Schismes dans les religions

Arbre noué

Vatican II

Nous ne sommes pas les plus qualifiés pour commenter comme il le faudrait les résolutions que prend, dans un concile désormais historique, la réunion mondiale des évêques qui a nom Vatican II. Et nous aurions voulu que, dans la vaste famille des incroyants, d’autres que nous le fassent avec plus d’autorité que la nôtre. Mais dans cette famille, agnostique ou athée, matérialiste scientifique ou « dialectique », on a trop perdu l’habitude de la lutte, sur le terrain de la pensée et de la haute polémique. Cédant, comme il arrive dans tant d’autres problèmes, à la loi du moindre effort, on s’est endormi sur des lauriers qui remontent à la séparation de l’Église et de l’État, et on a cru que la victoire contre l’Église, et même contre la croyance, était définitivement acquise.

Nous nous sommes à maintes reprises élevés contre cette attitude qui a eu et qui a des résultats dangereux sur le plan intellectuel et politique. Intellectuel parce que, depuis près d’un siècle, les penseurs catholiques – et protestants, mais sur une moindre échelle [1] – ont, appuyés par les autorités éminentes de l’Église, mené une contre-offensive qui a passé trop inaperçue dans les partis et les secteurs se réclamant de l’anticléricalisme et confondant celui-ci avec l’irréligion. Composés surtout de prolétaires et de gens du peuple à qui ces hautes spéculations de la pensée étaient étrangères, préoccupés surtout de masses électorales, faisant du matérialisme historique un dogme plein de suffisance, ces partis, ces secteurs ont négligé le travail en profondeur que, dans les sphères de l’enseignement, dans les foyers de culture, dans les études publiées par des intellectuels de valeur, réalisaient les défenseurs du spiritualisme déiste.

Cette confiance excessive, cette sous-estimation de l’adversaire a fait passer inaperçu l’effort par lui réalisé. Car il a profité des insuffisances inévitables de la science en général, et de toutes les sciences en particulier. Les vérités premières émises par le matérialisme des dix-huitième et dix-neuvième siècle n’ont, rapidement, plus suffi à bien des esprits inquiets qui ne se sont plus contentés de savoir de quoi et comment se composait la matière, ni que l’origine de l’homme ne correspondait pas aux explications de la Bible. D’autres problèmes, plus profonds, les hantent (le pourquoi de la vie, le but de la vie, l’origine première des choses, le mystère ou la peur de la mort), tout cela qui ne trouve pas de réponse satisfaisante à la nature humaine et qui, sans doute, ne le trouvera jamais.

Ajoutons l’adaptation des sectateurs intelligents des religions. Il existe une science « chrétienne » qui a su, après les avoir combattus, assimiler les postulats et les découvertes de la science matérialiste. Et les six journées de la création se sont transformées en cycles symboliques, d’une durée illimitée, et les enfantillages de la Bible sont prudemment passés sous silence, et l’on admet maintenant que l’homme est un anthropoïde évolué, on collabore même aux recherches préhistoriques et aux fouilles paléontologiques : les savants spécialisés dans ces découvertes sont, aux U.S.A., en Angleterre, dans les pays du Nord, à peu près tous chrétiens, et attribuent à Dieu l’apparition de l’homme du Néandertal, de Cro-Magnon, ou du premier Australopithèque.

Cette adaptation, prodigieuse pour l’homme de simple bon sens, tient de cette faculté de mystification que l’homme exerce envers lui-même par le truchement de son imagination, de ce don irrationnel d’illusionnisme et de croyance dont il a besoin sans doute, en même temps qu’à une politique savante de l’Église. Il y a concession à l’évolution de l’humanité sur le plan moral comme sur le plan intellectuel et sur le plan des structures sociales. La libéralisation relative du fonctionnement interne de l’Église est en relation avec l’admission d’une certaine justice sociale et la reconnaissance des rapports biologiques entre l’homme et ses lointains ascendants simiesques et présimiesques.

