Voici un texte peu connu écrit par un anarchiste sur le verdict de l’Affaire Durand. De la dynamite!
Œil pour œil
Dent pour dent
Plus que jamais la classe ouvrière est en butte aux tracasseries de toutes sortes.
L’extension du mouvement ouvrier, le développement de la conscience du prolétariat ; sont des indices de temps meilleurs pour nous.
Nous comprenons fort bien qu’une classe qui se voit sur le point d’être dépossédée, qui voit tous les jours d’un mauvais œil, les exploités s’insurger, et cela de plus en plus nombreux, contre ses privilèges, essaye d’arrêter le flot des colères qui gronde.
Les verdicts haineux prononcés par des juges implacables, qui tels des épiciers à leur comptoir débitent leur marchandise, ne sont pas pour nous étonner, bien au contraire.
Si quelques-uns des nôtres tombent frappés dans la bataille, à nous de riposter, de montrer à nos bourreaux que cela ne nous intimide en rien et que nous ne désarmerons pas.
Déjà la grève des cheminots qui jeta la panique dans les rangs de nos maîtres fut illustrée de ci, de là, par quelques détonateurs placés en bon endroit.
La dynamite fit entendre sa grande voix vengeresse, celle qui traduit, mieux que les discours, la colère, la haine, les révoltes des déshérités de ce monde.
Et la frousse a repris les bourgeois apeurés. Il faut sévir hurlait la presse servile, par les maquereaux de la plume au service du capital.
Les lois scélérates ne suffisent donc pas ?
Les anarchistes ne doivent pas l’oublier, ils ont un rôle social à remplir. A eux de montrer au peuple, toujours et quand même, qu’il n’a rien à attendre des politiciens, qu’ils ne doit avoir confiance qu’en lui-même et que c’est au nom de la loi qu’on l’assassine, qu’on l’emprisonne.
Lorsqu’un verdict aussi implacable que celui qui a frappé Durand n’a eu comme réponse que des manifestes ou des discours de meeting, vraiment il est à se demander s’il y a encore des révolutionnaires ou ceux qui se targuent de l’être ne sont pas que des bluffeurs.
Comme, pour complicité morale, pour une rixe de poivrots, des hommes, des militants sont condamnés les uns aux bagnes et un à l’échafaud. La seule vengeance c’est des discours. Ah, certes, on peut le dire, les révolutionnaires d’aujourd’hui semblent ignorer les gestes de leurs ancêtres.
Rappelons-nous donc une bonne doit pour toute que nous sommes les fils des « sans culottes » de 1789, les enfants des révolutionnaires de 1830 et 48, les descendants des héroïques qui en 1871 se firent tuer au Père Lachaise, et enfin les héritiers direct de ceux qui en 94 montèrent courageusement à l’échafaud, martyrs d’une noble cause.
Souvenons-nous de cela, rappelons-nous que les temps héroïques ne doivent pas disparaître.
Que si la dynamite a parlé hier, elle doit parler demain, qu’elle devrait parler le temps qu’il y aura sur terre un anarchiste.
Que le triste sire qui nous gouverne sache que lorsque Carnot fit son voyage à Lyon on avait arrêté tous les gens suspects mais qu’on en avait oublié un ; celui qui fit le geste de salubrité. Qu’il se rappelle de ces faits, qu’il les médite.
Qu’ils sachent bien nos dirigeants, nos bourgeois, que, tant qu’il y aura d’une part des exploités, des crève-de-faim et d’autre part des repus, des parasites, dame dynamite fera des discours.
Que tant que leur machine à condamner fonctionnera pour envoyer les nôtres au bagne, ou à la guillotine pour avoir osé crier la vérité, que l’État patron et la haute banque, les compagnies affameront, en les jetant sur le pavé ceux qui osent se dresser contre leur rapacité et leur tyrannie, dame dynamite parlera.
Et plus ça ira, plus elle parlera fort.
Allons, montrons que nous ne sommes pas morts et que nous voulons nous défendre.
Hardi ! Que notre réveil épouvante bourgeois et dirigeants, frappons fort et juste. Œil pour œil, dent pour dent. C’est à ce seul prix que nous pourrons vaincre.
H. CHRISTIAN