L’écrivain et essayiste Raphaël Enthoven se soulève contre les abstentionnistes, une pratique de « snob qui refuse de mêler son opinion à celle des autres ».
Mais qu’est-ce qu’un snob ? D’après le dictionnaire c’est une « Personne qui affecte les manières, le mode de vie et le parler d’un milieu social supérieur au sien, qu’elle prend comme modèle de distinction et qu’elle imite sans discernement. ». Le verbe snober signifie : « Traiter de haut, avec mépris ».
Tout d’abord, il faudrait savoir qui sont, dans l’ensemble, les abstentionnistes d’aujourd’hui. Les anarchistes, bien sûr, qui n’ont pas attendu Enthoven pour expliquer pourquoi le suffrage dit universel est biaisé et faussé depuis ses origines. Mais actuellement les anarchistes sont rejoints par de nombreux jeunes et les milieux populaires. Car voilà les électorats qui boudent les urnes : les jeunes et les catégories populaires.
Et Enthoven prétend que les catégories populaires seraient snobes ? Cet écrivain ne connaît pas les fins de mois difficiles et encore moins le milieu prolétaire. Depuis quand, les chômeurs, les précaires, les smicards…prendraient-ils les autres de haut ? Ce sont eux les méprisés : les sans-dents d’Hollande, ceux qui n’ont qu’à traverser la rue pour trouver du boulot…Depuis quand aussi les jeunes qui sont les premières victimes de la crise, les étudiants qui parfois ont fait la queue pendant la pandémie pour pouvoir manger, seraient snobs ?
Enthoven s’essaie à disqualifier les abstentionnistes. En réalité, il inverse les valeurs et prétend faire la leçon aux plus démunis. Les abstentionnistes sont au vote ce qu’Enthoven est au Parti Socialiste. L’essayiste a quitté ce parti car il était devenu inutile à ses yeux. Les abstentionnistes abandonnent le vote car lui aussi est devenu inutile. Le vote, change-t-il la vie des gens au quotidien ? La réponse est non. Au lendemain des élections, les ouvriers qui bossent à la chaîne auront toujours le même patron, les mêmes cadences et le même inintérêt au travail. Idem, pour la plupart des travailleurs.
Dans la même veine, Enthoven veut nous faire croire que l’abstentionnisme serait de la servitude volontaire : « Ce sont des gens qui combattent pour leur servitude comme s’il s’agissait de leur liberté », poursuit-il.
Enthoven qui cite Etienne de la Boétie, c’est du même tonneau qu’un Macron qui indique : « Nos vies valent plus que leurs profits ». Ce sont des récupérateurs de slogans et propos dont le sens premier leur est étranger.
Pour couronner le tout, Enthoven dit : « L’abstentionnisme est une mauvaise foi qui présente comme une conséquence ce qui relève d’un choix. Celui qui ne veut pas voter trouvera opportunément des raisons de ne pas le faire ». L’abstentionnisme n’est en aucune manière de la mauvaise foi : c’est le constat d’un échec de l’électoralisme qui n’apporte aucune solution à la question sociale et à l’égalité économique et sociale. Cet électoralisme qui au contraire maintient les catégories populaires sous le joug afin de ne pas changer le système des privilèges de classes.
Les abstentionnistes seraient de même des opportunistes. Mais qui sont les opportunistes, si ce ne sont les politiciens de tout bord qui cherchent à obtenir le pouvoir, les titres et les prébendes qui vont avec.
Déjà, en 2017, ce pseudo-philosophe affirmait que les abstentionnistes étaient en réalité des « fainéants et des ingrats », « des gagne-petit » et « des malhonnêtes », qui « brandissent la nullité des politiques opportunément pour justifier leur flemme », des « irresponsables », des « enfants gâtés » et des « snobs » qui ont « une tellement haute opinion de [leur] propre opinion » qu’ils auraient « l’impression de la souiller en la mêlant à la tourbe des autres ». En clair, « leur comportement ne renseigne pas sur la nullité des élus, mais sur celle des électeurs.
Les catégories populaires, des fainéants. Enthoven fait partie de la France qui se lève tôt ? On n’était pas au courant. Des ingrats ? Les prolos doivent chanter en cœur : Merci Patron ! Des gagne-petit ? Ça, c’est vrai. Les travailleurs ont du mal à boucler le mois car ils sont insuffisamment payés. Des malhonnêtes ? Mais combien de politiciens ont été condamnés ou sont en passe de l’être pour détournements de fonds publics, pour falsifications de comptes de campagne, pour emplois fictifs, pour rétro-commissions…et on trouve ces malfrats dans tous les « grands partis ».
Des enfants gâtés ? Qu’il vienne donc dans nos écoles de REP pour constater si les enfants sont vraiment gâtés, si leurs parents sont aussi gâtés par la vie. Qu’il vienne vivre dans nos HLM…
Leur flemme ? Qu’il vienne passer une semaine dans une entreprise de nettoyage, d’équarrissage…à l’hôpital, comme aide-soignante…à faire les quarts, en horaires décalés.
Finalement, Enthoven n’est qu’un petit bourgeois snobinard qui affiche son mépris de classe, un peu comme Zemmour dans un autre registre.
Patoche (GLJD)