
On connaissait le Puy du Fou de l’inénarrable Philippe De Villiers mais nous méconnaissons les spectacles qui bénéficient des fonds du milliardaire Pierre-Edouard Stérin. Quand on dispose d’une manne financière importante c’est plus facile d’organiser des fêtes et des spectacles que quand on s’est fait rogné bon nombre de subventions dans le domaine de la culture par les collectivités et l’Etat. Profitant de la montée électorale de l’extrême-droite ainsi que de la montée du catholicisme tradi, certains ont investi « le spectacle historique » afin d’y relater leur vision fantasmée de l’Histoire. Les réactionnaires y voient l’occasion de remiser tout ce qui a trait à la lutte des classes pour y promouvoir la France réelle et éternelle…ce qui sent le rance, le Maurras et le maréchal Pétain…La France, fille aînée de l’église, ce qui ravit la cathosphère ; la France et ses bons seigneurs, ce qui ravit les royalistes ; et les thématiques chères aux révisionnistes qui récupèrent pêle-mêle la lutte contre le wokisme, le sionisme, l’islamisme radical et on en passe.
Ce qui se trame, c’est à terme l’exclusion dans le spectacle vivant de la Révolution française, les figures du mouvement ouvrier (Proudhon, Louise Michel, Jaurès…), la période collaborationniste et la Résistance…
En laissant faire, ce sont les identitaires qui vont donner le tempo dans des spectacles « populaires » avec cette France aux racines chrétiennes mais aussi aux relents fascistes…sous couvert de traditions, de patrimoine etc. On connaît le créneau identitaire : nationaliste blanc, néofasciste, raciste et anti-musulman.
Sons et Lumières. Qui n’a pas aimé ceux du château de Suscinio en Bretagne. Qui n’aime pas regarder la Fête des filets bleus à Concarneau depuis plus d’un siècle etc. Mais quand le label « Plus belle fête de France » dépend des fonds de Stérin par l’intermédiaire d’une association qu’il finance, l’enthousiasme du milieu associatif est refroidi. Ainsi sur la soixantaine de fêtes ayant ce label, déjà une dizaine de communes et associations ont décidé de se désengager, d’autres attendent la rentrée pour étudier la question avec leur conseil d’administration…Le milieu associatif n’aime pas être instrumentalisé. Pourtant la manne est intéressante d’autant qu’à côté d’avoir le logo de la marque, il y a une publicité faite sur les réseaux sociaux, une réduction des charges auprès de la Sacem etc. Pour les petites assos, c’est pain béni. Mais certaines ne veulent pas perdre leur âme sachant que Stérin œuvre pour la victoire électorale de la droite dure ou de l’extrême-droite.
Quand on connaît le poids de Bolloré dans les médias, on ne peut être qu’inquiets. Ce duo Bolloré et Stérin (et tant d’autres moins fortunés) se sont engagés dans la bataille culturelle et politique pour revisiter « le roman national » et appeler au réveil spirituel. Tout un programme. La Fraternité Saint Pie X n’est jamais bien loin de ce milieu chrétien qui n’apprécie guère que 30% des prêtres sont aujourd’hui d’origine africaine. C’est dire la crise de vocation dans l’église, cette dernière ayant vu son crédit s’amenuiser au fur et à mesure des scandales de pédophilie la touchant. Les identitaires et les intégristes comptent très certainement vouloir reconquérir l’espace sacerdotal afin d’y redire la messe en latin et d’organiser des conférences de prêtres tradi.
Puisqu’à Sées, en Basse-Normandie, existe un institut religieux, base arrière de l’extrême-droite qui produit un spectacle dans l’esprit chouan, les anarchistes du Havre vont revenir sur l’évêché de Sées dans l’entre-deux guerres où nos compagnons de Brest ont eu maille à partir avec l’évêque de l’époque pour avoir dénoncé un curé pédophile ; ça aussi c’est de l’histoire mais on n’en fera pas un spectacle. On n’ajoutera pas l’odieux à l’odieux.
Si on ne peut que dénoncer l’ingérence de milliardaires dans la guerre culturelle qu’ils mènent en finançant diverses initiatives et spectacles, on peut par contre prendre en ration toute collectivité qui subventionnerait avec de l’argent public de telles initiatives comme c’est le cas par exemple dans le département de l’Allier et la région Auvergne-Rhône-Alpes.
A défaut d’une France réelle mythique ancienne pour mieux y développer une idéologie fascisante d’aujourd’hui, nous devons contrer ces guides spirituels en montant d’autres spectacles vivants où les travailleurs seraient mis à l’honneur ; retrouver les héros de la geste ouvrière : la Commune etc. Sans compter les personnages locaux (Jules Durand au Havre)…Un retour à la littérature prolétarienne, des pièces de théâtre relatant des martyrs de la classe ouvrière, des spectacles en plus d’une filmographie ouvrière à consolider et faire connaître.
Nous pouvons aussi déconstruire cette culture identitaire à deux balles. Ce ne devrait pas être bien compliqué sur le plan intellectuel.
Patoche (GLJD)