Cette République antifasciste de pacotille

Pour certaines personnes la progression des idées d’extrême-droite prospéreraient sur les renoncements des républicains et notre pays se trouverait donc à un moment de bascule.

 Pourtant les idées nationalistes, les idées d’extrême droite ont toujours été présentes en France. Le général Boulanger à la fin du XIXème siècle, ceux qui sont partis la fleur au fusil en 1914, les camelots du roi, les ligues, les croix de feu dans l’entre-deux guerres puis Vichy. Et après-guerre, les partisans de l’Algérie française, l’OAS, etc. Sans compter les groupes identitaires comme le GUD, les GNR etc. Jusqu’à la présence de Jean-Marie Le Pen au deuxième tour de la Présidentielle de 2002. Le populisme en France n’a donc rien de neuf en 2025.

Dire que les idées de l’extrême-droite se sont imposées récemment dans le débat public, c’est méconnaître l’histoire. Leurs idées ont toujours été présentes en France mais à partir du moment où il y avait des militants notamment communistes, d’extrême-gauche et anarchistes pour faire contrepoids, on les voyait moins. Parler de lassitude démocratique aujourd’hui, c’est oublier celle d’hier. Et aujourd’hui comme hier, la devise républicaine « Liberté-égalité-fraternité » n’est qu’une fiction. Au début du XXème siècle, à la Belle Epoque, l’armée tirait sur les grévistes, des centaines d’années de prison étaient distribuées aux militants. La République était contre les ouvriers qui cherchaient davantage de bien-être et de liberté. La Troisième République, c’était celle de la colonisation, des bagnes à Cayenne, de Biribi avec ses camps disciplinaires, sa justice de classes et des inégalités sociales criantes…

Aujourd’hui, les choses ont changé mais est-ce que les dix millions de personnes qui vivent sous le seuil de pauvreté sont libres ? Non parce que la pauvreté, c’est l’esclavage (Bakounine). Et que dire de l’égalité ? Egalité avec des quartiers ségrégués, des écoles publiques dans les grandes villes pour pauvres et des écoles huppées pour les riches. Souvent des écoles privées. Et il n’y aura jamais d’égalité avec un système de classes. Egalité devant l’accès au soin ? Et que dire des riches qui ont une espérance de vie de treize ans supérieure à celle des plus pauvres ? C’est cela l’égalité devant la mort. Egalité devant la justice ? Egalité devant une alimentation saine ? L’égalité serait une valeur constitutionnelle…

Puis la fraternité avec le séparatisme social, le racisme endémique, l’homophobie, la transphobie…est-ce cela une société fraternelle ? Toutes les discriminations et la banalisation des discours de haine, au plus haut niveau politique, c’est pas de la fraternité.

Tout cela est le produit de la république, de la dite démocratie.

Alors quand on parle de la désagrégation du lien social, il n’y a rien de nouveau sous le soleil. Il y a cent, ou cent cinquante ans, les bourgeois vivaient déjà dans de vastes logements ou de belles villas tandis que les pauvres s’entassaient dans des taudis. Les fils de bonne famille fréquentaient les bonnes écoles etc. Et la reproduction sociale fonctionnait à merveille. Et c’est toujours le cas aujourd’hui. L’ascenseur social n’a été qu’une parenthèse à défaut d’une fiction. Depuis des décennies, les politiciens nous bassinent avec la fracture sociale. De gauche comme de droite ! Qu’ont-ils fait pour changer cela ? Rien ou si peu. Ils ont même saccagé les services publics, un bien commun.

Il nous faudrait un sursaut disent les inventeurs du fil à couper le beurre.

Les attaques contre la laïcité, la montée de l’antisémitisme et des actes anti-musulmans, la défiance envers les institutions, le nationalisme…tout ça serait instrumentalisé par l’extrême-droite. Certes. Et ce serait un monde qui se fracture, s’oppose et exclut. Comme si ce n’était déjà pas le cas depuis des décennies. Il faudrait défendre la République. Mais pour quoi faire ?

Les anarchistes le disent depuis plus d’un siècle, l’égalité politique est une fiction s’il n’y a pas d’égalité économique et sociale. Le reste n’est que palabres pour des gens qui trouvent que le système leur profite et n’est pas si mal. Et c’est vrai que l’on préfère vivre en « démocratie » plutôt que dans un régime dictatorial. Mais qu’on ne compte pas sur nous pour valider la thèse d’une république égalitaire, de liberté et de fraternité. C’est un mensonge éhonté qu’il nous faut dénoncer.

Les dangers de l’extrême-droite sont identifiés depuis fort longtemps. D’ailleurs une militante comme Luce Fabbri établit clairement que le fascisme est une « contre révolution préventive ». Nous en reparlerons.

Evidemment, de nombreux militants ont déserté le terrain syndical (la CNT des années 2000-2010 par exemple), le terrain politique : pourquoi continuer à se bouger, revendiquer, manifester… quand on voit la répression subie (gilets jaunes, écologistes…) et la quasi-impunité des forces d l’ordre. Parce que les militants ont toujours affaire avec la police et l’armée de la République. C’est facile de s’indigner de la montée de l’extrême-droite derrière son clavier, c’est un peu plus difficile de monter au créneau et prendre des risques.

L’extrême-droite progresse parce que son discours a imprégné les mentalités.

Un compagnon nous expliquait être allé chez le coiffeur récemment dans un village de campagne. C’est une coiffeuse shampooineuse qui l’a coiffé. Rien de commun avec la copine du Poulpe. Elle lui dit : « Je suis italienne, je n’ai pas le droit de vote. Je suis mère célibataire avec un enfant et je n’ai droit à rien. C’est tout pour les Arabes avec leurs familles nombreuses. J’espère que vous aurez Bardella à la prochaine présidentielle. Nous, on a Mélonie et ça va beaucoup mieux… ». Premier réflexe, tu as envie de te barrer. Deuxième réflexe, tu penses très fort que si c’est mieux en Italie, qu’est-ce que tu fous ici. Repars dans ton pays. Réflexes au final, peu libertaires. Mais ça nous met dans l’ambiance et des exemples de ce tonneau, on en a des tonnes. Autant dire que les identitaires surfent sur les problèmes quotidiens des gens et leurs fins de mois difficiles. Faire un discours antifa à des gens qui galèrent sans rien proposer de concret derrière, c’est un coup d’épée dans l’eau. Dire que la montée de l’extrême-droite est due au fait que les voix humanistes se taisent, c’est passé en bonne partie à côté du problème.

Le sursaut républicain, le barrage républicain, c’est le maintien du statu quo. C’est le maintien des privilèges pour ceux qui en profitent déjà.

Nous savons, nous autres, que l’extrême-droite est inaudible lors d’une grève générale et que la base sympathisante du R.N. par exemple, est aussi dans les grèves lors d’un mouvement social. Gagner sur des revendications salariales, de conditions de travail, de droits nouveaux, d’améliorations des services publics…c’est autrement plus efficace que soi-disant vouloir peser sur un débat public de bonne conscience.

Nous affirmons que dès la naissance de la République, nombreux sont les travailleurs qui ont été mis de côté. Les anarchistes militent pour une société libertaire, égalitaire et fraternitaire. Et cela n’a rien à voir avec cette république de devise de frontons, cette république qui fait la part belle à la bourgeoisie et abandonne les classes populaires. Le sursaut ne pourra venir que d’une Révolution écologique, sociale et libertaire.

Micka (GLJD)