
Le rapport du Sipri est tombé le premier décembre 2025 : les bénéfices pour les marchands de canon et leurs actionnaires augmentent de manière conséquente et c’est un euphémisme. Selon le Sipri : « Les recettes cumulées du secteur de l’armement des plus grandes entreprises mondiales de production d’armements et de services militaires ( le classement SIPRI Top 100 ) ont augmenté de 5,9 % en 2024 pour atteindre 679 milliards de dollars, un niveau record selon le SIPRI. Sur la décennie 2015-2024, les recettes totales du secteur de l’armement de ces 100 entreprises ont progressé de 26 %.
La hausse du chiffre d’affaires total des entreprises du Top 100 en 2024 s’explique principalement par l’augmentation générale des revenus des entreprises basées en Europe et aux États-Unis. Toutes les zones géographiques couvertes par le classement ont enregistré une croissance annuelle, à l’exception de l’Asie et de l’Océanie, qui ont connu une légère baisse, due en grande partie à un recul notable du chiffre d’affaires total des entreprises chinoises. »
Le patronat américain a tout intérêt à la guerre. Nous avions vu Nixon à la manœuvre quand l’Europe essayait de se mettre d’accord pour se constituer. Aujourd’hui, l’Amérique de Trump verrait d’un bon œil une guerre entre la Russie et l’Europe afin d’avoir deux concurrents en moins. Il ne lui resterait qu’à abattre le géant chinois qui demeure un sacré concurrent économique. Trump désire l’hégémonie américaine. L’économie des USA est basée sur une économie de guerre.
Trente-neuf des 100 principaux fournisseurs d’armes sont américains, parmi eux les trois premiers : Lockheed Martin, RTX (anciennement Raytheon Technologies) et Northrop Grumman.
L’ensemble des fabricants américains a enregistré un chiffre d’affaires combiné en hausse de 3,8 %, à 334 milliards de dollars (288 milliards d’euros), soit près de la moitié du total mondial.
Cependant, des dépassements de budget et des retards affectent plusieurs programmes clés aux États-Unis, comme le chasseur F-35 et le sous-marin de classe Columbia. En Europe, le chiffre d’affaires agrégé des 26 plus grandes sociétés d’armement a augmenté de 13 %, à 151 milliards de dollars.
Ces revenus mirobolants pour les fabricants d’armes sont alimentés par les tensions internationales, selon le Sipri. Portées par les guerres en Ukraine et à Gaza, les ventes des cent plus grands fabricants d’armes ont atteint un record de 679 milliards de dollars en 2024. Malgré des problèmes d’approvisionnement et des retards de production, la demande explose, notamment en Europe, où la perception de la menace russe et les besoins de l’Ukraine alimentent une hausse historique.
Le patronat européen a tout intérêt à ce que les tensions persistent ; ses bénéfices et sa fortune en dépendent. La Russie, de même, a tout basé économiquement sur l’industrie guerrière et les bénéfices de ses oligarques explosent.
On voit l’enjeu économique des marchands de canon aux Etats-Unis, en Europe mais aussi en Russie et en Israël et dans de nombreux pays dans le monde.
Des populations crèvent de faim au Soudan, en Ethiopie, à Gaza etc. Des dizaines de millions d’Européens vivent sous le seuil de pauvreté mais les Etats jonglent avec des centaines de milliards pour alimenter une potentielle guerre dans les années à venir.
Goulago (GLJD)
Il nous revient à l’esprit une correspondance d’Albert Einstein avec Freud. Que disait le physicien en 1932, il y a presque un siècle maintenant dans « Pourquoi la guerre ? ». Voici un extrait de cette lettre:
« Un simple coup d’oeil sur l’insuccès des efforts, certainement sincères, déployés au cours des dix dernières années permet à chacun de se rendre compte que de puissantes forces psychologiques sont à l’oeuvre, qui paralysent ces efforts. Certaines d’entre elles sont aisément perceptibles. L’appétit de pouvoir que manifeste la classe régnante d’un Etat contrecarre une limitation de ses droits de souveraineté. Cet « appétit politique de puissance » trouve souvent un aliment dans les prétentions d’une autre catégorie dont l’effort économique se manifeste de façon toute matérielle. Je songe particulièrement ici à ce groupe que l’on trouve au sein de chaque peuple et qui, peu nombreux mais décidé, peu soucieux des expériences et des facteurs sociaux, se compose d’individus pour qui la guerre, la fabrication et le trafic des armes ne représentent rien d’autre qu’une occasion de retirer des avantages particuliers, d’élargir le champ de leur pouvoir personnel.
Cette simple constatation n’est toutefois qu’un premier pas dans la connaissance des conjonctures. Une question se pose aussitôt : comment se fait-il que cette minorité-là puisse asservir à ses appétits la grande masse du peuple qui ne retire d’une guerre que souffrance et appauvrissement ? (Quand je parle de la masse du peuple, je n’ai pas dessein d’en exclure ceux qui, soldats de tout rang, ont fait de la guerre une profession, avec la conviction de s’employer à défendre les biens les plus précieux de leur peuple et dans la pensée que la meilleure défense est parfois l’attaque.) Voici quelle est à mon avis la première réponse qui s’impose : Cette minorité des dirigeants de l’heure a dans la main tout d’abord l’école, la presse et presque toujours les organisations religieuses. C’est par ces moyens qu’elle domine et dirige les sentiments de la grande masse dont elle fait son instrument aveugle.
Mais cette réponse n’explique pas encore l’enchaînement des facteurs en présence car une autre question se pose : Comment est-il possible que la masse, par les moyens que nous avons indiqués, se laisse enflammer jusqu’à la folie et au sacrifice? Je ne vois pas d’autre réponse que celle-ci : L‘homme a en lui un besoin de haine et de destruction. En temps ordinaire, cette disposition existe à l’état latent et ne se manifeste qu’en période anormale ; mais elle peut être éveillée avec une certaine facilité et dégénérer en psychose collective. C’est là, semble- t-il, que réside le problème essentiel et le plus secret de cet ensemble de facteurs. Là est le point sur lequel, seul, le grand connaisseur des instincts humains peut apporter la lumière. »
Publié simultanément en allemand, en anglais et en français, en 1933, pat l’Institut International de Coopération Intellectuelle, l’une des nombreuses émanations de la Société des Nations.