La Révolution libertaire ?

La Révolution libertaire ?

Elle n’est pas forcément ouvriériste.

La croyance marxiste selon laquelle la classe ouvrière serait à elle seule capable d’assurer toutes les tâches de production et d’organisation de la société est absurde. Elle est d’ailleurs démentie par les faits dans les pays dits « socialistes ou communistes ». Trente années passées dans le milieu ouvrier m’autorisent à dire que l’atelier est un univers clos, impropre au débat d’idées, véritable étouffoir de l’émancipation intellectuelle. Le nombre de sujets réceptifs y est ridiculement faible et la majorité des ouvriers manque totalement de curiosité intellectuelle, préférant le ronron quotidien sécurisant ou se satisfaisant de slogans ou de mots d’ordre « communistes ». La sublimation du prolétariat par l’idéologie marxiste n’est en fait que manœuvre démagogique.

Que cela soit donc une bonne fois pour toutes bien compris : l’édification d’une société meilleure – c’est-à-dire harmonieuse, responsable et adulte – ne sera jamais la seule affaire d’une classe sociale, mais celle de tous. La conscience révolutionnaire n’est l’apanage ni d’une classe ni d’une idéologie ni d’un peuple.

Ce que les libertaires entendent par « révolution » est tout autre chose qu’une prétendue domination ouvriériste. Son but est d’assurer à chaque individu le maximum de liberté et de bien-être. C’est dire que s’ils critiquent le confort bourgeois, ce n’est pas par l’hostilité d’un confort souhaitable, mais par réaction contre l’état d’esprit que très souvent il engendre.

L’organisation révolutionnaire est l’un des principaux points de divergence entre les écoles marxistes et libertaires. Pour les anarchistes, il ne s’agit pas de fixer par avance, arbitrairement et rigoureusement, un plan de révolution. Ce que les révolutionnaires autoritaires entendent, eux, par « période transitoire » est pour les antiautoritaires une période de gestation qui, au lieu de suivre la révolution doit au contraire la précéder.

La transformation sociale peut s’effectuer par explosion faisant suite à un lent pourrissement des institutions et à une prise de conscience parallèle dans la population ou simplement par une lente et patiente évolution. Il faut avant tout qu’un ensemble d’événements et un concours de circonstances créent quelque part une situation révolutionnaire…à laquelle nous pouvons, cela va sans dire, donner un petit coup de pouce. Mais ne commettons pas l’imprudence de prédire en quoi consistera ce concours de circonstances. La marche de l’humanité vers l’émancipation – si l’on veut bien admettre son caractère inéluctable, fatal au sens étymologique du mot, ce qui reste à prouver – est et sera ralentie par des conflits incessants. La vie des sociétés, si complexe, où tant de sentiments et d’intérêts se combinent, s’opposent, se mêlent, se heurtent, ne pourra s’harmoniser que par un lent, très lent processus. La révolution, puisque révolution il doit y avoir, doit d’abord se faire dans les esprits. C’est à quoi nous devons nous employer. Il faut avant tout démontrer aux individus et aux groupes qui composent cette société qu’ils peuvent et doivent ne plus déléguer leurs pouvoirs mais au contraire prendre eux-mêmes leurs responsabilités. La liberté ne sera jamais due au bon vouloir ou à quelques concessions d’un pouvoir autoritaire. Etre libre , c’est d’abord être mentalement adulte, responsable et capable de discipline personnelle.

André