Charlie-Hebdo: Ni dieu ni maître

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« Ils pourront couper toutes les fleurs mais ils n’empêcheront pas la venue du printemps… »

Je suis choqué par l’attaque de la rédaction de Charlie hebdo ce mercredi 7 janvier. J’ai versé une petite larme en apprenant que Cabu en était une des victimes.

Même si je n’étais plus qu’un lecteur occasionnel de l’hébdo, lui en préférant d’autres, plus satiriques et plus militants (disons depuis la direction de P. Val), je me rends compte que je suis attaché à ce qu’a représenté la lecture de Charlie dans mon adolescence et ma jeunesse militante. Je reste attaché à leur humour « bête et méchant » et très souvent pertinent. Les terroristes dans leur lâcheté n’ont, en dépit de leur bêtise crasse, pas agressé au hasard : en s’attaquant en plein comité de rédaction, aux satiristes, aux dessinateurs de presse et aux journalistes de l’hebdo, ils se sont attaqués non seulement à la liberté d’expression mais également à la liberté d’opinion. Leur fatal et sectaire fanatisme a cherché à détruire un rare exemple de presse économiquement libre (l’absence de pub a fragilisé les comptes de l’hebdo ces dernières années) et politiquement indépendante. Leur attentat souligne de façon dramatique et paradoxale le caractère héroïque de l’humour de Charlie. Comme beaucoup, je ne mesurais pas leur courage à s’attaquer régulièrement à la connerie et aux religions. Il n’y a pas non plus de hasard à ce que les sectaires aient cherché à détruire ce que le conformisme du marché de l’édition peine à banaliser : le dessin ! Il y a en effet quelque chose d’irrémédiablement singulier et de subjectif dans le dessin d’expression et de presse. En dépit des clichés et des conventions du genre, quelque chose dans le trait et le cerne témoignent encore des pulsions, des émotions et des intentions de son auteur. Dans les moments de (longue) dictature, des dessinateurs, des photographes des cinéastes et des manipulateurs d’images ont su faire passer au- delà ou en deçà du discours, un double sens qui défiait dans leur création la censure.

Effet d’identification ? Je ne peux m’empêcher de penser qu’en tirant et en tuant douze membres de la rédaction de Charlie, c’est une génération qu’on cherche à abattre c’est une culture libertaire qu’on veut faire taire…

Nous devons réagir, continuer à nous indigner des fanatismes de tout bord, à dénoncer la haine et les forces de domination et à refuser la soumission à quelque ordre que ce soit. C’est à leur exemple, sur la voie de l’obstination et du rire émancipateur, que nous devons rendre hommage à Cabu, Charb, l’oncle Bernard, Elsa Cayat, Moustapha Ourrad, Philippe Honoré, Tignous, Wolinski, Michel Renaud, fondateur du festival Rendez-vous du carnet de Voyage et aux cinq autres victimes, dont les policiers Franck Brinsolaro, Ahmed Merabet et l’agent d’entretien Frédéric Boisseau.

« …Nos compagnons d’infortune ont planté des graines, faisons en sorte qu’elles fleurissent au printemps prochain ». (d’après l’épitaphe gravée sur la tombe de Malik Oussekine).

Éric Z (Questions de classes)

Serge_Des_gouttes