Salariés précaires, salariés secondaires

Esquisse Delacroy

Salariés précaires, salariés secondaires

Nous sommes quotidiennement abreuvés depuis une trentaine d’années par des discours sur la fracture sociale, les inégalités. Après la gauche plurielle, la droite multiple, c’est au tour du macronisme de nous annoncer qu’il va s’attaquer, en même temps, à tous ces problèmes. Malheureusement, les discours et les élections passés, la réalité est bien différente et il ne fait pas bon avoir un statut précaire.

Les syndicats dont on pourrait penser que leur vocation est de se préoccuper des « précaires », semblent être atteints d’une sorte de léthargie dès qu’il y a un problème les concernant. C’est vrai que le syndicalisme bat de l’aile, que le fossé s’accroît sans cesse entre les précaires et les salariés à statut garanti ; garanti d’ailleurs pour combien de temps encore ?

C’est dans ce contexte que plusieurs salariés de secteurs précaires rejoignent de petits syndicats ou des collectifs.

Dans le nettoyage, plusieurs entreprises pratiquent l’esclavage, avec des conditions de travail et des salaires indignes. Des grèves très longues se mettent en place. Par exemple, les femmes de chambre de l’hôtel NH Collection Marseille sont en grève depuis plus de 4 mois et le conflit reste bloqué, avec l’échec de la médiation préfectorale, sabordée par le sous-traitant ELIOR et ses propositions méprisantes tout comme l’attitude partiale de la médiatrice, trop proche du positionnement patronal. A Paris avec une grève de plus de cent jours à l’Holiday Inn de Clichy commencée en octobre 2017, la CNT-S.O. a fait plier le patronat. De petites unités professionnelles peuvent prétendre à une solidarité financière, ce qui permet aux grèves de perdurer.

Deliveroo baisse les salaires, utilise des personnels à statut d’auto-entrepreneurs, sans couverture sociale…Les livreurs dénoncent la nouvelle grille tarifaire mise en place par Deliveroo qui leur ferait perdre selon eux 30 à 50 % de leur rémunération. Dans la capitale, ces personnes s’organisent au sein du Collectif des livreurs autonomes de Paris (CLAP). Là encore, les « grévistes » font peu confiance aux syndicats qui paraissent de plus en plus hors course.

Dans la Fonction publique, le recours aux contractuels est en pleine expansion. Les confédérations syndicales sont à la peine pour freiner cette tendance lourde de conséquence pour les travailleurs.

A vrai dire, l’heure de vérité va sonner pour les syndicats à la rentrée. Déjà affaiblis par le mouvement des gilets jaunes qui a désinstitutionnalisé la contestation, l’épreuve des retraites va se révéler cruciale pour le syndicalisme. Ou les confédérations syndicales vont pouvoir mobiliser contre les projets néfastes du gouvernement via Delevoye ou elles seront discréditées pour une longue période. Les syndicats vont jouer leur survie même s’ils pourront continuer à fonctionner avec leur corps professionnel de 50 000 permanents. Ils représentent une coquille décharnée qui va vite devenir vide en cas d’échec d’une mobilisation gagnante sur les retraites. Si les fonctionnaires notamment ne se bougent pas alors que Macron avec sa retraite à points va finalement diminuer le montant des pensions tout en augmentant le temps de cotisations pour bénéficier d’un juste repos après 43 ans de travail. S’il gagne sur ce sujet, il laminera tout le reste. Les acquis sociaux déjà bien érodés sont en passe de disparaître avec la complicité des politiciens de droite et de gauche. Et l’extrême droite en embuscade qui sourit bien…

Si l’on veut lutter contre les inégalités et le chômage, il faut impérativement partager le travail et les richesses. C’est de la poudre aux yeux de faire croire que la relance de la consommation va créer des emplois, car c’est oublier que les progrès de la technologie et du numérique permettent de produire davantage et de plus en plus avec de moins en moins de salariés. Cependant, partage du travail ne doit pas signifier aggravation des conditions de travail et de vie. Pourquoi faudrait-il, au nom d’une prétendue compétitivité, voir les travailleurs à l’entière disposition du patronat qui aurait ainsi la possibilité de régenter à sa guise notre vie ? Les progrès scientifiques et technologiques via le numérique ou pas doivent aussi profiter aux salariés notamment en les libérant des servitudes du travail.

Il n’y a aucun espoir à attendre des technos de Macron, ni d’ailleurs d’aucun politicien, pas plus des syndicats réformistes empêtrés dans leurs petits arrangements. Les travailleurs doivent se désintoxiquer de toute propagande patronale, réfléchir et imposer leur point de vue. Il faut refuser la pratique des heures supplémentaires quand elles volent du travail à ceux qui n’en ont pas ; refuser la flexibilité et l’annualisation qui sont les chaînes de l’esclavage moderne. Combien de salariés ont accepté de travailler plus en étant payés autant, d’être davantage flexibles sous couvert de compétitivité et au final au bout de deux ou trois ans, les fermetures d’entreprises ont pointé leur groin.

Il y urgence à ce que les salariés se mobilisent et interviennent dans le débat pour imposer leurs revendications. Le mouvement des gilets jaunes est un bon départ. Laisser le problème du partage des richesses et d’une meilleure égalité sociale dans les mains des « partenaires sociaux » ou des politiciens, c’est la garantie de concessions et de régression sociale.

Micka ( GLJD)