Les accidents industriels sont le terrorisme des employeurs

Lune

Les accidents industriels sont le terrorisme des employeurs

Il n’existe aucune donnée précise pour rendre compte du nombre global d’accidents mortels du travail en France. Selon l’Assurance-maladie, au moins 530 salariés du secteur privé sont décédés sur leur lieu de travail en 2017.

« Un chiffre existe : celui des accidents du travail des salariés du secteur privé, recensés par l’Assurance-maladie. Il nous apprend qu’au moins 530 personnes sont mortes sur leur lieu de travail en 2017. Et cela sans compter les 264 qui se sont tuées sur leur trajet, ou les cas de suicide, qui nécessitent souvent un passage par le tribunal pour être reconnus comme des accidents du travail. Plus de dix personnes meurent donc au travail chaque semaine en France. A bas bruit. » (15 juillet 2019. Le Monde)

Chaque jour en France, 1 700 accidents entraînent un arrêt de travail…Il suffit de consulter les quotidiens régionaux pour constater les dégâts et encore tout accident n’est pas recenser. D’autre part bon nombre de patrons maquillent  les chiffres d’accidents du travail et demandent aux salariés de ne pas se déclarer…et préfèrent payer les journées d’absence des travailleurs accidentés.

Et nous ne pouvons  oublier d’autres milliers de personnes souffrant de maladies professionnelles en raison du travail effectué sur leur lieu de travail, au fil des ans (amiante, produits toxiques dans la chimie…)

Sans compter qu’en dehors des chiffres officiels se trouve l’économie souterraine, où des milliers de travailleurs doivent bosser dans des conditions de travail déplorables: pas de contrat, pas d’assurance, ou payés au noir, etc.

 

Les travailleurs et notamment les plus pauvres sont destinés à subir les maux du travail salarié pour survivre. Nous vivons dans l’incertitude et la crainte du chômage dans une société de plus en plus individualiste et compétitive, dans laquelle les travailleurs sont atomisés, sans soutien mutuel.

En moyenne au deuxième trimestre 2019, en France métropolitaine, le nombre de personnes inscrites à Pôle emploi et tenues de rechercher un emploi (catégories A, B, C) s’établit à 5 579 500. Parmi elles, 3 377 300 personnes sont sans emploi (catégorie A) et 2 202 200 exercent une activité réduite (catégories B, C). Ce sont les chiffres officiels de Pôle emploi mais que l’on pourrait revoir à la hausse : jeunes sortis des radars, personnes découragées pour s’inscrire, travail au black… Ainsi, avec chaque réforme du travail par les employeurs et le gouvernement, souvent avalisés par les syndicats de collaboration, nous sommes amenés à accepter des conditions de travail de plus en plus précaires. Et c’est la précarité de l’emploi qui est l’une des principales causes des accidents du travail. Et ces centaines de milliers d’accidents du travail qui se produisent tout au long de l’année ont un nom: le terrorisme des employeurs.

 

On peut pointer dans la plupart des cas, l’absence de mesures de sécurité sur le lieu de travail ou un manque de formation. Pour les patrons, nous ne sommes que des pions qui permettent de faire tourner les entreprises pour le profit d’actionnaires peu éthiques ou pour eux-mêmes ; nous sommes une main-d’œuvre bon marché et que, profitant du fait que nous devons travailler pour vivre, ils nous exploitent au moindre coût.

Quant aux institutions de l’État, elles dépensent des millions d’euros pour leurs forces répressives de police, civiles ou militaires ; leur fonction n’est autre que de protéger les privilèges des hommes politiques et des hommes d’affaires.

Les accidents du travail ne sont pas des coïncidences, ils sont à l’ordre du jour même si les accidents mortels  diminuent de décennies en décennies en France. Si nous construisions des monuments aux morts dûs aux accidents du travail depuis plus d’un siècle, nous aurions bien des victimes à y inscrire (Coups de grisous dans les mines, surmortalité dans le secteur de la terrasse et du bâtiment…). Les travailleurs ne peuvent pas accepter  que ces types de situations sont normalisés afin que le parti ou la chaîne de production se poursuivent et que nous soyons traités comme de simples machines endommagées et remplacées. Les employeurs tirent parti de la désorganisation et de l’ignorance des travailleurs quant aux droits fondamentaux du travail. De plus, la peur du chômage et de l’exclusion sociale nous amène à accepter des conditions de plus en plus précaires et à ne pas réclamer de mesures de prévention des risques professionnels même si certains syndicalistes font un travail remarquable au sein des CHSCT. C’est peut-être pour cela que les règles vont changer. Au 1er janvier 2020, il n’y aura plus de CE. Or, les règles changent entre le CE et le CSE. Le CHSCT disparaît en tant qu’instance autonome. Il devient une simple commission avec des capacités d’actions limitées…  Le patronat aura encore davantage les coudées franches pour exploiter les salariés. Cette situation conduit au fait que chaque année, le nombre de centaines de milliers d’accidents du travail continue de se produire avec parfois des conséquences dramatiques : mortalité, handicap à vie… Le terrorisme de la part de l’employeur qui, par la domination de la peur, fait chaque année des centaines de milliers de personnes victimes d’un accident (en 2016 on a compté 626 227 accidents du travail en France)  ou meurt dans l’exercice de leurs fonctions (avec des cas comme AZF, des manutentionnaires, des gars du bâtiment…), malgré tous nos efforts.

Il appartient à tous les travailleurs de s’organiser avec leurs collègues, de revendiquer tous les droits en matière de sécurité et de santé au travail et de respecter notre intégrité en tant que personne et notre dignité en tant que travailleuse et travailleur. Ce n’est que par l’organisation, l’autogestion et la mobilisation que nous pourrons conquérir des améliorations de notre quotidien, subvertir la machine capitaliste et construire des organisations et des fédérations absolument libres, fondées sur le travail et l’égalité de tous, dans lesquelles le travailleur a le droit de jouir pleinement du produit de son travail.

En 2018, le monde du travail s’est avéré dangereux en France, avec 633 000 accidents sur le lieu de travail. Et face à ce constat, il ne suffit pas de vouloir intensifier les contrôles, notamment sur les chantiers, même si l’intention est louable, car les inspections du travail perdent de plus en plus leurs moyens. Le secteur du bâtiment a encore visiblement des progrès à faire en matière de sécurité. L’accident de Lubrizol, à Rouen,  vient aussi nous rappeler que les travailleurs et les habitants sont aux premières loges en cas d’incident majeur. Exxon Mobil, à Port Jérôme, nous le rappelle aussi dans une moindre mesure. Et les usines Seveso demeurent comme une épée de Damoclès au-dessus de nos têtes…Nos vies valent plus que leurs profits.

Patoche (GLJD)