Ecologie libertaire

Bal anarcho

Ecologie libertaire

Certains compagnons nous mettent en garde contre l’espèce d’union sacrée qui se crée autour du changement climatique. L’écologie est présente maintenant dans tous les programmes politiques et les chefs d’Etat, à l’international, en rangs d’oignons, nous invitent à faire pénitence dans une communauté d’intérêts interclassistes. Ces mêmes libertaires disent se méfier de l’écologie sous prétexte qu’elle aurait des racines historiques à l’extrême droite…Nous rétorquerons que c’est le système qu’il faut changer pour avoir un notable impact sur l’évolution en cours. Nous nous appuyons bien sûr sur les études scientifiques menées depuis de nombreuses années et il ne nous viendrait pas à l’idée de contester le changement climatique : canicules récurrentes, précipitations qui augmentent l’hiver, périodes de sécheresse accrues avec son corollaire les incendies, montée du niveau de la mer… Le réchauffement climatique dû aux émissions de gaz à effet de serre n’est pas une vue de l’esprit mais une réalité. Ses conséquences sur la biodiversité, notre santé, l’équilibre nature/humain… nous entraînent vers une entreprise d’autodestruction. D’où l’importance, pour se préparer au choc climatique qui vient, de lutter pour supprimer le système capitaliste, cause première du productivisme où seuls les profits comptent. Pour nous, donc, en tant qu’anticapitalistes, pas d’union sacrée avec l’Etat et le patronat. Mais nous devons trouver les moyens de combattre les multinationales, leurs actionnaires, les exploiteurs de la misère humaine et des ressources de la planète ainsi que les politiciens qui permettent sous couvert de démocratie de faire perdurer le système dit représentatif dont on a vu avec le mouvement des gilets jaunes qu’il battait de l’aile. De plus en plus de gens, et c’est tant mieux, considèrent que le suffrage dit universel est un trompe-l’œil, que les joutes électorales servent à faire changer non pas l’oppression, mais ceux qui l’exercent. L’alternance gauche-droite ou populiste entre dans le mythe démocratique. De même les Verts qui aspirent au pouvoir ne seront que des marionnettes, il suffit de constater le passage de Nicolas Hulot au gouvernement et les tribulations de l’actuel De Rugy ou des cautions politiciennes écolos sur la liste LREM…C’est pourquoi les anarchistes appellent encore une fois à l’abstention lors des élections européennes du 26 mai 2019.

Tant qu’aux précurseurs de l’écologie, nous avons plutôt tendance à nous référer à Elisée Reclus, géographe anarchiste, du XIXème siècle, tombé dans l’oubli mais dont les analyses demeurent pertinentes, toutes choses égales par ailleurs, puisque nous sommes au XXIème siècle. Pour Reclus, l’action de l’homme a une incidence sur la nature et « L’Homme est la nature prenant conscience d’elle-même ». Son action « peut embellir la Terre, mais elle peut aussi l’enlaidir ; suivant l’état social et les mœurs de chaque peuple, elle contribue tantôt à dégrader la nature, tantôt à la transfigurer ». (La Terre, t.II, P. 748).

Elisée Reclus pense que la base de la société nouvelle sera l’association qui permettra le plein épanouissement de chaque individu. C’est un synthésiste avant la lettre puisqu’il n’a pas connu les grandes heures du syndicalisme révolutionnaire et de l’anarcho-syndicalisme. Précurseur de Voline et Sébastien Faure. Reclus conclut ainsi la préface de L’Homme et la Terre : « La « lutte des classes, la recherche de l’équilibre et la décision souveraine de l’individu, tels sont les trois ordres de faits que nous révèle l’étude de la géographie sociale. »

Reclus reconnaît la lutte des classes, il a écrit sur le travail des enfants…mais s’il accorde de l’importance aux rapports de classes, il est contre la dictature du prolétariat, contrairement à Marx. Il reproche à ce dernier d’avoir enterré un peu vite, la petite industrie, le petit commerce et les classes moyennes. Là où Reclus est toujours d’actualité, c’est son sens d’éthique libertaire qui reste contemporain. Pour lui, c’est la poursuite d’un idéal, c’est l’évolution morale qui fera pencher la balance vers le monde des travailleurs. A l’heure où le syndicalisme n’en finit plus de se déchirer (cf le dernier congrès de la CGT où les factions rivales communistes se battent pour récupérer les quelques pans de pouvoir qui subsistent dans la Confédération), où les gilets jaunes déplacent la lutte de classes sur les ronds-points, dans la rue, donc en dehors de l’entreprise, les travailleurs inaugurent d’autres moyens de lutte pour un autre futur. Quand le mouvement social s’appropriera ou se réappropriera l’arme de la consommation, le boycottage et le label, le pouvoir aura du souci à se faire.

En tant qu’anarchistes, nous considérons que la condition du succès du véritable socialisme libertaire est d’associer égalité économique et sociale (justice sociale) et liberté individuelle.

Patoche (GLJD)