Le syndicalisme est par essence révolutionnaire
L’actuel secrétaire confédéral de la CGT commet une erreur de taille en indiquant que le syndicalisme est par essence réformiste. C’est très certainement la voie qu’il compte faire prendre à sa centrale syndicale mais le camarade méconnaît l’histoire du syndicalisme.
La Charte d’Amiens considérée comme une constitution morale de la classe ouvrière organisée traduit d’une part une volonté d’indépendance syndicale « en dehors de toute école politique » et d’autre part un projet d’émancipation intégrale subordonné à l’expropriation capitaliste via la grève générale prévue comme moyen d’action. Le syndicat dans son rôle de double besogne est effectivement réformiste au quotidien pour tout ce qui relève des augmentations de salaires, de l’amélioration des conditions de travail, de sécurité…mais il est révolutionnaire dans le temps long en tant que futur « groupement de production et de répartition ».
Si Monsieur Martinez, malgré son appartenance au Parti Communiste, se réclame aujourd’hui de l’indépendance syndicale, ce qui est nouveau dans sa sphère politique à moins que ce ne soit que pure stratégie pour mieux tromper le syndicaliste lambda, il en oublie le complémentaire de l’œuvre revendicatrice quotidienne à savoir la perspective d’une réorganisation sociale radicale en dehors des partis. Le secrétaire de la CGT semble faire l’impasse sur l’avenir, sur le projet à long terme du syndicalisme.
Dès les débuts du syndicalisme, les ouvriers se sont ralliés à l’action directe et à la grève générale pour cheminer vers une émancipation due à l’action des travailleurs eux-mêmes.
Les syndicalistes à l’instar des libertaires privilégiaient « le terrain économique », seul capable d’apporter des améliorations plus palpables que celles obtenues par la loi qui d’ailleurs entérinait un état d’esprit qui avait déjà gagné.
La gauche française est en déroute. Le grand mensonge des pays de l’Est, modèle qui a structuré durant quelques décennies des pans entiers du mouvement ouvrier, le suffrage universel qui a intégré le parti socialiste au capitalisme débridé, tout cela permet de rebattre les cartes de l’alternative à opposer aux systèmes politique et économique.
La capacité politique des classes ouvrières du début du XXème siècle était aux antipodes des pratiques institutionnelles de la culture républicaine. La Charte d’Amiens représentait une alternative aux socialistes parlementaires embourbés et subordonnés à une politique instituée en vue d’obtenir le pouvoir.
Si la défense des travailleurs au jour le jour est l’un des aspects du combat syndical, son pendant pour une alternative future ne doit pas être écartée.
En 2015, la représentation politique est en crise profonde : défiance vis-à-vis de tous les politiciens, corruption à tous les étages, promesses non tenues, planète écologiquement en danger…Il serait bon que Philippe Martinez se souvienne des années originelles du syndicalisme de transformation sociale.
Groupe libertaire Jules Durand