Les résultats sont tombés et le duel annoncé Macron-Le Pen aura bien lieu. La seule surprise de cette élection est le score important de Mélenchon qui talonne Le Pen. Mélenchon augmente son score de 2017 et obtient un peu plus de 500 000 voix par rapport à la précédente présidentielle. Mélenchon était dans une dynamique positive et l’appel de la primaire populaire ainsi que celui, récemment, de Taubira à voter pour l’insoumis auront certainement été déterminants.
Les petits candidats de gauche qui appellent à faire barrage à l’extrême droite en votant Macron se ridiculisent un peu plus. Il aurait suffi des 1,7% d’Hidalgo ou des 2,3% de Roussel pour effectivement faire barrage directement à Le Pen en l’éliminant directement du second tour. Mais on voit que la présidentielle n’était qu’un objet second face à la restructuration prochaine de la gauche.
Edouard Philippe doit savourer les 4,8% de Pécresse qui en ne dépassant pas les 5% va mettre à mal les finances du parti. Il va donc consolider son parti Horizons en vue des prochaines législatives et surtout la présidentielle de 2022.
Les écologistes n’ont pas percé ; leurs divisions, leur manque d’implantation dans le milieu ouvrier, leur discours inaudible et peu attractif, le vote utile pour Mélenchon ont joué dans la défaite.
Nous sommes passés du bipartisme (droite-gauche) à un système où trois pôles maintenant vont s’affronter. Un pôle de droite et centre-droit emmené par Macron-Philippe avec un tiers des voix ; un autre tiers à l’extrême droite emmené par Marine Le Pen et Zemmour ; le dernier tiers à gauche avec le tribun Mélenchon et les écologistes.
Ce qui devrait inquiéter, c’est cette montée électorale, année après année, de l’extrême droite, jusqu’au tiers des votants aujourd’hui. Et comme le résultat d’une élection, c’est la photo de l’état de l’opinion publique à un instant T, cela signifie que l’opinion publique se droitise et s’extême-droitise puisque deux tiers des votants se situent dans ces segments politiques.
Le taux d’abstention à 26% n’est pas à la hauteur des enjeux. Macron avec ses 28% de suffrages se relégitimise aux yeux des Français. On pourra toujours arguer que 27-28% au premier tour avec 26% d’abstention, c’est peu. Mais c’est quand même bien mieux qu’à la présidentielle de 2017 alors qu’il a annoncé une réforme des retraites à 65 ans par exemple. Sans compter ce qu’il nous réserve dans sa besace.
Pour le second tour, Emmanuel Macron nous refait le coup du front républicain et il remercie tous les candidats qui appellent à voter pour lui au second tour. Pourtant, aux dernières régionales, Gabriel Attal tout comme Séjourné et d’autres proches d’Emmanuel Macron disaient : « Il faut inventer autre chose que le front républicain ». Front républicain is dead? Certainement pas ; les politiciens sont toujours à la recherche du réflexe pavlovien du tout sauf Le Pen. Pourquoi changer un slogan qui fonctionne depuis 2002.
Ainsi, les politiciens continuent la politique libérale qui les caractérise. Les pauvres, classe laborieuse, classe dangereuse, continueront à trimer et à se serrer la ceinture. Ainsi va la vie. Mais revenons à l’actualité.
Le pouvoir d’achat s’est invité dans la campagne présidentielle bien devant les thèmes de l’immigration, la sécurité…thèmes chers à la droite et l’extrême droite. Cette fois, sur le sujet, Marine Le Pen ne s’en est pas laissé compter et a continué sur sa lancée : il faut redonner du pouvoir d’achat aux Français. Avec une priorité aux Français ; il ne faut pas oublier cet incontournable lepéniste.
