Retraités : vaches à lait du patronat et de l’Etat

Patrick Martin, le président du Medef, appelle à la suppression de l’abattement pour frais professionnels dont bénéficient les retraités dans leur déclaration de revenus : “Qu’un retraité bénéficie d’une exonération fiscale pour des frais professionnels”, “pour 4 milliards et demi d’euros par an”, c’est « contre-nature » et « aberrant ». Le président du Conseil d’orientation des retraites (COR), Gilbert Cette, se dit lui aussi dit favorable à une telle suppression. Copains comme cochons, COR et patrons.

Patrick Martin renchérit contre les retraités et demande à revenir sur le taux réduit de CSG qui s’applique sur les pensions de retraite par rapport à celui sur les salaires et les revenus du patrimoine, de 8.3 % contre 9.2 %.

Ce responsable du patronat préfère taxer les retraités plutôt que les dividendes. La ficelle est toujours aussi grosse mais parfois, plus c’est gros plus ça passe. Historiquement la question sociale n’a jamais été la priorité du patronat. Si ce dernier pouvait faire marcher à quatre pattes les travailleurs, il le ferait. Les retraités dans leur grande majorité ne perçoivent pas des retraites d’un montant mirobolant, loin de là. Le patronat ferait plutôt attention à ce qu’il propose. Il ne faut pas oublier que le retraité est un ancien salarié qui n’exerce plus un emploi contraint mais qui peut avoir de multiples activités très utiles à toute la société. Le poids des retraités est davantage dans ces activités, notamment associatives, plutôt qu’électorales. Si les retraités stoppaient leurs activités, l’Etat qui est à la ramasse sur le plan social aurait bien du mal à justifier une misère encore plus criante que celle qui se voit aujourd’hui. On avoisine les dix millions de personnes qui vivent sous le seuil de pauvreté, quand même !

Supprimer l’abattement de 10% pour les retraités pourrait donner des idées au gouvernement et être la porte d’entrée pour faire disparaître purement et simplement cet abattement de 10% pour l’ensemble des salariés. Au titre de l’égalité certainement ; on connaît la rhétorique patronale du TPMG (Tout pour ma gueule). De surcroît, quand on s’attaque aux retraités d’aujourd’hui, ce sont les retraités de demain qui sont visés par voie de conséquence. La demande du patronat et des gens friqués, c’est l’abandon progressif de la retraite par répartition pour mieux disposer de sommes capitalisées afin de spéculer. La retraite par capitalisation, c’est le souhait du patronat. Il suffit pour le salarié d’épargner en vue de sa propre retraite et non plus pour payer la pension des retraités. Exit la solidarité et la retraite par répartition. Et que de millions voire de milliards pour des fonds de pension, souvent vautours.

Le Medef manipule l’opinion et nous prend pour des billes.

Contrairement à ce qui est évoqué un peu partout dans les médias, doux relais du patronat, l’abattement de 10% dont bénéficient les retraités n’a pas grand-chose de commun avec la déduction fiscale pour frais professionnels des actifs.

Du point de vue fiscal, un abattement et une déduction n’ont pas le même statut. Ce que le président du Medef se garde bien de dire. Et les médias aussi, dans leur course au cirage de pompes.

Petit point de vocabulaire à destination de ceux qui essaient de nous entourlouper. L’abattement est appliqué de façon systématique alors que le droit à déduction laisse un choix au contribuable : il peut choisir la déduction forfaitaire de 10% ou déduire ses frais réels (frais kilométriques…), soumis à justification.

Et si le taux de réduction pratiqué sur le revenu fiscal de référence est identique, les plafonds sont différents. L’abattement est limité à 4321 euros pour un retraité, la déduction peut atteindre 14171 euros pour un actif. CQFD pour les manipulateurs du patronat.

A l’origine, en 1978, le gouvernement Barre voulait pondérer la fiscalité des retraités. L’abattement spécifique des 10 % sur les pensions et retraites était destiné à alléger la charge fiscale des contribuables titulaires de pensions, retraites ou rentes, et en particulier de ceux qui disposaient de faibles revenus ou moyens. C’était l’époque où on savait que les retraités ne roulaient pas sur l’or.

D’ailleurs aujourd’hui, 45% des retraités vivent avec moins de 1200 euros par mois. La retraite moyenne est de 1470 euros, pas très loin du Smic. Et ce sont des patrons aux profits juteux et au niveau de vie pompeux qui viennent faire la leçon aux retraités. Sans compter que ces mêmes patrons riches à millions saccagent la planète. L’empreinte carbone d’un retraité modeste est certainement bien loin de celle d’un gros patron.

D’autre part, l’abattement de 10% s’applique aussi aux pensions d’invalidité, aux pensions alimentaires, aux rentes en cas de divorce… Sa suppression pour les seuls retraités créerait, à leur détriment, une inégalité au plan fiscal, à moins que le patronat ait envie de faire un prix de gros et supprimer tout ce qui concerne l’abattement des 10% ; ça va en mettre des gens dans la misère. Salauds de pauvres ! Et le Medef ne dit rien sur les complémentaires santé. En effet, les actifs n’assument aujourd’hui qu’une partie de leur complémentaire santé, les retraités la totalité. La suppression de l’abattement entraînerait de ce point de vue une aggravation de l’inégalité entre actifs et retraités. Mais ça le patronat s’en fout. Ses priorités sont ailleurs : engranger le maximum d’avantages fiscaux et autres dégrèvements de la part de l’Etat ce qui enfle d’autant le déficit des comptes publics et ça il n’en parle pas. Sans compter que les retraités vivent plus longtemps mais pas forcément en bonne santé, d’où des RDV chez le médecin et des séjours à l’hôpital plus souvent que pour les actifs avec à la clef des frais supplémentaires.

Le Medef oublie de dire que sa proposition rendrait imposable un nombre important de retraités qui ne le sont pas aujourd’hui. Certains économistes parlent de 500 000 retraités supplémentaires qui seraient soumis à l’impôt alors que ces retraités vivotent déjà avant impôts. Mais ponctionner un peu plus la misère n’a jamais fait peur aux grands patrons. Aujourd’hui un retraité qui bénéficie d’une pension de 1500 euros ne paie pas d’impôt. Avec la proposition du Medef, il en paierait. C’est vrai que 1500 euros par mois, c’est Byzance !

Alors pour toutes ces raisons, les retraités doivent faire front et dire stop ! Les actifs aussi. Par solidarité de classe d’abord mais aussi par ce qu’ils seront les prochaines victimes du patronat quand ils seront retraités. Un coup de canif dans les retraites d’aujourd’hui, c’est un coup de canif dans les retraites de demain.

C’est tous et toutes ensemble qu’il combattre le patronat et ses propositions iniques.

Patoche (GLJD)