L’anarchisme défend une organisation sociale anti-autoritaire et autogérée

Inondations

L’anarchie ne signifie pas chaos ou absence d’ordre, c’est même le contraire : l’anarchie est la plus haute expression de l’ordre. Si l’ordre, c’est la guerre, la famine, l’exploitation des travailleurs, la mise à sac de la planète…, nous préférons le désordre que l’on nous attribue. L’anarchisme défend une organisation sociale anti-autoritaire et autogérée, vise l’émancipation de tous les êtres humains, lutte contre toutes les formes d’oppression, d’exploitation et d’autorité imposée, cherche à promouvoir la liberté (absence de domination), l’équité (absence de privilèges) et l’entraide (mutualité). Les anarchistes se réfèrent à une éthique libertaire, celle définie par Kropotkine.

L’une des principales priorités du présent doit consister à travailler activement à la construction,  d’une société alternative dans laquelle les principes – autogestion, démocratie et action directe, soutien mutuel – se reflètent pour guider notre action. Il est vrai que cette perspective a suscité des critiques qui ont parfois souligné le risque que les initiatives correspondantes soient absorbées par le système et d’autres ont attiré l’attention sur l’horizon de réduire l’attention qui mérite une plus grande tâche comme abolir la forme définitive de l’ordre existant.

Cependant  la proposition d’une société alternative construite à partir du présent a bénéficié d’un franc soutien dans le mouvement anarchiste. Ce dernier a développé dès l’origine, des grèves, publié des journaux, magazines et des livres, ou appelé des manifestations et des rassemblements, mais finalement la chose la plus intéressante que nous pouvions faire était de transférer matériellement ce que nous avions dans la tête à la réalité économique et sociale. Ou ce qui revient au même : démontrer qu’il était possible d’esquisser un monde nouveau qui certifierait qu’il y a des horizons différents de ceux promus par la misère du capital.

Nous souhaitons  sortir de toute urgence du capitalisme et à cet égard, ce qui est à notre portée, c’est d’ouvrir des espaces  autogérés et alternatifs.

Plusieurs expériences se sont déroulées en Espagne avec la constitution d’athénées libertaires sans compter l’expérience de la collectivisation de 1936. Derrière elle, se trouvaient dans certains cas les théories prônées lors du Congrès de Saragosse mais aussi des théoriciens de l’anarchisme: Bakounine, Malatesta, Reclus…, de Gustav Landauer, un anarchiste allemand assassiné en 1919. Pour Landauer, par exemple, il s’agissait de faire disparaître l’État et de créer une société alternative éclose d’en bas.

L’idée de Landauer a eu de nombreuses répercussions dans le monde libertaire. Paul Goodman affirmait à l’époque qu’une société libérée « ne peut résulter du remplacement de l’ancien ordre par un nouveau. Il s’agit plutôt d’étendre le champ de l’action libre jusqu’à ce qu’elle constitue la majeure partie de notre vie en société ». Bref, il faut libérer le commun de la tutelle de l’Etat et partir du présent.

La construction d’une société alternative doit nécessairement rassembler les travailleurs, les salariés, les gens du commun. Aucun projet émancipateur ne peut reposer exclusivement sur les pratiques souvent en boucle d’activistes hyper-conscients issus de mouvements sociaux critiques. Sans compter le risque du parti qui éclaire les masses et dont nous avons pu constater les dégâts en URSS ou en Chine. Et si, dans ce domaine, quelqu’un s’inquiète de la retenue éventuelle que les gens ordinaires peuvent imposer à ces pratiques, nous constatons de même qu’il existe de nombreux processus révolutionnaires dans lesquels les avant-gardes ont été dépassées par les gens du commun. Bien que la portée de l’exemple soit limitée, il ne fait pas de mal de se le rappeler.

Les projets alternatifs (ZAD, coop…) offrent un horizon exploitable qui peut être cependant décisif au terme d’un processus d’accumulation de forces de plus en plus nécessaires. Ce processus, logiquement doit briser les frontières du monde spécifiquement anarchiste pour attirer des personnes qui, anarchistes ou non, déploient des pratiques d’autogestion et d’entraide de manière expérimentale. Bien sûr, les gens ont la tête dans le guidon quand ils travaillent ou sont à la recherche d’un emploi. Il semble que le travail salarié et l’emploi absorbent leurs énergies et que la construction d’une société alternative se trouve alors en arrière-plan. Mais à une époque pas si lointaine, les travailleurs effectuaient leur journée de travail puis lisaient, s’instruisaient par eux-mêmes, créaient des syndicats, des milieux libres…Aujourd’hui que le temps de travail tend à diminuer, au moins dans la Fonction publique, les salariés peuvent dégager du temps pour créer des moments et des structures alternatives.

La dimension environnementale donne une importance supplémentaire au projet de la société alternative que nous voulons. Nous ne comptons pas rester les bras croisés et attendre l’arrivée de l’effondrement de la société prévu par certains. Outre le caractère démobilisateur, outrancier et négatif, rien n’indique que nous ne trouverons pas collectivement la force de résister au pire.

Les réponses aux agressions environnementales, nous les connaissons. Il s’agit de désurbaniser la société (arrêter la bétonisation des sols…), de favoriser les circuits courts, de stopper la déforestation, de protéger les milieux aquatiques dont les océans, de s’attaquer au réchauffement climatique et d’étudier les conséquences sociales de ce dernier.

Sortir du capitalisme et de son mode élitiste d’une minorité de privilégiés qui misent tout sur les profits doit impliquer le déploiement de formes de démocratie directe, de remise en cause ouverte de l’ordre de la propriété capitaliste ; celle de la démarchandisation suppose un rejet frontal de la logique du profit privé, et de l’usure, typique du système dominant. Des espaces alternatifs et de pression existent déjà : groupes de consommateurs,  associations, coopératives globales sous contrôle ouvrier, syndicats alternatifs… Ces mouvements peuvent œuvrer pour la transition éco-sociale. Parmi ses tâches majeures, bien sûr, il faudra promouvoir la réponse aux agressions environnementales dont le système capitaliste est le protagoniste (idem pour le capitalisme d’Etat).

Deux forces supplémentaires doivent s’adjoindre à la réalisation d’alternatives : leur fédération ou plutôt leur confédération —, l’accroissement de leur confrontation avec le capital et avec l’État.

Aujourd’hui donc, la priorité doit être la lutte pour une écologie sociale et libertaire sans oublier le nécessaire combat antifasciste afin de conserver nos libertés et notre avenir.

Ti Wi (GLJD)