prendre place normalement, à leur heure précise, toutes les décisions particulières prises successivement par les C. G. T., unions régionales et locales, fédérations et syndicats, organes de consultation et de liaison de l’association de la base au faîte et du faîte à la base.
A ce moment, le syndiqué se trouve, en pleine communauté avec tous ses associés, en possession de toutes les décisions prises par eux. Il lui reste à agir suivant les principes et les décisions, à se diriger vers les buts indiqués en utilisant les moyens d’action indiqués, par ordre descendant, par les divers rouages de l’association.
Il dépendra alors complètement de lui, de son intelligence, de son courage, de sa compréhension, de son initiative, du sentiment qu’il aura de sa responsabilité, que le succès ou l’insuccès couronne ses efforts.
En définitive, l’associé seul agit, mais il agit en accord avec tous les autres associés avec lesquels il s’est préalablement uni et on peut déclarer que l’initiative et la responsabilité, qui sont les facteurs essentiels à la réalisation de toute œuvre, quelle qu’elle soit, lui appartiennent constamment, que c’est lui, avec ses associés et fédérés, qui exerce, dirige et exécute.
Mais, pour que le fédéralisme porte tous ses fruits, un tel système doit fonctionner sans à-coups, normalement et à plein rendement.
Pour cela, chaque associé, chaque groupement, doit accomplir intégralement sa tâche, toute sa tâche, mais rien que sa tâche, sans empiéter sur celle du voisin d’à-côté, au-dessous ou au-dessus.
Toute négligence d’un associé, tout arrêt dans le fonctionnement d’un rouage, tout ralentissement ou tout rythme trop vif dans le fonctionnement d’un rouage risquent de rompre l’harmonie de l’ensemble.
Cette négligence, cet arrêt, ce ralentissement, ce rythme désordonné, auraient pour conséquence fatale de détraquer le système infiniment sensible qu’est ce fédéralisme.
L’insouciance des associés d’un syndicat, d’une union locale et régionale, leur désintéressement de la bonne marche de l’association, du respect des décisions prises auraient pour conséquence l’établissement, par voie de substitution, d’une sorte de dictature collective, qui pourrait fort bien, par la suite, se transformer pour les mêmes raisons, en dictature de clan – ou de parti – pour aboutir à une véritable dictature individuelle.
Donc, pour naturel qu’il soit, le fédéralisme est bien le système le plus difficile à appliquer, parce qu’il requiert, pour cela, l’activité constante de tous : individus et groupements.
Adversaire irréductible de la théorie du moindre effort, il nie l’utilité et surtout la possibilité d’existence des messies, des hommes-providence. Il n’attend de réalisations que de l’individu et de ses associés, et il affirme ne pouvoir rien obtenir que par eux.
Lui seul garantit la liberté dans le groupement et ne limite pas son expansion ; lui seul permet d’établir entre les individus, entre les groupements et les individus, entre les groupements entre eux, des rapports véritablement normaux. Il apparaît comme le système de l’avenir très proche. L’humanité ne sera libérée que par son application, et la société de demain ne verra la suppression des classes, l’abolition du salariat, la disparition de l’inutile Etat, par le nivellement des classes, l’intégration de tous les individus dans la production, que par le fédéralisme, seul capable d’assurer à la fois, la liberté, de chacun et le bien-être de tous dans l’harmonie et l’égalité sociale réalisées.
Pierre BESNARD.