L’Etat favorise les plus méchants et les plus intrigants

La lutte des classes est une mêlée complexe, un fourmillement d’intérêts, d’égoïsme et de vanités de groupes. Il se forme dans cette mêlée quelques grands courants mobiles et instables analogues à ceux qu’on voit parfois se former à travers les remous et le ressac d’une mer agitée. Ces grands courants sont les partis politiques.

Il est inutile de dire qu’aborder la question politique c’est entrer sur celui de tous les domaines sociaux où l’Esprit grégaire triomphe avec la plus plate et la plus sereine insolence. C’est ici le royaume par excellence du mensonge de groupe, de la duperie mutuelle, de l’illusionnisme social.

Toute la vie politique est un perpétuel psittacisme. On sait comment à la seule véritable question qui se trouve en cause : lequel des clans bourgeois détiendra l’influence, le pouvoir et les places ? – les politiciens substituent toutes sortes de questions trompe-l’œil sur quoi s’exaspère la bêtise de l’électeur et où viennent prendre racine des passions aussi féroces que celles qui ensanglantent l’île de Gulliver à propos de la question de savoir si l’on doit manger les œufs à la coque par le gros ou le petit bout.

On sait la vanité des dénominations des partis. Leurs formules politiques ont juste autant d’importance que les formulettes que chantent en alternant les rondes de petites filles.

L’Etat n’est que la classe qui a réussi à obtenir l’hégémonie. Qu’on soit en monarchie ou en démocratie, peu importe. C’est toujours une oligarchie qui est maîtresse. Parler d’une démocratie véritable, c’est parler d’une sphère carrée, d’un bâton sans bout. « Il n’a jamais existé de démocratie véritable, dit Proudhon, et il n’en existera jamais. »

« Ce qu’on appelle le gouvernement, dit encore Proudhon, est une recette au moyen de laquelle, en l’absence même de toute royauté, aristocratie, sacerdoce, on peut toujours faire servir la collectivité du peuple au parasitisme de la minorité et à l’oppression du grand nombre. »

Tout pouvoir est une conspiration permanente contre le réveil possible des classes non dirigeantes. Et le Droit étatiste, comme l’a montré Anton Menger, n’est que l’expression des rapports légaux les plus propres à maintenir le parasitisme des dirigeants.

Il serait donc naïf de s’illusionner sur le compte de l’Etat, cette Papauté nouvelle. On connaît l’amusante théorie de Hegel sur l’Etat. Cet idéologue voyait dans l’Etat une personnification de la Loi morale, de la Divinité elle-même. Cet optimisme étatique a fait son temps. Schopenhauer a dit là-dessus le mot vrai : « L’Etat et le Royaume de Dieu sont choses si différentes, que le premier est une parodie du second, une ironie négatrice de la justice ». Et Proudhon formulant l’essence de tout Etat, dit non moins justement : «  Il est de l’essence de l’Etat, comme de toute réunion d’hommes, de favoriser les plus méchants et les plus intrigants. »

Toute doctrine politique, si généreuse qu’elle soit dans l’apparence et même dans l’intention, du jour où elle arrive au pouvoir, où elle se convertit en système de gouvernement se convertit par là même en système de mensonge. […]

Qui a écrit ces lignes ? Nous offrons un livre « L’Affaire Durand » aux Editions Noir et Rouge pour les trois premiers lecteurs qui nous répondront en trouvant la réponse juste.