Pour l’action directe, pour la Révolution libertaire

Si l’extrême-droite a caressé la poignée de la porte du pouvoir, bien aidée par une partie des Républicains, la gauche s’est ressaisie au deuxième tour des législatives en s’unissant et en concoctant un programme commun aux quatre composantes du Nouveau Front Populaire.

Certains se disent « on a échappé au pire », le RN n’a même pas une majorité relative, et les urnes ont permis une percée de la gauche, LFI en tête. Donc les urnes ont parlé et le fait d’avoir voté, pour les deux tiers des Français, a déjoué le risque RN.

A y regarder de plus près, les urnes n’ont rien résolu du tout. Primo, le RN récolte 143 sièges de députés ce qui représente un sacré trésor de guerre pour l’avenir d’autant que les dix millions de voix ont été dépassées lors des deux tours. Et nous allons manger du Bardella et de la famille Le Pen pendant encore quelques décennies. Secundo, les autres partis politiques, toutes tendances politiques confondues nous livrent une image déplorable de la politique. Heureusement que l’heure est grave ! Tercio, la configuration actuelle de l’Assemblée arrange bien le RN qui attend son heure patiemment car bon nombre de militants formés pour mailler le territoire manquent à l’appel sauf à prendre le tout-venant…

Tout a réellement commencé pour ce parti d’extrême-droite à Dreux, en 1983, où le Front National de l’époque a conquis le pouvoir municipal de cette ville avec Jean-Pierre Stirbois. Déjà une coalition RPR-FN avait permis cette première victoire. Et les méthodes pour arriver au pouvoir furent les mêmes que celles employées aujourd’hui : l’exploitation des peurs des gens (immigration, instrumentalisation des faits divers, peur du déclassement social, fausses nouvelles, mensonges etc.). Ce sont les notables de tous bords politiques qui ont légitimé le racisme sur le dos de la misère sociale. Les anarchistes ont essayé de faire entendre leur voix ainsi que l’extrême-gauche, à l’époque. Nous disions qu’enlever des droits aux immigrés n’en donneraient aucun supplémentaire aux « Français». Dans les syndicats, on intervenait en disant aux camarades attaquant les immigrés : « Si tu mettais autant d’énergie à attaquer le patron que tu en mets à t’en prendre à de pauvres bougres, il y a longtemps qu’on serait en autogestion ». Et puis les vieux militants ont quitté le boulot et n’ont pas suffisamment transmis la solidarité de classe d’un point de vue internationaliste sur les lieux de travail, aux plus jeunes. Le collectif des Comités d’Entreprise (colonies de vacances…) a cédé le pas sur l’individuel (chèques cadeaux…). Et l’on s’aperçoit que l’esprit RN s’installe davantage dans les entreprises où les syndicats sont inexistants : les fameux déserts syndicaux. Bien sûr, on connaît tous des travailleurs qui sont à la fois à la CGT ou FO et au RN. Mais quand il n’y a pas de syndicat pour faire contrepoids, c’est encore pire.

Que nous indiquent ces élections ? D’une part, comme à l’accoutumée, les politiciens essaient de sauver leur place et pour cela sont prêts à tous les arrangements voire toutes les compromissions. D’autre part, les luttes de pouvoir sont toujours présentes entre partis mais aussi au sein même de ces partis. Il suffit de constater les croches pieds au sein de la gauche ou chez les macronistes pour proposer un Premier ministre. Les ennemis d’hier sont devenus les meilleurs amis le temps d’une élection et de sauver leurs fesses, pour redevenir les meilleurs ennemis le lendemain. Jusqu’au prochain rabibochage, faut bien garder son job ; c’est que la place doit être bonne. Et les politiciens sont toujours dans le coup d’après ; aujourd’hui c’est la présidentielle de 2027.

Et l’on retrouve le PS en embuscade et des figures comme Hollande. Et du rififi au sein du NFP. Ces lascars font pitié, on a honte pour eux.

Tous les politiciens sérieux connaissent les maux qui ont permis ce score de 11 millions de votes pour l’extrême-droite : abandon des services publics dans les zones rurales, problème de pouvoir d’achat, racisme débridé…

Dans les zones périphériques comme on dit maintenant, les gens qui ont acheté une maison pour ne pas vivre dans des tours d’immeuble, ont besoin de deux voitures pour aller au boulot ou pour se déplacer. L’emploi n’est pas sur place. Alors quand le prix des carburants grimpe à la pompe, les gens sont dans la merde d’autant qu’il faut faire face aux coûts de l’énergie, à l’inflation, aux prix des denrées alimentaires qui ne cessent de monter…

Qui achète des voitures low-cost, si ce ne sont des travailleurs qui ont peu de moyens. Ces voitures moins chères sont un marqueur social. Ce sont les personnes décrites ci-dessus qui ont composé le gros des gilets jaunes au tout début, avant que les politiciens ne viennent récupérer ce qui pouvait l’être. Et puis, le ras-le-bol de ces politiciens hors-sol, de Macron à Attal, en passant par Rousseau et autres bobos. D’ailleurs les gouvernements Macron ont bien servi la soupe à l’agriculture intensive. En politique, il y a souvent loin de la coupe aux lèvres. Ils ont aussi reculé l’âge de départ pour prendre la retraite etc. Et ces écologistes qui ne connaissent le milieu ouvrier que dans Marx et non dans la misère comme Camus.

