A suivre, les commémorations du 80 ème anniversaire du débarquement en Normandie, on sent un changement d’attitude de nos gouvernants par rapport à la décennie précédente. Il y a dix ans, c’était l’occasion de grands discours sur la fin du cauchemar nazi, le triomphe de la démocratie, du progressisme et de la liberté sur le fascisme. En juin 2024, ce sont les célébrations du D-Day avec un hommage appuyé aux résistants bretons du maquis de Saint-Marcel, aux 73 fusillés de la prison de Caen, à Saint-Lô capitale des ruines…une campagne mémorielle pour les maquisards et les civils qui ont payé un lourd tribut à la guerre. Une campagne mémorielle de la démocratie qui oublie bien vite les lendemains qui ont déchanté dès 1945 pour des dizaines de milliers de morts dans les colonies françaises…ou en Allemagne et au Japon.
Ceux et celles qui ont l’esprit critique diront que les bombardements de Dresde qui eurent lieu du 13 au 15 février 1945 firent au moins 40 000 morts parmi la population civile allemande (certains donnent le chiffre de 200 000 victimes), que le 8 mai 1945 fut marqué par les massacres de Sétif, Guelma et Kherrata avec 20 000 morts (certains historiens avancent le chiffre de 30 000 morts), l’insurrection malgache qui eut lieu en 1947 et 1948 sur l’île de Madagascar, alors colonie française, fit entre 11 000 et 100 000 morts…devançant les massacres en Indochine puis en Algérie. Sans parler d’Hiroshima et Nagasaki…
A écouter les discours d’aujourd’hui, on sent un vent mauvais souffler sur l’Europe avec une extrême-droite qui grimpe notamment en France. Le fascisme serait dû à de mauvais bergers démagogues qui auraient entraîné les peuples allemand et italien dans une aventure belliciste rêvant d’imposer au monde leur dictature. Et de faire le parallèle avec Poutine aujourd’hui.
Et débarquement du 6 juin 1944 oblige, la prise de conscience du péril fasciste par les démocraties ne permit point que l’humanité sombra dans la barbarie. Mais avec les anarchistes, il y a souvent un Mais. Pour nous, la peste brune a trouvé un terreau fertile dans les nationalismes soigneusement entretenus par les Etats, dans les haines contre des boucs émissaires désignés…Toute ressemblance avec quelques programmes électoraux d’aujourd’hui ne seraient que pure coïncidence.
L’esprit qui a permis les Mussolini et les Hitler continue à prospérer et il n’est pas étonnant qu’un Zemmour trouve des échos à ses propos xénophobes. Non, cette peste brune n’aurait pas non plus pris cette ampleur si un certain patronat de l’entre-deux guerres n’avait préféré Hitler au Front Populaire. Si les politiciens n’avaient imposé le traité de Versailles avec des conditions telles que le ressentiment outre Rhin l’emporta sur le pacifisme né de l’expérience de la guerre.
Mais ces discours n’auraient pas suffi sans l’appui de la haute finance et des magnats de l’industrie. Dans l’Italie de 1920, un puissant mouvement ouvrier avait, un temps, réussi à faire plier le patronat après des grèves victorieuses notamment à Turin et Milan où les exploités avaient imposé le « contrôle ouvrier » sur les entreprises. Contrôle préludant à une gestion directe ouvrière et à l’expropriation des capitalistes. Dans le même temps les paysans occupaient les grands domaines agricoles.
En face, le capital trouva son homme lige en la personne de Benito Mussolini fondateur d’un parti aux discours violents et démagogiques mêlant les thèmes nationalistes et d’un « socialisme » verbalement radical (attributions des terres aux paysans, gestion des entreprises par les syndicats…). Inutile de préciser que pour sa deuxième partie ce programme ne trouva jamais son application mais il devait par sa violence attirer toute une foule d’anciens combattants, de chômeurs, d’étudiants et de déclassés qui constituèrent rapidement une organisation de briseurs de grève affrontant les organisations ouvrières, semant la terreur dans les villes et les campagnes. Les fascistes auraient pu rester simplement des hommes de mains si, la crise économique et la détermination des exploités n’avaient amené les industriels et financiers italiens, toutes confessions confondues, à financer « la Marche sur Rome » en octobre 1922.
A ce propos, il a toujours été convenu que le fascisme est raciste et plus particulièrement antisémite. Pour l’Italie et aux origines, cela était différent puisque l’on vit Mussolini accueillir favorablement la création du Bétar. Ce dernier (en hébreu : בית »ר) est un mouvement de jeunesse juif sioniste radical, fondé en 1923 à Riga, en Lettonie. Mussolini changea son fusil d’épaule quand il se rapprocha du nazisme qui venait de triompher en Allemagne en 1933.
En Allemagne, la crise de 1929 avait jeté des millions de chômeurs à la rue. Pourtant la combativité des travailleurs était intacte : c’est par millions que se comptaient les affiliés aussi bien au Parti communiste que socialiste et dans les syndicats. Pour les anarchistes, organisés principalement dans la FAUD, minoritaires, ils ne pouvaient certes prétendre jouer un rôle aussi déterminant que les compagnons italiens.
La peur de la révolution sociale devait là aussi conduire à « l’union sacrée » de la finance et des industriels avec le nazisme. Et comme en Italie, lorsque la basse besogne eut été exécutée, les bailleurs de fonds s’aperçurent de l’impossibilité de faire machine arrière ! Le noyautage de l’appareil d’Etat se doublait d’une police parallèle, efficace pour briser toute résistance ouvrière mais aussi pour la mainmise de ces aventuriers sur le pouvoir.
Le capitalisme préférera toujours un Pinochet capable de faire sa sale besogne pour ensuite rendre le pouvoir à « la démocratie ».
C’est pourquoi, les libertaires ne doivent en aucun cas faire l’impasse sur le danger fasciste ; sa réalité plane toujours sur les exploités et les capitalistes seront toujours capables d’utiliser ses bandes à ses sales besognes.
AD et Ty Wi (GLJD)