La rébellion est un devoir éthique

La rébellion est juste. Aujourd’hui, la rébellion est un devoir éthique. C’est ce que font les étudiants serbes, les masses turques et géorgiennes, les opposants israéliens au gouvernement Netanyahou, de nombreux citoyens américains contre la politique trumpiste, quelques courageux habitants de Gaza, des femmes en Iran et au Maroc, ainsi que bien d’autres personnes à travers le monde, mais aussi dans notre réalité européenne, dans des contextes géographiques, culturels et politiques différents : des hommes et des femmes qui se rebellent, questionnent notre présent et nous poussent à imaginer un avenir différent. En France, c’est le « Bloquons tout le 10 septembre » qui s’active. Avec certes des partis de gauche qui veulent récupérer une mobilisation citoyenne, une CGT qui ne veut pas être accusée d’être à la traîne et de manquer le coche…Dans les colonnes du Libertaire, nous avons choisi de valoriser les aspects actifs et positifs qui mettent en lumière les expériences libertaires actuelles, l’effort pour découvrir et questionner toutes ces réalités spontanées ou pas, antiautoritaires et mutualistes qui préfigurent une autre façon d’interagir socialement par l’exemple. Nous n’oublions pas, nous ne négligeons pas cependant l’importance et l’option stratégique de la révolte libertaire, individuelle et collective, la rupture avec l’imaginaire dominant, la volonté de s’opposer non seulement à la résilience, mais aussi la résistance à une dérive autoritaire et dangereusement totalitaire de la politique contemporaine avec une extrême-droite qui s’agite en Europe. En France, ce sont les mesures austéritaires de Bayrou qui déroule le tapis rouge au R.N. qui veut se présenter comme un parti responsable et entend ne pas « bordéliser le pays » contrairement aux mouvements sociaux en cours. Il faudra éviter que le piège ne se referme sur nous.

La beauté et l’énergie créatrice des rébellions spontanées représentent pour nous la valeur ajoutée qui illumine et nourrit l’espoir d’un autre futur. Mais tout cela ne doit pas nous tromper ni nous inciter à chercher des raccourcis qui, presque toujours, ont généré de nouveaux pouvoirs et de nouvelles inégalités, une fois consolidés dans des systèmes autoritaires. N’oublions pas la profonde signification de la prophétie d’Étienne de La Boétie, qui, au XVIème siècle, nous mettait en garde contre le véritable spectre de la « servitude volontaire ». Aujourd’hui, à une époque où nous assistons à une recherche frénétique et irrationnelle de nouveaux dirigeants, de nouveaux hommes (ou femmes) responsables, de nouveaux saints et de nouveaux gourous et tribuns, nous devons y opposer une vision large et ouverte qui redonne aux hommes et aux femmes  l’extraordinaire pouvoir des rêves, la possibilité concrète de vivre nos relations humaines selon des pratiques de solidarité, d’entraide, de respect, d’autonomie, de liberté et d’amour.

Sans « vision », le pragmatisme nécessaire et indispensable se traduit par la pauvreté et la pratique de l’évidence, générant et alimentant une politique de slogans et de mesquineries typiques de nos dirigeants sordides. Mais cet espoir n’est ni une illusion, ni une évasion mystique de la dure réalité, mais plutôt une conscience qui nous fait prendre conscience qu’une société totalement totalitaire ne peut exister. Au contraire, au sein de ces formes d’agrégation humaine, persistent des espaces, des interstices et des moments où la liberté et la tyrannie se présentent de manière irréductible et destructrice. Et c’est ce qui donne sens à nos actions en faveur de la liberté, qui doit être élargie, mais aussi défendue sous toutes ses formes, aussi incomplètes soient-elles, contre la menace d’une domination envahissante.

Nous avons la chance – oui, car c’est le hasard qui nous a conduits dans cette partie du monde – de vivre dans une zone géographique comme l’Europe, et nous devons en être conscients. Mais cela n’a que peu à voir, en perspective, avec notre idée d’habiter un territoire sans en devenir propriétaire. Nous devons toujours nous considérer comme des « étrangers résidents » et relancer une idée, même de l’Europe, distincte de celle, officielle et institutionnelle, d’une nouvelle superpuissance parmi d’autres. La solution réside dans le fédéralisme libertaire c’est-à-dire intégral, qui redonne au processus décisionnel sa centralité aux niveaux les plus bas possibles, qui envisage la division plutôt que la fusion, une pluralité de sociétés plutôt qu’une société de masse unifiée, un fédéralisme intégral incluant la gestion partagée des biens communs, des formes avancées de mutualisme, des relations de soutien mutuel, la valorisation de la diversité, et bien plus encore.

Dans le contexte actuel, grâce à notre modeste contribution, nous continuons d’offrir à nos lecteurs – une source constante d’inspiration pour une vie pleine et libre – des réflexions, des perspectives, des conversations et des articles qui s’inscrivent dans ce chemin difficile, risqué, mais libre. Nous manquons de contributions et de réflexions approfondies sur de nombreux sujets, et nous sommes donc toujours à la recherche de nouveaux contributeurs capables de mettre leur sensibilité et leur expérience au service d’une cause commune libertaire.

Tout cela en conservant une orientation obstinée et  réaliste, mais aussi, et surtout, utile pour nourrir le rêve et l’espoir d’un changement réel et profond dans nos cœurs et nos esprits. Une réappropriation de l’humanisme libertaire en quelque sorte.