
Le trafic de cocaïne est récurrent depuis plus de cent ans en France et ailleurs. Les anarchistes n’ont pas attendu les politiciens d’aujourd’hui pour s’emparer du sujet. Aujourd’hui Retailleau s’enorgueillit des saisies de cocaïne : « C’est historique », 47 tonnes de cocaïne ont été saisies en France en 2024. « En dix ans, on a un décuplement de la saisine de cocaïne ». Le ministre de l’Intérieur était en visite au Havre le lundi 13 janvier 2025 suite à l’importante saisie de deux tonnes de cocaïne dans le port du Havre. Il venait vanter l’action gouvernementale car la saisie de cocaïne était de 23 tonnes en 2023 ; donc les saisies ont doublé en une année. A noter que la drogue saisie est un produit qui est très pur, et qui pourrait être multiplié par trois ou quatre.
A noter aussi que si les saisies ont doublé, la consommation de cocaïne a elle aussi doublé en un an en France. Plus d’un million de personnes en ont consommé au moins une fois en 2023, selon la dernière étude de l’Observatoire français des drogues et des tendances addictives.
Avant, la consommation de cocaïne était plus ou moins cantonnée aux métiers du spectacle, à la bourgeoisie qui pouvait se payer ce type de drogue. Aujourd’hui pour supporter des cadences très denses ou des conditions de travail très pénibles (métiers de la restauration, marins pêcheurs, ou les emplois très stressants, bref des boulots qui nécessitent performances et rentabilité… L’usage de la cocaïne s’étend à de plus en plus de métiers. Il faut tenir au travail. Et on fait des heures supplémentaires car il faut bien payer les 60 euros le gramme de cocaïne…Mais dans ce cadre, personne ne remet en cause les cadences et les conditions de travail.
La production mondiale n’a jamais été aussi élevée en Colombie, en Bolivie et au Pérou, les trois principaux pays producteurs de cocaïne, avec 2.700 tonnes de cocaïne en 2022 contre 1.134 tonnes en 2010, selon l’Office des Nations unies contre la drogue et le crime. Alors quand ces pays d’Amérique du Sud inondent les marchés américain et européen, la perte de 270 tonnes à l’année, c’est dérisoire pour les trafiquants.
Que disaient nos anciens à propos de la cocaïne ? Tout d’abord que c’était un danger comme l’indique le titre de l’article.
« Le danger de la cocaïne
Une proposition… qui ne sera pas acceptée
IL EXISTE EN FRANCE des lois sévères contre ceux qui prennent ou écoulent de la cocaïne. Et, comme d’habitude, le fléau s’étend et s’intensifie malgré les lois et peut-être à cause d’elles. Il en va ainsi, du reste, de l’Europe et de l’Amérique.
Le docteur Courtois Suffit, de l’Académie de médecine en France, qui avait déjà l’année dernière jeté un cri d’alarme contre le danger de la cocaïne, constate l’échec de la législation pénale, il demande… des lois nouvelles plus sévères.
C’est la vieille erreur des législateurs, bien que l’expérience ait toujours et invariablement démontré que jamais la loi, pour barbare qu’elle soit, n’est en mesure de supprimer un vice ou de décourager le délit.
Plus les peines infligées aux consommateurs et aux vendeurs de cocaïne seront sévères, plus l’attrait du fruit défendu et la recherche du danger encouru augmenteront chez les consommateurs, ainsi que l’appât du gain chez les spéculateurs, déjà énorme et qui sera plus important avec cette loi.
Il est donc inutile de faire confiance aux lois.
Nous proposons un autre remède.
Déclarer que l’utilisation et le commerce de la cocaïne sont libres, et ouvrir des lieux où la cocaïne serait vendue au prix coûtant ou plus bas. Ensuite, faire une vaste propagande pour expliquer aux gens les défauts de la cocaïne et le leur faire voir ; nul ne ferait une contre-propagande parce que personne ne pourrait gagner de l’argent aux dépens des cocaïnomanes.
Évidemment, cela ne ferait pas disparaître complètement l’usage nocif de la cocaïne, car les causes sociales qui créent les malheurs et poussent à l’utilisation des stupéfiants subsisteraient.
Mais, en tout cas, le mal diminuerait, parce que personne ne pourrait faire des bénéfices sur la vente de la drogue et personne ne pourrait spéculer sur la chasse aux spéculateurs.
C’est pourquoi notre proposition ne sera pas prise en considération ou sera considérée comme chimérique et folle.
Mais les gens intelligents et désintéressés pourraient se dire que si les lois pénales se sont montrées impuissantes, pourquoi ne pas essayer, ne serait-ce qu’à titre d’expérience, la méthode anarchiste ?
Umanità Nova, 10 août 1922. Articles politiques de Malatesta »
La nocivité de la cocaïne
Les effets psychiques provoqués par sa consommation donnent au consommateur une sensation d’euphorie, une facilité à communiquer avec les autres et dans le cadre sexuel, une stimulation sexuelle…Mais en contrepartie la cocaïne diminue la capacité de jugement et consommée à doses élevées, elle provoque des hallucinations, épisodes psychotiques et états d’angoisse…Sans compter l’addiction où la cocaïne est consommée de plus en plus régulièrement dans le courant de la journée.
Cela se traduit aussi par des risques somatiques (risques cardiovasculaires : troubles du rythme cardiaque, poussées d’hypertension artérielle avec risque d’accidents vasculaires cérébraux), mais aussi des risques de vasoconstriction (contraction des vaisseaux) et qui peuvent entraîner une contraction de l’artère rénale, et donc une insuffisance rénale aiguë. Dans certains cas, l’infarctus apparaît. C’est dire que la consommation de cocaïne n’est pas anodine et peut avoir des conséquences dramatiques même à faibles doses. Elle provoque de même des risques neuropsychiatriques : neuro-excitation qui peut tourner à la mégalomanie, à l’obsession au sens maniaque du terme.
Ce sont des campagnes à mettre en place pour inviter les gens à ne pas consommer de la cocaïne. Parallèlement, ce sont les conditions de travail qu’il faut revoir et les travailleurs sont les mieux à même de parler de leur travail et de trouver des solutions pour davantage d’hygiène, de sécurité et moins de stress.
Si la proposition de Malatesta était judicieuse il y a cent ans pour la cocaïne, elle est devenue obsolète aujourd’hui mais sa proposition pourrait être reprise telle quelle pour le cannabis. Cela ne dispenserait pas d’une campagne sanitaire sur les dangers du cannabis pour les adolescents par exemple. De nos jours, le narcotrafic pèse sur la vie économique, politique et sanitaire. Les narcotrafiquants sont organisés comme de vulgaires capitalistes. De surcroît ils brassent tellement d’argent qu’ils sont capables de corrompre des individus à toutes les échelles. Du politicien, du magistrat…au docker, camionneur, douanier lambda…Et depuis l’époque de Malatesta, nous sommes passés à un autre degré d’échelle et de plus nous connaissons mieux les méfaits de la cocaïne sur l’humain. Du récréatif à l’addiction, il n’y a qu’un pas. Par contre la dépénalisation du cannabis pourrait diminuer les petits trafics en tout genre, désengorger les prisons…
(A suivre) TY Wi (GLJD)