Droite-extrême et confusion des idées et expressions
A l’assemblée générale de l’Union des anarchistes à Clermond-Ferrand, le 22 novembre 1980, les libertaires s’en prenaient déjà à la nouvelle droite qui s’employait à semer la confusion dans les esprits en utilisant des termes du vocabulaire anarchiste (antitotalitarisme, antimilitarisme, antiracisme, écologie….) et des concepts apparemment libertaires comme le « droit à la différence ». Apparemment car les anarchistes s’opposent à ce concept tel que présenté par des plagiaires mal intentionnés. Il y a une cinquantaine d’années, donc, les anarchistes appelaient à se méfier de cette tentative de dévoyer les idées libertaires et à être vigilants : « L’Union des Anarchistes dénonce l’imposture commise par une idéologie « scientiste » qui, sous une formulation à la mode, camoufle des thèses dont la malfaisante est bien connue de tous. L’U.A. rejette la notion de « droit à la différence » qui implique la référence définitive à la normalité, à un archétype ; elle affirme que son but est l’épanouissement de la diversité humaine, des diversités individuelles, sans mise en avant d’une identité, d’une réalité élitiste. Elle entreprendra une clarification explicite de ces positions sur les sujets traités par la Nouvelle Droite politique, pour en finir avec l’équivoque, l’ambiguïté, voire la provocation que celle-ci cherche à créer. »
Aujourd’hui, c’est le terme même de libertaire qui est dévoyé. Le NPA avait eu la volonté de récupérer le terme lors de sa création, il y avait même une « tendance libertaire » en son sein et Besancenot ne tarissait pas d’éloges sur Louise Michel. Mais qui trop embrasse mal étreint. Et les pseudos libertaires du NPA ne font plus recettes et sont partis de cette organisation.
A droite, toute. On nous jette à la figure du « libéral-libertaire » à tout propos. Jusqu’à Michel Onfray qui voit en De Gaule, un libertaire, avec une confusion entre liberté et libertaire, même si les libertaires sont de fait pour la liberté, enfin celle qui n’occasionne aucune nuisance aux autres. Liberté pour tous et toutes et en tout, sans autre limite que l’égale liberté des autres. Il est bien évident que nous ne respectons ni la liberté d’exploiter autrui, ni d’opprimer ni de commander, actions qui ne sont qu’oppression et non liberté. Par ailleurs, il existe de nombreuses personnes qui sont pour la liberté, elles n’en sont pas pour autant libertaires. CQFD.
Ces temps-ci, avec la sortie du livre de Michéa, on voit poindre dans les médias, une nouvelle jeunesse dorée qui entend en finir avec le sectarisme, la pensée unique etc. Il faut une génération zéro tabou où tout le monde se parle, de l’extrême gauche à l’extrême droite. Tiens-donc, les extrêmes ne se rejoignent-elles pas ? On passe sur les finalités, les moyens…Avec quelques mots de vocabulaire bien choisis, voilà que je t’embrouille !
Pour nous, la réflexion anarchiste doit se poser en ces termes : doit-on accepter, même favoriser, et cela sous prétexte de liberté ou d’anticonformisme, les écrits et thèses les plus opposés aux nôtres. Doit-on pour les combattre utiliser les armes de l’autorité ou de la manipulation ? Nous répondons négativement à ces deux questions. Non, les anarchistes n’ont pas à utiliser les armes de leurs ennemis, et ils sont nombreux ; ce serait les reconnaître comme valables et, de fait, nier ce que nous prétendons être. Notre combat doit viser à rendre les individus réfractaires à tout esprit autoritaire, et cela implique une autre démarche, la démarche libertaire.
Idem, du terme « insoumis ». En 1980, les insoumis étaient ceux qui refusaient l’armée en étant plus qu’un objecteur. Le choix de l’insoumission impliquait le fait d’avoir une existence clandestine : ne pas se faire contrôler par la police…et quand on était passé par l’insoumission, plus question de postuler un emploi dans la Fonction publique. Maintenant les insoumis sont représentés par des tribuns populistes voire des anticonformistes d’extrême droite. A l’époque les déserteurs et les insoumis s’enchaînaient aux grilles des « Palais de justice »et faisaient de la prison. Ils payaient de leur personne le prix de leur engagement. C’était un peu plus risqué et cela avait des incidences toute la vie durant.
Les libertaires n’ont jamais changé à ce niveau, ils sont toujours antimilitaristes et pacifistes et considèrent que le budget octroyé à l’armée est d’une indécence totale alors que des millions de pauvres et de précaires souffrent. Sans compter l’attitude néo-colonialiste et impérialiste de l’Etat français qui continue par exemple la politique de défense « des intérêts économiques de la France », notamment en Afrique et en Lybie. De l’extrême droite à la gauche, tout le monde s’accorde à vouloir gonfler le budget de la défense sous couvert de terrorisme. Autrefois, c’était la guerre froide, la guerre d’Algérie…Le principal pour l’armée, c’est d’avoir un ennemi intérieur, extérieur…pour éviter que la machine se grippe. L’extrême droite est certainement plus populaire chez les militaires que chez les libertaires. Et pour cause. A ce niveau, pas de récupération possible.
Si une certaine extrême droite se pare d’un anicapitalisme de bon aloi, c’est pour mieux récupérer ou entretenir le flou. On voit même parmi elle, des décroissants, des écologistes…Tout est bon à prendre. Un peu comme le terme d’autogestion fut emprunté aux libertaires et dénaturé par des syndicalistes de la CFDT à l’époque d’Edmond Maire.
Les libertaires ont donc bien intérêt à marteler que libertaire et anarchiste sont synonymes. De même, la critique du productivisme doit s’accompagner d’une critique virulente de l’Etat, du militarisme, des institutions représentant l’autorité. Si l’autogestion a été détournée de son sens premier, nous parlerons de gestion directe des entreprises et des services publics. A nous de nous démarquer de ceux qui sèment la confusion pour mieux avancer leurs pions réactionnaires. C’est comme dans le livre de Lénine, « L’Etat et la Révolution » ; il peut sembler à un lecteur non averti que ce livre pourrait être à 90%, libertaire. Le problème, ce sont les 10% restants qui annihilent tout le reste et en font un livre typiquement marxiste.
Alors compagnons, on a du pain sur la planche face aux faussaires d’idées.