Il faut rompre avec le sentiment d'auto-soumission

Vieux port

La marchandisation du bien-être social est l’une des dernières phases de l’expansion continue du capitalisme. Après avoir absorbé toute la nouvelle valeur de l’agriculture-élevage, industries, numérique, services privés, logement, et même argent par la dette, les capitalistes n’ont plus qu’à continuer à accumuler du nouveau capital en prenant le contrôle des biens communs, de l’éducation et du système de protection sociale, des choses apparemment non rentables, mais grâce à la pression et l’orientation de l’État, elles deviennent facilement gérer comme une entreprise. On le constate tous les jours avec la gestion technocratique de l’hôpital par exemple. On ferme des lits pour rentabiliser « un service public ». On mutualise les compétences…c’est la novlangue du service public.

Le système étatique de Santé et de Protection sociale confirme jour après jour, cette dynamique générale, l’ouverture de services entiers aux entreprises (externalisation de certaines prestations comme le ménage) ou cadres spécialisés est une constante depuis les années 1990 ; d’abord les secteurs les plus rentables ont été privatisés. De même l’Etat a favorisé l’école privée jusque dans la récente obligation scolaire dès trois ans en maternelle, ce qui oblige les communes à financer l’école privée, ce qui était réservée uniquement auparavant à l’école publique. A Paris, 40% des lycées sont privés. L’école publique se fait grignoter petit à petit. La phase suivante a consisté à externaliser des services spécifiques ; c’est-à-dire que nous payons tous et quelques-uns empochent de l’argent sur le dos de la collectivité ; la phase actuelle est la marque de fabrique de l’idéologie ultra-libérale : la dégradation des avantages sociaux -services sanitaires pour les usagers, afin d’obtenir une migration vers les services privés pour ceux qui peuvent se le permettre, pour le reste, la constante est l’instabilité et l’insuffisance. Évidemment les travailleurs des différents secteurs concernés subissent aussi les conséquences de cette dégradation. Sur le plan des conditions de travail et en termes de perte de pouvoir d’achat, les rémunérations ne suivent plus, notamment quand le point d’indice est bloqué depuis des années dans la Fonction publique. Même s’il est envisagé de l’augmenter bientôt, élections présidentielles obligent…

Dans le cas de la solidarité intergénérationnelle envers les personnes âgées et dépendantes, l’État a délégué son manque d’ambition à des groupes privés dont on constate souvent la primauté du rendement sur la qualité de vie en Ehpad (Établissement d’hébergement pour personnes âgées dépendantes) par exemple. Les récents scandales en attestent (Orpéa, Korian…). Grâce à la précarité constante de ses travailleurs, aux bas salaires et aux charges de travail élevées; c’est la formule pour pouvoir profiter d’une gestion peu contrôlée. Des cadres spécialisés déclarés à but non lucratif bénéficient également de l’exploitation de la main-d’œuvre du secteur, car ils doivent maintenir des structures très similaires à celles des entreprises, des postes de direction, des remboursements financiers, des sous-traitances médicales, etc. Il n’y a pas de grande différence de conditions et de service entre des entités officiellement déclarées à but non lucratif et à but lucratif. Sans compter les économies que l’on fait sur la nourriture, les couches…Il n’y a pas de petits profits.

L’État n’est pas seulement un complice nécessaire, il est aussi un bénéficiaire, dans les quelques résidences avec une forme de gestion publique directe, par exemple, les conditions et les salaires précaires qui marquent les conventions collectives sont appliquées. Les accords conclus par les employeurs et les syndicats sont peu favorables aux salariés puisque la force de la négociation ouvrière se perd dans ce secteur, en partie, du fait d’une autolimitation du recours à la grève dans les soins professionnalisés, une autolimitation liée à la partie la plus humaine des personnes, la solidarité, qui laisse un sentiment de responsabilité face à l’impuissance des personnes dépendantes. Ce fait humain est exploité par les employeurs privés et l’État, faisant de ce secteur l’un des plus précaires et stressants, même quand il est l’un des plus nécessaires, dans le présent et le sera encore davantage à l’avenir. Sans surprise, la catastrophe sur le plan humain s’est produite face à la pandémie de Covid-19 ; l’État et le patronat en sont directement responsables, mais aussi les syndicats dits représentatifs ou sectoriels, qui agissent comme un frein aux élans horizontaux de la lutte quand elle essaie de se développer.

La grève est l’outil fondamental de la lutte ouvrière dans tous les secteurs, et avec elle on peut non seulement changer les conditions de travail, mais aussi les modèles de production eux-mêmes. Pour changer des systèmes entiers, il faut rompre avec le sentiment d’auto-soumission imposée dans les soins lors des combats, parce que la grève d’aujourd’hui est la qualité de demain, peut-être qu’aujourd’hui nous ne pleurerions pas autant de morts si nous nous étions arrêtés hier en remettant en cause toutes les fermetures de lits, de services… parce que laisser la solidarité entre les mains des capitalistes et des technocrates crée des désastres. La solidarité est notre arme : salariés et patients.

Il faut se battre pour des conditions de travail décentes, avec des charges de travail adéquates, avec des salaires justes et rémunérateurs. Il faut se battre aujourd’hui pour avoir un financement du secteur public qui soit à la hauteur des enjeux de société, adéquat pour le présent et l’avenir des besoins qui iront en grandissant au regard du vieillissement de la population. Et que ce financement ne soit pas maîtrisé par des sociétés privées spécialisées ou des gestionnaires, mais plutôt par l’ensemble d’un service public autogéré par les travailleurs et les familles, pour que demain nous puissions transformer un service, un système de « parking pour personnes âgées », en véritable solidarité intergénérationnelle.

Contre le capital, notre arme c’est l’entraide et l’action directe.

Aujourd’hui, alors que l’on nous impose la propagande de caserne du patriotisme militaire, il est important de le souligner : le véritable patriotisme ne consiste pas à satisfaire les autorités de l’État et à cautionner tout ce qu’elles font, mais à s’efforcer d’affirmer dans son pays les principes de justice, d’humanisme et de paix pour tous et toutes.

Ti wi (GLJD)

PS : Nous reviendrons ultérieurement sur la période de non-vie qui existe juste avant la mort, un sujet peu abordé par les libertaires mais qui mérite réflexion.