Et puis les communistes qui n’arrivent plus sur leur terre à se faire entendre. Exit les beaux gosses du Parti communiste Jumel et Roussel ! La guerre culturelle de Patrick Buisson est une mayonnaise qui prend.

Au jeu des non-représentatifs tout le monde se prend les pieds dans le tapis.

Macron a été élu deux fois pour éviter que Marine Le Pen ne devienne Présidente de la République à sa place. Mais il récuse cela d’un revers de manche : c’est sur son programme que les gens l’ont élu !

De même quand le NFP sort majoritaire des élections, il prétend qu’avec 17% des suffrages, il est légitime à gouverner.

Et les inénarrables Républicains qui exigent le poste de Premier ministre, c’est du grand guignol la politique ! Ils sont tous minoritaires !

Depuis des semaines, nous vivons des rebondissements tous les jours. Le grand jeu ou plutôt le grand spectacle de la politique politicienne. Comme si, il ne pouvait en être autrement.

Contrairement à ce qu’avait annoncé la plupart des grands médias, la mobilisation électorale contre le RN s’est effectuée non de manière dispersée mais plutôt groupée. La preuve, l’extrême-droite s’est faite boulée quand le front républicain a été tenu au deuxième tour. Autre révélation de ces tristes temps, le patronat n’est que peu intervenu dans les débats, lui le chantre des valeurs de l’entreprise. L’entreprise serait-elle en dehors de la société. Enfin, sa véritable nature, qui chassée est revenue au galop, ce fut sa préférence pour le RN plutôt que le NFP. Pas très social ce patronat, plutôt affairiste. Il ne s’est pas mouillé pour faire barrage au RN. Mais qui aurait douté de cela ? Pourtant, le camp Macron a échafaudé dès le départ un scénario de grande coalition écumant à gauche et à droite. Et les politiciens s’allieront pour le NI NI : ni RN, ni LFI.

Les écologistes, LFI et ce qu’il reste du P.C. n’ont rien appris de la démocratie représentative. Ou ils sont naïfs, ce qui serait curieux de la part d’un Mélenchon, ou ils sont très manipulateurs. Les socialistes ne sont que des opportunistes qui n’aspirent qu’à revenir au pouvoir de manière hégémonique.

A droite, Attal l’a joué plus finement qu’Edouard Philippe. Il a proposé une stratégie incluant des retraits au deuxième tour au profit de LFI, au cas par cas.

Edouard Philippe, autrefois surnommé Doudou mais maintenant affublé du surnom de « Fantômas », a commis deux bourdes. La première, c’est qu’il a campé sur le NI RN Ni LFI, ce qui au niveau front républicain n’était pas à la hauteur. Puis on découvre qu’il a à la fois dîner avec Marine Le Pen et appelé à voter pour le communiste Lecoq. C’est ce que l’on appelle ne pas mettre tous les œufs dans le même panier. Ce repas avec Marine Le Pen risque de lui rester sur l’estomac un bon bout de temps. Même Toubon, ancien ministre de Chirac, a appelé à ériger un front républicain, y compris avec LFI. Au moins la consigne était plus cohérente et claire. Il a bien compris que le vote RN était bien plus qu’un vote contestataire et est devenu un vote d’adhésion en bonne partie sur le refus de l’immigration. Même si la dimension pouvoir d’achat est aussi prégnante dans le vote pour la formation d’extrême-droite.

Et puisque le défilé du 14 juillet vient de passer nous ne pouvons résister à cette diatribe de Georges Courtois :

« Deux cent années plus tard voilà qu’on nous empeste

D’une Révolution prêchant l’Egalité,

Quand on sait bien, partout, que la seule qui reste,

On ne la voit jamais que dans la pauvreté…

Ce qui est révolu, hélas !, c’est le bel âge

Où les hommes rêvaient de se donner la main !

Les lampions s’éteindront et, dès le lendemain,

Le fêtard assouvi retrouvera sa rage

D’être encore au chômage !… (Georges Courtois, Fresnes, juillet 1989)

Allons, les politiciens, vous qui prétendez être les défenseurs des Droits de l’Homme, comment pouvez-vous oublier que vous êtes des vassaux des complexes militaro-industriels et des banques ? Et que cela durera tant qu’il y aura des Etats. La Révolution sociale reste toujours à faire.

Nous travaillons à cela. Pour l’instant, il manque un socle commun aux anarchistes au-delà de la nécessaire indignation. Ces élections nous ont permis de constater une perte de repères politiques pour certains qui se définissent comme libertaires. Mais les anarchistes sont antiparlementaires, point barre. Si le vote n’est plus que la seule alternative pour lutter contre l’extrême-droite, alors il faudrait en tirer les conclusions qui s’imposent : créer un parti politique qui se présente aux élections.

Ce n’est pas la voix que nous avons choisie. Notre volonté, c’est celle qui mènera à la justice sociale et fiscale, à l’émancipation, à l’égalité économique et sociale.

Vive l’anarchie !

Micka (GLJD)

PS : Hommage à toi, Julien, toi qu’on avait rencontré à Caen, quand la CNT avait organisé un concert antifasciste. Gérard Hunout avait demandé à quelques copains du Havre de faire le déplacement et nous avions répondu à l’appel. Toi, le militant antifasciste, qui nous a quittés trop tôt : « La mort n’éblouit pas les yeux des partisans ».

Julien Terzics, ancien batteur du groupe « Brigada Flores Magon », ancien secrétaire confédéral de la CNT, est mort le premier juillet 2024. Salut à toi, compagnon.