Le libertaire d'octobre 2015

Etoile rouge et noir

Marine Le Pen : pour le plus grand profit du patronat

La gauche qui avait en 1988, sous l’égide de Mitterrand, mis en scelle Jean-Marie Le Pen, ne sait plus à quel saint se vouer. Faut-il faire barrage au Front National en aidant la droite dite républicaine ou faut-il prendre le risque de voir le Front rafler la mise électorale et la manne financière qui va avec? Il est vrai que la gauche n’existe plus beaucoup d’autant qu’elle est représentée dans sa variante crédible par Valls et Macron. On a déjà la réponse car les politiciens socialistes qui peuvent sauver quelques placardes le feront sans état d’âme quitte à s’allier à la droite en temps utile…

Les régionales passées, les grandes manœuvres s’ouvriront pour la présidentielle, la petite reine des élections. Et là, le patronat se dit « banco ». La droite lui a toujours été favorable et la gauche macronisée ne lui est pas moins défavorable. Du coup, les discours tournent autour de la compétitivité, des  lois trop favorables aux salariés et qui sont obsolètes et dont il serait de bon ton de déverrouiller certains textes considérés encore comme trop protecteurs vis-à-vis du monde du travail. Quand on peut empocher des subventions d’Etat, faire porter les efforts sur le plus grand nombre via l’impôt, les salariés et les chômeurs, pourquoi se priver ? Surtout quand il n’y a plus de répondant en face. Le ras-le-bol fiscal n’est pas qu’une vue de l’esprit, on est tous touché au porte-monnaie par ces vendus de socialistes.

Les seuls qui pourraient mobiliser les travailleurs sont pris dans des querelles d’appareil doublées d’une division syndicale exponentielle. Ne parlons pas de tous ces syndicats à la botte qui signent à tour de bras des accords qui entérinent les propositions du patronat. Et la gangrène des partis politiques toujours avides de contrôler les syndicats pour mieux les orienter électoralement, sans voir qu’ils entraînent dans leur chute la seule structure de classe qui pourrait encore freiner notre descente aux enfers.

Côté division syndicale, les anarcho-syndicalistes ne font pas mieux. D’ailleurs, il faudrait que les militants qui ont tant œuvré pour virer de fait les syndicats ouvriers de la CNT qui avaient un tant soit peu d’effectifs (nettoyage en tête) nous disent ce qu’ils préconisent en dehors d’appels incantatoires entendus que d’eux-mêmes ?

Pendant que tout ce beau monde militant s’étripe à qui mieux mieux, l’extrême droite avance ses pions sans forcer. Marine Le Pen, elle aussi, du côté du patronat, joue sa partition de parti antisystème alors qu’elle en bénéficie à plein ; voir son dernier coup de théâtre avec l’émission « Des paroles et des actes » de l’inénarrable Pujadas.

Les militants de droite qui ont les dents longues vont s’engouffrer dans ce parti haineux car de nombreux postes suite aux élections régionales vont être octroyés par le staff lepéniste.

Ce qui est triste là-dedans, c’est qu’un bon nombre de gogos ouvriers  croient aux promesses d’un monde meilleur sous la férule de l’extrême droite alors que cette dernière laminerait les retraites, la Sécu et le droit syndical si elle parvenait aux commandes de l’Etat, ce qui rendrait encore davantage les travailleurs et les chômeurs esclaves d’une situation économique que les tenants du pouvoir quels qu’ils soient n’ont aucun intérêt à changer.

Tous les militants qui critiquent Hollande ou Sarko se voient aujourd’hui vilipender par des journalistes baveux ou des politiciens dont le métier est de tromper l’électeur, sous couvert qu’ils font le jeu du F.N. Et Hollande et Sarko, ils font le jeu de qui ? Nous prendrait-on pour des billes ?

En clair, laissez-nous vous entuber ou ce sera encore pire. Quel brillant avenir on nous propose ! Pourtant les ennemis de nos ennemis ne sont pas nos amis. C’est pourquoi, nous appellerons à nouveau à l’abstention car rien de positif ne sortira des urnes pour nous autres, les petits, les sans grades, le peuple quoi.

Que peuvent proposer les libertaires aujourd’hui face à une situation aussi peu ragoûtante ?

Certains se replieront, d’autres réessaieront des pistes qui ont maintes fois échoué et certains optimistes feront leur les positions de jeunes propagandistes anarchistes du collectif CrimethInc :

« Nous devons fabriquer notre liberté en faisant des trous dans l’étoffe de cette réalité, en forgeant des réalités nouvelles qui elles-mêmes nous façonneront. Se mettre constamment dans des situations nouvelles est la seule façon d’être sûr de prendre des décisions affranchies de l’inertie de l’habitude, de la coutume, de la loi ou du préjugé- et c’est à chacun de créer ces situations. La liberté n’existe que dans le moment de la révolution. Et ces moments ne sont pas aussi rares qu’on ne le pense. Le changement, le changement révolutionnaire, se produit sans cesse et partout- et tout le monde y joue un rôle, consciemment ou non. »

De grandes similitudes avec la pensée reclusienne ( « Evolution et Révolution »)  mais réactualisée, cela ne peut que nous conforter à aller de l’avant.

le Libertaire Oct 2015