
« Bombardé sans répit, le Calvaire fumait comme une usine. On voyait les torpilles monter du bois des Boches, où elles ne pouvaient plus rien arracher que des lambeaux d’hommes et des cailloux. La nuit, c’était là qu’on tirait le feu d’artifice : globes rouges, étoiles blanches, chenilles vertes balancées, vision splendide des nuits de guerre. Des éclairs d’éclatement y joignaient leur fracas. Et pendant quatre jours, deux sections restaient là, guettant l’inconnu par-dessus un champ râpé, jonché de capotes bleues et de dos gris. » Roland Dorgelès, Les croix de bois.
Après la Première Guerre mondiale, les gouvernements successifs nous avaient juré que c’était la Der des Der. Mais il y eut la Seconde Guerre mondiale, puis la guerre d’Indochine et celle d’Algérie. On pensait donc être tranquille et que la guerre qui est la chose la plus horrible au monde était derrière nous, du moins en Europe.
C’était pour les naïfs. Les anarchistes ont toujours dénoncé l’armée car celle-ci était utilisée en temps de paix pour briser les grèves et le mouvement ouvrier et qu’en temps de guerre elle permettait aux hauts gradés d’envoyer au front les ouvriers et les paysans. Avec les politiciens et les planqués de l’arrière qui donnaient les bons et les mauvais points aux trouffions qui se faisaient trouer la peau sur les champs de bataille.
Aujourd’hui, le gouvernement Macron-Bayrou nous dit qu’il existe une menace russe. Celle-ci est patente pour les Etats baltes, la Moldavie, la Finlande et les anciens satellites de feu l’URSS. Penser que la Russie pourrait envahir l’Allemagne et la France quand on voit le mal qu’elle a vis-à-vis de l’Ukraine, cela relève de la fiction. Par contre la menace nucléaire est réelle et davantage à prendre au sérieux. Dire que les Etats-Unis ont lâché l’Ukraine est un euphémisme. Abandonner les Ukrainiens au sort des Russes qui sont plus nombreux et mieux armés est une question qui est loin d’être anodine pour les pacifistes que nous sommes. Alors que faire ? On ne peut sérieusement renvoyer dos à dos la Russie, pays impérialiste et envahisseur à l’Ukraine pays agressé et qui tente de sortir de l’orbite russe pour tenter l’expérience démocrate. Si nous critiquons souvent la démocratie, nous la préférons à la dictature. Au moins, nous pouvons tenir des blogs, imprimer des journaux, manifester même si c’est de plus en plus dur. Il faut parler et dénoncer pendant que l’on peut le faire. Mais rien n’est jamais acquis définitivement. Cependant nous n’en sommes pas encore au niveau de la Hongrie où des centaines de nazis peuvent défiler dans la capitale en toute impunité. La France n’est pas parfaite, loin de là, mais elle vaut beaucoup mieux que les régimes despotes. Et nous avons toujours l’espoir de faire pencher l’histoire de notre côté pour une alternative libertaire et d’améliorer les choses notamment pour les travailleurs.
Ce dont on est certain, c’est que la guerre sent l’odeur de la poudre à canon, le vomi, le pourrissement des cadavres et tous les matériaux brûlés ou qui se consument fumant avec une senteur âcre ; ça sent le soldat qui se pisse et se chie dessus, de peur. Les morts puent la mort. La vue des morts ne vous lâche plus jamais.
On se sent vide devant les squelettes calcinés de nos amis ou de nos soi-disant ennemis. La jeunesse des soldats est morte au front. La guerre, c’est l’enfer où l’on nous a appris à haïr l’autre.
Des mois de bombardements aveugles, récurrents ; des tirs de snipers, des pillages, des viols, des tortures et des exécutions sommaires. C’est aussi cela la face sombre de l’humain. Des champs ou des rues jonchées de victimes, de mourants qui râlent. Des immeubles entiers dévastés, des gravats amoncelés, des tiges de fer à béton qui pointent dans tous les sens, des maisons éventrées, des places que l’on ne reconnaît plus. Même les chiens et les chats n’ont plus droit à la vie. Les fosses communes recouvertes de chaux vive ou de béton. Voilà les décors qui serviront à toute guerre, du corps à corps, aux mines antipersonnel, c’est une explosion d’inhumanité.
Et après, on nous dit que c’est terminé, qu’il faut panser ses plaies. En réalité, on les maquille, les cicatrices restent vives pour ceux et celles qui ont été meurtries dans leur chair ou dont on a volé leur domicile avec tous ses souvenirs.
La guerre c’est l’absurde, le gâchis, la terreur, le crime. Alors pour tous les guerroyeurs, nous affirmons que la guerre n’est jamais la solution à nos problèmes. Faire souffrir, se venger, tuer n’est jamais la bonne solution.
Les vaincus sont toujours les pauvres gens des deux côtés du conflit et de la ligne de haine. Les soldats en cas de conflit armé et les civils sous occupation sont des morts-vivants victimes de la démence de l’humanité. C’est pour cela que nous sommes invariablement pacifistes, contre toute guerre.
Goulago (GLJD)