
L’écologie dite politique (nous dirions politicienne) avec ses propositions « crédibles », ses plateformes et son électoralisme, tient le devant de la scène. Aujourd’hui, Marine Tondelier est même devenue la papesse de l’unité à gauche. Le mot écologie, en se perdant dans les méandres du pouvoir, a perdu finalement une grande partie de son intérêt. Les ténors étonnés de la démobilisation des troupes électorales ne sont-ils pas tout simplement dépassés par une réalité qui se vit ailleurs et autrement ?
La grande désillusion de 1968 avait laissé la place à un énorme bouillonnement de luttes qui s’interpénétraient et se complétaient au gré des humeurs et des sensibilités : antinucléaire, santé, femmes, régions, technologies douces, antimilitarisme, Tiers-monde etc. L’anarchisme reprenait de même des couleurs. Mais de nouveau, les énergies écologistes s’épuisaient au profit d’une possible gauche au pouvoir. Ce qui adviendra en Mai 1981 avec Mitterrand et plus récemment avec François Hollande, pour les résultats que l’on connaît. Le discrédit.
La déception a été à la hauteur du mythe, d’autant qu’il y avait parfois de la mauvaise conscience dans ce reniement. Les écologistes électoralistes n’avaient pas pris le courage, ni le temps de s’interroger sur les motivations du militantisme écologiste dans sa diversité. Les lendemains qui chantent ont tenu lieu de mantra.
Se nourrir d’espoir, c’est vivre et ça fait plaisir. Et c’est vrai que pour les anarchistes, le plaisir est consubstantiel du militantisme. Si vous dites aux gens, rejoignez-nous ! Pour quel programme ? Notre programme, c’est de militer pour s’emmerder. Dans ces conditions, on ne va pas attirer grand monde. L’étude du comportement dans les organismes vivants nous apprend que la recherche d’un équilibre passe par la récompense et le plaisir et que ça reste toujours la finalité de ces organismes. Nous recherchons une gratification, n’ayons pas peur de nos plaisirs terrestres.
Lorsque nous cherchons une certaine efficacité, nous avons tendance à nous spécialiser dans certaines tâches, dans certains types d’informations sans avoir conscience de ce que cette spécialisation peut induire comme inconvénients. Car plus nous voulons être « efficaces », plus nous acceptons des notions comme hiérarchie, organisation, contraintes techniques et financières, compétence, etc. Le pouvoir réapparaît là où nous pensions l’avoir expurgé.
Dans un système biologique ou physique (molécule, cellule, organisme, espèce, écosystème…) n’intervient aucun pouvoir entre chaque niveau d’organisation. Chaque structure s’associe à une autre pour fonctionner avec elle et fait en sorte que l’ensemble réagisse au mieux par rapport à l’environnement. Et pour que chaque niveau d’organisation puisse s’intégrer à l’ensemble, en comprendre la finalité, il faut que l’information circule continuellement entre chaque élément. Henri Laborit a expliqué clairement cette notion « d’information généralisée » dans son livre « Société informationnelle, idées sur l’autogestion ».
La critique d’une société hypercentralisée et hyperspécialisée ne peut-elle pas, quoique à un degré très différent évidemment, s’appliquer à nos propres structures de contrepouvoirs ? Il semble que dans nos démarches d’informations alternatives, nous n’ayons pas quitté le système d’information généralisée, source de conflits. Le verrou du pouvoir est encore, pour longtemps peut-être, à faire sauter.
Parler au nom des exploités, des « victimes », de ceux qui souffrent, c’est prendre un pouvoir, celui de l’information. Et revendiquer un pouvoir pour ceux et celles qui ne l’ont pas ou ne peuvent l’exercer nous fait immanquablement tomber dans le piège grossier du paradis obligatoire, comme nous en avons une illustration dans les pays illibéraux et totalitaires. Car, le pouvoir, il n’est peut-être pas indispensable de le revendiquer, si on peut le supprimer. Et pour le supprimer, il faut le diluer dans tous les interstices visibles, le faire passer dans toutes les brèches possibles, offrir le sien dans une Nuit du 4 août à refaire. « La liberté d’autrui étend la mienne à l’infini » disait Bakounine. Et cela ne signifie nullement une démission devant les injustices, car ce que l’on ne veut pas faire soi-même, rien ne nous oblige à le supporter des autres.
Concrètement, comment appliquer une telle démarche ? D’autres pourront rétorquer que la multiplicité des moyens d’information actuels est déjà une dilution du pouvoir, une tentation de réseau. C’est vrai que les réseaux sociaux sont multiples mais on y trouve parfois le pire.
On ne peut accuser le « mouvement écologique » de dogmatisme tant il est varié aujourd’hui, tant il est divers dans ses formes et dans ses innovations (ZAD, alternatives diverses etc.). Mais nous restons critiques de l’écologie électoraliste, souvent supplétive de la gauche de gouvernement. Ne voit-on pas de même les écologistes allemands renier leurs convictions pacifistes etc.
Un peu partout, à l’état de germe, d’embryon, couvent des réseaux de vie différente qui subsisteront toujours malgré toutes les lois et toutes les polices. A chacun(e) de les chercher, de leur donner vie, de les aider à grandir.
En attendant, le combat écologique doit non seulement continuer mais s’intensifier ; la France est championne d’Europe pour l’utilisation de pesticides. Nous sommes tous empoisonnés à des degrés divers selon nos lieux d’habitations mais personne n’est à l’abri, personne n’est épargné et les cancers vont devenir de plus en plus nombreux.
Une équipe de chercheurs du laboratoire de météorologie physique de l’université de Clermont-Ferrand, installée au sommet du Puy de Dôme, à 1500 m d’altitude, pour y pomper et analyser l’air ambiant a fait la découverte suivante : entre 6 et 140 tonnes de pesticides sont en suspension chaque jour dans les nuages qui survolent notre pays. Et naturellement, une partie retombe avec la pluie, parfois loin de l’endroit où des pesticides ont été pulvérisés. La terre et les sols sont contaminés ; la pluie lessive alors ces dangereux polluants puis arrose, entre autres, nos jardins, les zones naturelles et les terres agricoles en bio etc. Certains de ces pesticides/poisons sont interdits en France. Et la FNSEA appelle à manifester contre les normes qui diminuent leurs profits ! Il est temps de cesser d’appuyer leurs revendications et de les mettre face à leurs responsabilités. L’opinion publique doit condamnée les pratiques de l’agrobusiness.
Au sommet du Puy de Dôme, les scientifiques ont ainsi trouvé et mesuré la concentration de 32 pesticides dans l’eau des nuages, y compris des pesticides interdits en France « provenant en grande partie d’un transport régional à longue distance ».
Les pollueurs atmosphériques comptent sur le vent pour « nettoyer » l’atmosphère locale, comme cela ni vu ni connu. Lâches et cyniques, tels sont les pollueurs. Lâches et cyniques, tels sont les politiciens qui les soutiennent.
Goulago (GLJD)