Se méfier de tous les politiciens

En ce qui concerne l’appel du 10 septembre « Bloquons tout » ou « Indignons-nous », les appels syndicaux à soutenir ce mouvement ne sont pas sans arrière-pensée. Avec l’appel intersyndical à faire grève le 18, en fait les directions syndicales essaient de se démarquer de la mobilisation du 10. Les propositions pour le 10 fusent. Certains appellent à ne pas consommer, ne pas utiliser la carte bancaire, d’autres à tracter sur les ronds-points, d’autres encore voudraient bloquer les dépôts pétroliers, les centrales d’achat, les zones commerciales etc . Les initiatives seront diverses et variées. Dans ce cadre très décentralisé, les directions syndicales n’admettent pas qu’une mobilisation naisse en dehors d’elles et surtout que des travailleurs puissent s’auto-organiser et agir en dehors de leur contrôle. Les directions syndicales veulent négocier, être reconnues par l’Etat et continuer à être subventionnées. Quand d’autres travailleurs s’autonomisent et désirent l’autogestion, c’est-à-dire qu’ils marchent sur les plates-bandes des permanents, ça a du mal à passer auprès de ces derniers. On les a déjà vus lors du mouvement des gilets jaunes.

Avec Bayrou qui s’apprête à sauter pour mieux rebondir politiquement ultérieurement, les syndicats commencent tout juste à préparer les travailleurs à riposter contre les mesures austéritaires du gouvernement, certainement pour une journée saute-mouton. Mais Attal, Barnier, Bayrou et le suivant, ce sera kif-kif.

Les travailleurs combatifs rêvent de mobiliser le 10 septembre et de maintenir la pression jusqu’au 18 septembre, jours où la grève pourrait être bien suivie, pour ainsi s’engager sur le plus long terme car les gens sont en colère. Mais nous maintenons que les permanents syndicaux sont réticents aux mouvements spontanés et aux initiatives qui leur échappent. Les permanents sont plus enclins à discuter et trouver des compromis avec les gouvernants et les patrons. Tout cela en notre nom. Les anarchistes se sont toujours méfiés de tous temps des dirigeants syndicaux, payés non avec les cotisations des adhérents mais bien souvent avec les subventions étatiques. Jusqu’à présent ces professionnels du syndicalisme, tout comme les professionnels de la politique, ne nous ont proposé que des voies de garage, des bifurcations temporaires mais jamais de proposer la gestion directe des entreprises. Les libertaires sont contre la délégation de pouvoir et prétendent que pour aboutir dans nos revendications il faut se prendre en main et faire nos affaires nous-mêmes. C’est aux travailleurs de choisir leurs moyens de s’organiser, de lutter et d’arracher des victoires. Alors la perspective d’un autre mouvement social, avec des éléments de radicalisation en dehors du contrôle des bureaucraties syndicales commence à inquiéter le patronat et l’Etat, nos ennemis. Si le mouvement social prend, il est possible qu’une dynamique s’enclenche et vienne rompre avec la défaite de 2023 pour les retraites.

Avec une situation de blocage à l’Assemblée nationale et la difficulté de gouverner qui en résulte, de plus en plus de patrons commencent à réfléchir à la voie R.N.

Nous l’avons toujours dit, à partir du moment où le patronat se sent en danger, il peut faire appel à l‘extrême-droite. S’il pense que la gauche et la droite ne peuvent plus faire le job, il ne s’en privera pas. Et à partir de là, si ce choix est effectué, des pans entiers de la société suivront. L’extrême droite a toujours eu en Europe la volonté d’offrir aux gouvernements en place une voie permettant de canaliser l’aspiration des classes populaires et leurs velléités de changement. Le R.N. pour l’instant entend continuer à se « normaliser » au sein de la société et auprès du grand patronat pour s’attirer ses bonnes grâces. Parallèlement, ce parti se positionne dans l’opposition face à un gouvernement impopulaire depuis l’annonce de ses mesures antisociales. Son électorat, notamment dans le Nord et l’Est est très largement acquis à la censure. Le RN tente de surfer en se présentant, devant le Medef et dans les médias, comme le parti de la « stabilité », contre la chienlit. De surcroît, des gens comme Sarkozy adoubent Marine Le Pen et Bardella.

Le prochain premier ministre devra faire face aux défis de la militarisation et de la guerre commerciale initiée par Trump et suivi par la Chine et ses alliés.

Pour notre camp social, nous avons deux écueils à éviter. D’une part, ne pas tomber dans le piège électoral qui se profile. Les perspectives de changement dans le cadre de futures élections, législatives ou présidentielles, ne sont qu’illusions et fictions. C’est dans la rue que ça se passe et c’est par un rapport de force qu’il est possible d’arracher des acquis sur nos revendications.

D’autre part, nous voyons les Insoumis et les Trotskystes jouer la même partition, celle de l’imbrication du politique et du syndical. En clair, exit la Charte d’Amiens, et il serait de bon ton que le syndicalisme se mette au service des partis politiques en vogue. Pour leur servir d’ascenseur.

Si nous sommes très critiques du syndicalisme, aujourd’hui comme hier d’ailleurs, nous n’entendons pas soumettre le syndicalisme aux diktats des partis. Le syndicalisme doit rester un outil indépendant de tout parti politique afin de rassembler le maximum de travailleurs sur des bases de classes.

Ty Wi (GLJD)