 

Tous ces faits, nous le répétons, devraient faire le sujet d’analyses plus profondes que celles dont nous sommes capables, et tout en en signalant la nécessité, nous insistons aussi sur celle de donner à l’intelligence et à l’esprit des hommes des aliments plus satisfaisants que ceux que les adversaires des explications déistes leur servent depuis si longtemps. Mais cela ne nous empêche pas, dussions-nous être accusés de nous en tenir à la science du bonhomme Richard ou aux réflexions de monsieur Homais, de formuler quelques observations de bon sens que dédaigneront les théologiens et les métaphysiciens, mais qui, sur le plan humain, nous semblent tout à fait évidentes.

D’abord, comme il était dit dans cette revue, il y a quelque temps : «c’est l’humanité qui marche devant ; l’Église ne fait que la suivre ». Vatican II se caractérise par la défaite de la curie romaine, organisme séculaire enkysté dans ses traditions dogmatiques et dans son autoritarisme absolutiste qui faisait corps avec celui du pape, et souvent l’influençait grâce à un savant appareil de domination centralisée. Or, maintenant, ce sont les évêques, c’est le corps des évêques, qui commandera, avec le pape, bien entendu. Pourquoi ? Parce que, dans tous les pays, les évêques sont en contact direct avec les fidèles, avec les populations qu’il faut influencer, avec celles que l’on veut attirer, avec les courants de la vie intellectuelle, politique et sociale ; et par leurs contacts directs, par ce qu’ils ont recueilli depuis longtemps, par ce qu’ils connaissent de l’évolution des esprits, ils savent que l’Église doit changer d’attitude, de comportement, de propagande sur certains points dogmatiques. Ce sont eux, ou certains de leurs subordonnés, qui ont fait et qui multiplient les essais sociaux, qui ont tenté l’expérience des prêtres ouvriers – ils en tenteront d’autres – qui prennent la défense des grévistes contre le patronat, qui critiquent telles ou telles mesures de répression (le cas s’est vu en Italie), ou, avec les protestants même, se mettent à la tête du combat pour l’égalité des droits des Noirs aux U.S.A.

Mais ces évêques sont poussés par l’évolution humaine et sociale de notre époque ; et même si l’on nous cite les évangiles, nous répondons qu’ils les ont oubliés pendant quinze siècles et que d’autres, parfois des incroyants, les leur ont rappelés.

Autre réflexion de bon sens. Ceux qui sont obnubilés par cet égarement, par cette faculté d’égarement ou de mystification à quoi l’homme est capable d’arriver ne nous comprendront pas, mais nous qui nous refusons à l’aliénation de notre lucidité, nous disons qu’il est comique de voir avec quelle outrecuidance ces hommes réunis à Rome parlent de Dieu comme s’ils le connaissaient personnellement, comme s’ils avaient été en contact avec lui, comme s’ils l’étaient continuellement ; et de Jésus-Christ dont la critique historique permet toujours de nier ou, du moins, de discuter l’existence, comme s’ils en avaient reçu directement un mandat impératif.

Ainsi, la nouvelle organisation collégiale épiscopale, faisant corps avec le pape, est devenue « de droit divin », car c’est « par la volonté du Christ, et donc par celle de Dieu, que ce collège possède maintenant une autorité universelle ».

Mais qui sont-ils donc ces bonshommes, fils d’une femme et d’un homme, d’un spermatozoïde et d’un ovule, comme le commun des mortels, faits de chair et d’os comme chacun de nous, avec les mêmes organes que n’importe quel autre bipède, pensant par le même mécanisme matériel et psychique, mangeant et déféquant comme n’importe quel être vivant, pour s’arroger le droit de parler au nom de ce Christ que personne n’a connu ou qui, dans le meilleur des cas, est mort depuis près de vingt siècles ? Qui sont-ils donc pour prétendre faire la loi au monde en invoquant un être incommensurablement surhumain, qui leur aurait dicté sa loi comme à Moïse sur le Sinaï, à eux, et à eux seuls ? Où, et quand, et comment ?

