Fédéralisme syndical
A la base du mouvement ouvrier doit se trouver l’ouvrier. Voilà une affirmation qui, malgré sa banale logique, qu’on a presque honte de l’énoncer aujourd’hui, n’en est pas moins méconnue tant dans le monde capitaliste que celui du socialisme électoral. Producteur de toutes les richesses, les travailleurs ont leur mot à dire dans tout ce qui les concerne. Pas question de le bipasser ni de sacrifier l’être le plus indispensable à la vie.
Groupés en syndicats, où les intérêts de tous et toutes doivent converger – la résistance à l’oppression patronale et technocratique, la suppression du salariat (évidemment, pas dans le sens de l’ubérisation, de l’auto-entreprenariat…), l’organisation du travail sans parasite- les travailleurs n’ont pas à se laisser mener par une autorité quelconque. Ils sont là chez eux, dans une institution de leur propre classe. Les compétences et les connaissances spécifiques à la prise de décision et à la mise en œuvre des décisions prises ne doivent pas conduire un nombre restreint d’individus à organiser l’émancipation de tous. Fonctionner ainsi serait perpétrer notre inaction et notre asservissement. Si une besogne d’administration est indispensable dans la plupart des groupements de travailleurs (paysans, ouvriers et salariés du secteur tertiaire), qu’elle ne se transforme pas en besogne de bureaucratie ou de gouvernement. Qu’elle reste égalitaire, que le travail reste continuellement contrôlable et par une formation adaptée soit faisable par le plus grand nombre. Le fonctionnement syndical doit reposer sur la clarté afin que tous et toutes sachent ce qui se passe dans l’organisation. L’œuvre syndicale ne doit pas devenir la chose d’un seul ou de quelques-uns. Que personne en se spécialisant ne devienne pour les autres un incontournable ou un nouveau maître dont ils dépendent. Les fonctions les plus importantes doivent pouvoir trouver des syndiqués aptes à remplir toutes les tâches par rotation, ce qui suppose une formation et une volonté de supprimer les êtres irremplaçables afin de stabiliser le syndicat et ne plus le faire dépendre d’une éventuelle répression ou de la disparition d’une personne.
L’action dans le syndicat doit s’effectuer entre égaux, ce dernier ayant pour vocation d’enregistrer les volontés des travailleurs. Au niveau fédéral, l’union ouvrière sera ce que les syndicats en feront. Une fédération n’a pas d’autre but que de synthétiser les aspirations communes, les besoins communs, les efforts communs.
L’organisation fédéraliste est une forme d’association (d’individus ou de groupements) sur une base égalitaire, où l’individu comme le groupement conservent leur autonomie. Donc aucune subordination n’est compatible avec le fédéralisme qui n’est qu’union, alliance, entente libres. Dans ce contexte, tous les individus ont une réelle valeur d’action.
La liberté de chacun s’accroît au contact de la liberté d’autrui. Tous utiles, personne ne doit être indispensable. Le fédéralisme ainsi compris est un système de relations, et il y a fédéralisme d’autant mieux caractérisé que ces relations sont plus solidaires, fréquentes, volontaires et actives. Il se construit de bas en haut pour prendre toute sa place dans la gestion de l’économie : la gestion directe, par les producteurs eux-mêmes. Et c’est en sens que Proudhon déclarait que l’atelier fera disparaître le gouvernement. (Jipé)