A l’autre bout du spectre, Macron s’est laissé dépasser. Il a bien essayé de rattraper le coup en proposant, une fois élu, d’indexer les retraites sur l’inflation. Et comme les retraités votent davantage que les autres catégories et sont plus conservateurs, il fallait bien les brosser dans le sens du poil électoral. Pourquoi ne l’a-t-il pas fait avant, en gage de bonne volonté. D’autant qu’il avait bidouillé la CSG des retraités au début de son quinquennat. L’indexation des retraites sur l’inflation, c’est un peu une séance de rattrapage dont on n’est pas certain qu’elle aboutisse en ces temps de crise. Ou du moins sur le taux réel de l’inflation. On augmente de 3% quand l’inflation est à 4,5%. C’est toujours cela de gagner.
Cette inflation qu’on nous avait dit passagère se révèle de plus en plus être structurelle. Et dans ce cas, plus l’inflation augmente et que les salaires ne progressent pas, plus nous constatons de fait un appauvrissement des individus et des ménages.
En période de stagflation, c’est-à-dire une économie qui stagne et une inflation qui monte, les plus pauvres et précaires ont de plus en plus de mal à finir le mois. Les inégalités croissent et on se demande bien pourquoi on demanderait aux catégories populaires de voter pour un candidat qui n’a pas pris la mesure du problème. Enfermés dans une bulle technocratique, Macron et son cercle se sont coupés des moins aisés, du moins de ceux et celles qui ont cru un moment que le président pourrait intervenir en leur faveur. Les prix de l’énergie flambent et certains produits de première nécessité s’envolent de même. Le pouvoir d’achat diminue et les petits retraités se retrouvent dans une situation désespérée et parfois tragique.
L’inflation risque fort de durer contrairement à ce que certains économistes, fiers de leur science, nous avaient rabâchés à l’automne 2021. Les problèmes de manques de conteneurs, des goulots d’étranglement des microprocesseurs dans l’automobile, le problème des semi-conducteurs…bref tout un tas de produits dont l’acheminement pénalise la production européenne ; les confinements dus à la Covid en Chine, confinements qui n’en finissent pas (Shanghaï, aujourd’hui,…) ; les tribulations de la transition énergétique, la guerre en Ukraine qui dure et peut être le prélude à une troisième guerre mondiale… tous ces ingrédients font un bon cocktail pour avoir une inflation structurelle, donc durable.
Aujourd’hui, l’impact des augmentations de prix se fait sentir directement et immédiatement sur les personnes déjà fragilisées par une petite retraite ou un bas revenu. Ce qui aura des conséquences sur d’autres secteurs économiques. Les gens vont privilégier les dépenses prioritaires : la nourriture, le gaz et l’électricité, la santé, l’essence pour la voiture notamment pour les habitants habitant la campagne ou en périphérie lointaine des grandes villes. Privilégier mais aussi les diminuer.
C’est-à-dire que les Français à petit revenu vont se serrer la ceinture pour les vêtements, les loisirs et la culture, le tourisme…ou divers équipements (ménagers…). Ou tout simplement, ils ne pourront plus consommer qu’à la partie congrue. Cet état de fait pèsera sur l’économie. Peut-être que si les salariés ont le couteau sous la gorge, ils penseront à se rebeller ? Eloge de la fuite. Nous le verrons bien après le résultat du second tour.
Dernièrement les NAO, au sein des entreprises, ont vu des hausses de salaires en deçà des espérances des syndicats, au regard de la situation inflationniste.
On constate cependant une grève victorieuse, historique diront certains, chez Dassault Aviation. Le fabricant d’avions militaires a cédé devant l’intersyndicale. Que pense cette dernière de la guerre en Ukraine ? Au niveau éthique, que pensent les travailleurs qui fabriquent des armes qui tôt ou tard tueront des personnes, civiles et militaires ?
Avant l’arrivée de la gauche au pouvoir, les salaires étaient indexés sur l’inflation. Depuis 1983, ce n’est plus le cas. Certainement une grande avancée sociale de la gauche qui s’étonne d’année en année de son discrédit auprès des travailleurs. A qui la faute ? Tu trahis, tu paies. Le PS à 1,7%, c’est le prix de la trahison depuis des décennies.