Cette imposture à laquelle la solennité et l’apparat, les génuflexions et les cérémonies n’ajoutent pas le moindre élément de véracité devrait faire réfléchir tout esprit équilibré. Comme devrait faire réfléchir le fait que ce concile annule et contredise d’autres résolutions prises dans le concile de 1870 et qui furent aussi dictées au nom de l’expresse volonté du Christ et de Dieu. Car depuis le concile de Nicée, en 325, tous se sont, successivement, sur des points divers, allègrement rectifiés ou contredits. Et toujours au nom de la volonté divine.

Maintenant même, c’est à la majorité des voix – les deux tiers au moins – que les résolutions se prennent. Mais la minorité n’est donc pas inspirée par la volonté de Dieu ? Par quoi l’est-elle alors ? Et si cette volonté existait, ne serait-elle pas la même pour tous ? Que signifie le fait que les intégristes traditionalistes se livrent à une propagande effrénée, distribuent des tracts entre les évêques, dans les milieux catholiques divers, s’efforcent, par des manœuvres dilatoires ou autres, d’empêcher le vote des résolutions présentées, ont recours à l’éloquence, à l’interprétation spéciale ou spécieuse des textes bibliques et autres pour parvenir à leurs fins ? Dieu a-t-il plusieurs volontés contradictoires et simultanées ?

Même au service d’une cause estimable, une comédie ne cesse pas d’être une comédie, et nous nous refusons d’abdiquer notre clair entendement parce qu’un homme fait essentiellement comme nous se prétend solennellement investi de pouvoirs divins. Et nous lui rions au nez. Nous comprenons la croyance parce que nous comprenons les drames, les angoisses et les incertitudes – et les naïvetés, et les faiblesses – de nos frères humains. Nous comprenons la vie spirituelle, et nous en avons une, peut-être plus profonde que celle de bien des croyants. Et nous ne rions pas quand nous visitons une église et que nous y voyons des hommes et des femmes agenouillés ; car nous pratiquons envers les autres la même tolérance que nous exigeons pour nous-mêmes. Telle est l’attitude humaniste. Le malheur est qu’au nom de Dieu, ces possédés, ou ces comédiens, prétendent guider tout le troupeau humain dont ils se proclament les pasteurs totalitaires. Et par conséquent, nous guider aussi. Alors, là, nous ne marchons pas. Et nous faisons face, pour nous et pour ceux qu’ils prétendent conduire au nom d’une omnipotence irrécusable.

Un instituteur (Cahiers de l’Humanisme libertaire- octobre 1963)

Notes : [1] Nous laissons à part les sectes secondaires et les autres religions.

 

Les schismes dans l’islam

C’est sur la question du califat (ou imanat) que les musulmans se divisèrent en groupes distincts au moment de la « grande discorde » (al-fitna al-kubrâ) qui déchira la communauté, à la suite du meurtre du calife Uthmân en 656. Cette crise culmina lors de la bataille de Siffin, en juillet 657 ; les trois grands partis qui allaient donner naissance aux groupes khârijite, sunnite et chiite, apparurent alors au grand jour. Dans chacun de ces courants en formation allaient s’élaborer des doctrines divergentes, non seulement sur le califat, mais aussi sur des problèmes théologiques, des questions relatives aux sources-fondement du droit islamique et à son application, etc. De là émergèrent les différentes branches de l’islam, qui, elles-mêmes, allaient ensuite se ramifier en sous-groupes ; l’arabe les désigne par le terme firqa, ou bien, plus simplement par le mot madhhad, qui signifie doctrine. (Sabrina Mervin- Histoire de l’islam- Fondements et doctrine- 2010)

A l’origine de la religion musulmane, on trouve des combats de tribus pour le pouvoir. Meurtres, assassinats, conflits, guerres, sécessions…sont au programme dès la mort du prophète. D’où les schismes dans l’islam avec des branches qui perdurent aujourd’hui…Ti wi (GLJD)