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Mission Bern

Combattre l’extrême droite, c’est construire ce mouvement social, alternatif, qui s’exprime dans de nombreux combats : contre la mondialisation, contre les directives européennes d’austérité, contre la précarité, contre la criminalisation du mouvement social, contre le racisme et le sexisme …, et pour la défense des services publics, pour la gratuité des services sociaux, pour l’utilité sociale du travail, pour d’autres conditions d’habitat, pour l’aide aux migrants, pour le respect de l’environnement … La grève est toujours l’arme des travailleurs mais le poids des consommateurs doit revenir sur le devant de la scène avec nos traditionnels moyens de pression : label, boycottage, action directe…Les mobilisations initiées par les gilets jaunes ont aussi valeur d’exemple pour ceux et celles qui ne peuvent pas faire grève (problèmes financiers, répression dans les entreprises…).

Les ouvriers, contrairement à ce qui est répandu dans les médias, ne votent pas majoritairement pour le R.N. Le vote ouvrier, c’est l’abstention! Près de 50% des ouvriers s’abstiennent et près de 40% des employés aussi dans la plupart des scrutins! Alors le vote ouvrier se répartit à 50% entre la multitude des candidatures, notamment entre celle de Mélenchon et de Marine Le Pen…Et on ne tient pas compte de tous ceux et ils sont nombreux qui ne sont pas inscrits sur les listes électorales…

Il existe deux manières de comprendre le mot politique. La première et la plus répandue définit la politique comme un système de rapports de pouvoir géré de façon plus ou moins professionnelle par des gens qui s’y sont spécialisés, les soi-disant «hommes/femmes politiques». Ils/elles se chargent de prendre des décisions qui concernent directement ou indirectement la vie de chacun d’entre nous et ils/elles administrent ces décisions au moyen des structures gouvernementales et bureaucratiques.

Ces «hommes/femmes politiques» et leur «politique» sont habituellement considérés avec un certain mépris par les gens ordinaires. Ils accèdent le plus souvent au pouvoir à travers des entités nommées «partis», c’est-à-dire des bureaucraties fortement structurées qui affirment «représenter» les gens, comme si une seule personne en «représentait» beaucoup d’autres, considérées comme de simples «électeurs».

En traduisant une vieille notion religieuse dans le langage de la politique, on les appelle des élus et ils forment en ce sens une véritable élite hiérarchique.

Quiconque prétend parler au nom des gens n’est pas les gens. Lorsqu’ils/elles affirment qu’ils/elles sont leurs représentants, ils/elles se placent eux/elles-mêmes en-dehors de ceux-ci. Souvent, ce sont des spéculateurs, des représentants des grandes entreprises, des classes patronales et de lobbies en tout genre.

Souvent aussi, ce sont des personnages très dangereux, parce qu’ils/elles se conduisent de façon immorale, malhonnête et élitiste, en utilisant les média et en répandant des faveurs et des ressources financières pour établir un consensus public autour de décisions parfois répugnantes et en trahissant habituellement leurs engagements programmatiques au «service» des gens.

Marine Le Pen, Zemmour, Dupont-Aignan et Philippot défendent au final des thèses xénophobes qui sont le sceau du populisme et de l’extrême droite. Ils s’accordent à défendre les idées et les thèmes qui tirent leur fondement au plus profond d’un nationalisme exacerbé : le drapeau, la Marseillaise, le caractère «formateur/intégrateur» du service national, la défense des valeurs liées au « roman national », la communauté nationale, la préférence nationale, la supériorité du petit blanc etc. etc. Avec un côté viriliste cher aux militaristes. D’ailleurs le vote d’extrême droite est majoritaire chez les militaires. Il suffit de regarder les résultats électoraux dans les villes de garnison.

Ils sont aussi d’accord sur le système social, politique et économique, totalement inique qui est imposé aux travailleurs et sur la légitimité de ses fondements avec, à la marge, quelques nuances d’appréciation…Il pourrait y avoir la cheffe, Le Pen, et des ministres issus des rangs de la droite et de la gauche, histoire de faire union nationale et renchérir sur Macron dans le ni droite ni gauche. Histoire de dynamiter un peu plus les LR et PS.

Du côté de Macron, c’est un système de domination et d’exploitation qui ne vaut guère mieux sur le plan social : capitalisme ultra libéral, libéral, social- démocrate ; tout cela représente la diversité de l’offre inégalitaire d’un système qui perdure depuis des décennies et qui s’aggrave. Ce qui est indiscutable c’est que toutes ces formes d’exploitation et de domination représentent les symptômes d’un même dérèglement, qu’il soit social, économique, politique.

Les systèmes Le Pen et Macron sont des systèmes producteurs, entre autres choses, d’exclusions et de dérives sociétales…

En réalité, leurs désaccords ne portent que sur les marges et uniquement sur les marges, en limitant leurs désaccords non pas sur la nature mais plutôt sur le degré des changements à apporter à ce système honni et inique. Les classes politiques repoussent tant qu’ils peuvent, par le biais de l’électoralisme, le système politique et économique qu’ils souhaitent maintenir et qui leur garantit prébendes et privilèges.

Face à ces réalités, nous autres libertaires mettons en garde contre un système qui nous prive des moyens les plus élémentaires de décisions et qui limite notre intervention «citoyenne» à sa plus simple expression : n’être en définitive que des spectatrices/spectateurs, et encore pour un temps très court, mais qui ne permet, à aucun moment, qu’on puisse se comporter en acteurs afin de vivre la vie que nous désirons. Une vie digne et qui respecte tout le monde. Sans compter cette absence de prise en compte réelle du dérèglement climatique dans leur campagne électorale.

Il nous reste du chemin à parcourir afin d’arriver à une société humaine, libertaire, solidaire et autogestionnaire…Mais ce ne sera pas en votant pour Macron ou Le Pen que nous y arriverons. Souvenons-nous des errances de certains y compris des anarchistes lors du deuxième tour Le Pen-Chirac en 2002. Nous ne ferons pas les castors de Macron, qui de toute façon n’a pas besoin des anarchistes pour être élu…

Thierry (L.H.)

le Libertaire Avril 2022