Les patrons vont freiner des quatre fers pour augmenter les salaires car ils ne veulent pas réduire leurs marges. Certains en ont pourtant fait des bénéfices pendant la pandémie. Mais, ils vont nous ressortir le coup de l’emballement général. Pour être compétitifs, nous devons augmenter les prix. Et le tour est joué : l’augmentation des salaires augmente les prix et la valse des étiquettes fonctionne alors à plein régime. D’autant que chacun va nous sortir le couplet de la guerre qui est la cause de tous nos maux alors que nombre de spéculateurs de la misère humaine attendent comme des vautours leur heure et leur proie. La spéculation a déjà commencé mais elle va tenter de se multiplier.
Récession et chômage risquent de pointer leur nez. Et les plus pauvres et les travailleurs les moins formés vont trinquer en premier.
Pas sûr que la solution Macron qui consiste à donner la même chose à tout le monde puisse réduire les inégalités. C’est le contraire qui se produit. Diminuer par exemple de 18 centimes le litre de carburant pour tous, c’est permettre aux conducteurs de grosses cylindrées d’obtenir une réduction de leur dépense alors que le travailleur à faible revenu qui utilise son véhicule pour travailler tous les jours voit cependant son pouvoir d’achat baisser. C’est un peu le principe de la TVA qui touche de la même manière la personne qui gagne 10 000 euros et celle qui est au RSA pour l’achat d’une baguette de pain ou un litre de lait par exemple.
Sans compter que bientôt, les gens aux salaires moindres qui sont locataires vont voir leur loyer augmenter car ce dernier est calé sur l’inflation.
Les victimes de l’inflation vont se reporter sur la nourriture la meilleure marchée, ce qui est loin d’être synonyme de meilleure qualité. Ceux et celles qui ont des revenus confortables continueront à manger BIO. On est pour le BIO, à partir du moment où il est accessible financièrement pour tout le monde. Et malheureusement, on sent que les partisans des OGM…vont s’engouffrer dans la brèche sous couvert d’égalité. Les lobbies vont aussi essayer d’avoir la part belle. Nous sommes en période de guerre !
Pendant le quinquennat Macron, après les gilets, on s’attendait à une meilleure prise en compte des problèmes soulevés au niveau des fins de mois. On pensait que la convention climat allait donner des résultats. La décarbonation de l’économie est passée sous les radars. La question de la recherche universitaire aussi. L’enseignement a été malmené par le ministre de l’Education…
Et les libertaires, dans tout cela. Qu’ont-ils à apporter ?
Concernant l’éducation, pour les libertaires, toute la valeur de l’éducation réside dans le respect de la volonté physique, intellectuelle et morale de l’enfant. Nous sommes favorables à l’autonomisation des élèves dans leurs activités d’apprentissage.
Au niveau des enjeux actuels, les libertaires sont parties prenantes des problèmes du dérèglement climatique, du pacifisme et des droits humains ainsi que du refus des discriminations et des crispations identitaires. C’est une éducation rationnelle qui permet de lutter contre ces dernières dérives. Cependant nous ne sommes pas adeptes des injonctions prescriptives et moralisantes. C’est le point faible des écologistes de salon.
Notre pacifisme promeut les droits humains, s’insurge contre les crimes de guerre et le racisme. Notre ouverture à l’autre, notre volonté d’égalité des sexes font aussi partie de notre projet émancipateur.
La prescription, la moralisation ne sont pas, au vu des expériences, les méthodes les plus adaptées pour véhiculer et surtout transmettre ce que l’on entend défendre. Les luttes antiracistes, antifascistes, contre le monde carcéral…se sont soldées par un échec finalement quand on voit le score affiché par l’extrême droite en France et dans de nombreux pays européens aussi (Hongrie, Pologne…). Est-on sincèrement capables de prévenir ou empêcher la montée des idées d’extrême droite ? Les politiques de mémoire ont aussi échoué. C’est donc sur d’autres axes que l’on doit poursuivre notre travail de propagande ou au moins de manière différente. Il va falloir refonder nos logiciels si l’on veut peser sur les débats à venir et faire entendre notre partition.
Patoche (GLJD)