Solidarité avec Sophie Binet (C.G.T.)

L’association Ethic, présidée par Sophie de Menthon et dont l’objet est notamment d' »assurer par tous les moyens la promotion et la défense des entreprises », a porté plainte contre Sophie Binet, la Secrétaire générale de la CGT sous couvert que cette dernière aurait pris à partie « l’ensemble des grands chefs d’entreprise ».  Madame de Menthon enfonce le clou en affirmant que Sophie Binet a porté sur les chefs d’entreprise un « jugement de valeur négatif qui entache nécessairement leur honneur et leur réputation » et elle considère « particulièrement injurieux » une comparaison avec des rats.

Heureusement que Madame de Menthon ne côtoie pas le bas peuple du Tiers Etat car elle n’en croirait pas ses oreilles. Dans les ateliers, les patrons ont souvent les oreilles qui sifflent avec de drôles de noms d’oiseaux. Et à propos de rats, au moment de l’Affaire Durand, vous savez Madame de Menthon, ce syndicaliste anarchiste qui a été injustement condamné à la peine de mort en novembre 1910 après une machination patronale et un forfait judiciaire, et bien le directeur de la Compagnie Générale Transatlantique, le sieur Ducrot, était surnommé par les ouvriers : « le rat musqué ». Comme quoi.

Et dommage que vous n’avez pas connu Bakounine et Marx car ils comparaient les patrons à des vampires d’où leur surnom de buveurs de sang. Mais là pour porter plainte contre Bakounine et Marx, ça va être très difficile même à titre rétroactif. Alors, il va falloir vous contenter de leurs successeurs.

Soit, vous n’avez pas apprécié les propos de Sophie Binet sur les « rats qui quittent le navire » et maintenant la Secrétaire générale de la C.G.T. est mise en examen pour « injure publique ». La belle affaire. Mais nous ne sommes pas dupes. Vous savez très bien, Madame de Menthon, que la C.G.T. a les moyens de se défendre et possède un bon service juridique et des cotisants en nombre, donc Madame Binet ne risque pas grand-chose. En réalité, ce sont les petites organisations (syndicales ou politiques), les petites associations… que vous visez, et qui n’ont pas les moyens financiers de cumuler procès sur procès. En vous attaquant à un gros poisson, vous montrez les muscles et vous comptez faire taire tous ceux et toutes celles qui oseront dorénavant critiquer les patrons. C’est une mesure d’intimidation à grande échelle. Vous tentez à titre préventif de bâillonner toute voix dissidente, toute voix qui s’en prendrait au patronat. La ficelle est un peu grosse.

Et dire que les patrons ont pour objectif, l’appât du gain, c’est ce que la plupart des travailleurs pensent. Et il faudrait le taire. Il faudrait se taire…

Laissons la parole à Sophie Binet : « J’ai découvert que j’étais mise en examen suite à ces propos. J’étais extrêmement choquée parce qu’en disant cela, je n’ai fait que mon travail de syndicaliste, à savoir dénoncer les délocalisations et dénoncer les inégalités de répartition des richesses et le fait que les milliardaires payent toujours moins d’impôts et ne se sentent plus responsables de l’emploi en France ». Les rats quittent le navire, « Ça s’appelle une image populaire, c’est dire tout haut ce que tout le monde pense tout bas et je pense que c’est important dans le débat public qu’on puisse parler sans langue de bois » […]. « Nous avons beaucoup plus de multinationales qui n’en ont rien à faire de l’emploi en France comme LVMH. C’est un handicap pour l’économie française. Les multinationales françaises traitent très mal leurs sous-traitants ».

Sophie Binet avait commenté, le 31 janvier sur RTL, des propos tenus quelques jours auparavant par le patron du groupe LVMH, Bernard Arnault. Ce milliardaire  avait estimé que le projet de surtaxe du gouvernement « poussait à la délocalisation »…

Madame Binet était effectivement dans son rôle de syndicaliste de dénoncer les délocalisations d’autant que certaines entreprises qui délocalisent ont touché de l’argent public, donc de l’argent des travailleurs via les impôts. Et nous avons même vu de grosses fortunes se faire après avoir bénéficier d’un coup de pouce gouvernemental financier avec encore une fois, nos impôts.

La CGT défend sa Secrétaire générale :

« La CGT dénonce avec force cette énième procédure-bâillon de la part d’un lobby patronal, financé par un milliardaire d’extrême droite, Édouard Sterin. Il s’agit d’une attaque d’un degré inédit puisqu’elle vise directement la Secrétaire générale d’une des plus grandes organisations syndicales du pays.

La CGT apprend avec effarement la mise en examen de sa Secrétaire générale, Mme Sophie Binet, faisant suite à une plainte pour injures publiques déposée par l’association « Mouvement des entreprises de taille humaine indépendantes et de croissance », présidée par Mme Sophie de Menthon. RTL est également mis en examen en tant que diffuseur des propos.

On reproche à Sophie Binet ses propos tenus lors de son intervention sur RTL le 31 janvier dernier, lorsqu’elle fut interrogée sur le « chantage à l’emploi » de la part de certains grands patrons, venus se succéder dans les médias « pour alerter sur la fiscalité et les réglementations » et affirmer que « pour pousser à la délocalisation, c’est idéal ! ». Certains affirmant même « Ceux qui peuvent partir partent et ils ont raison. »

Elle avait alors dénoncé ces propos et ces comportements en disant « Moi j’ai envie de dire : les rats quittent le navire ».

Il va sans dire que cette déclaration était une image, reprenant une expression populaire bien connue visant à dénoncer les pratiques permanentes de délocalisation et de chantage à l’emploi des multinationales.

La CGT dénonce avec force cette énième procédure-bâillon de la part d’un lobby patronal, financé par un milliardaire d’extrême droite, Édouard Sterin. Il s’agit d’une attaque d’un degré inédit puisqu’elle vise directement la Secrétaire générale d’une des plus grandes organisations syndicales du pays.  Empêcher un syndicat de dénoncer les pratiques patronales c’est l’empêcher de jouer son rôle et porter directement atteinte aux libertés syndicales.  Cette tentative manifeste de judiciariser la critique sociale et de détourner le débat public illustre une nouvelle fois la volonté de certains lobbys patronaux au service des plus riches pour faire taire les voix qui dérangent. »

C’est une véritable stratégie d’intimidation à l’encontre du monde du travail et nous n’en sommes qu’au début. La bonne nouvelle, c’est que les travailleurs vont devoir davantage se serrer les coudes pour faire face à l’extrême-droite et aux lobbys-patronaux.

Donc, solidarité avec Sophie Binet. Aucun militant ne devrait être mis en examen pour avoir dénoncé le patronat, des politiciens ou l’Etat. Etre solidaire, cela ne nous empêche pas d’être critique envers les stratégies confédérales concernant les grèves saute-moutons. La preuve, la dernière grève n’a pas convaincu grand monde et nous le réaffirmons, il faut changer de logiciel de lutte.

Pour autant, l’heure est à la lutte contre l’extrême-droite et le budget austéritaire du gouvernement Lecornu.

Ty Wi (Groupe libertaire Jules Durand)