Des vies sont brûlées au sens propre comme au figuré

Féminicides

La guerre en Ukraine se propage comme une trainée de poudre avec son cortège de désolations. Parce que la guerre, ce sont des tueries de masses, des crimes de masses et son lot d’atrocités : famine, viols de guerre (femmes, enfants et hommes), tortures, mutilations, blessés, estropiés…Les anarchistes ont coutume de dire que l’armée, c’est l’école du crime. C’est une vérité incontournable en période de guerre ou « d’opération spéciale » comme dirait Poutine. Quelle connerie la guerre disait notre ami Prévert. D’ailleurs des centaines de soldats russes refusent de servir de chair à canon. Prenant prétexte que la guerre n’a pas été déclarée, ces jeunes Russes peuvent se retrancher derrière cet état de fait, cette ambigüité juridique. Comme quoi, la vie doit primer sur la mort.

Les Ukrainiens aspirent à vivre en paix mais avec les crimes de guerre orchestrés par Moscou, nous craignons que la vengeance soit mauvaise conseillère même si on peut la comprendre et parfois l’approuver. L’acceptation de la guerre par une majorité de russes trompés par des médias aux ordres transforme la vie des Ukrainiens en une suite ininterrompue de drames : morts, exil forcé…

Les frontières sont franchies, les drapeaux claquent au vent, les hymnes résonnent de part et d’autre mais derrière cela, ce sont des immeubles éventrés, le manque d’eau et de nourriture, la souffrance des blessés et de ceux qui ont perdu un proche, qui nous racontent un récit factuel. Les bombardements passent, les missiles touchent leurs cibles, les ponts sont détruits…et la vie reprend car il faut bien vivre et retrouver un semblant de normalité dans l’enfer guerrier. Poutine est à l’abri et vocifère comme une hyène. Ce n’est qu’un vulgaire assassin mais il possède l’arsenal répressif de l’Etat et la volonté de nuire. C’est un être malfaisant qui règne sur un peuple transi de peur ou anesthésié depuis des décennies. Plus tard, il faudra soulever la roche de cette guerre pour révéler ce qui grouille d’inhumanité sous cette masse infâme et aveuglante. Définir l’horreur, c’est dire l’inacceptable, pour qu’il ne se reproduise plus jamais. Mais combien de fois a-t-on déjà dit : « Plus jamais ça ». L’Histoire bafouille.

Des scènes d’effroi  et d’épouvante se déroulent jour après jour ; c’est une tragédie. Et nous découvrirons après coup toutes les horreurs qui restent à venir. On est loin de toute mélancolie romantique à Odessa. Ce qui compte, c’est d’être vivant avec ceux que l’on aime. L’imbrication des événements donne une impression troublante de chaos, un aspect choral de canons, de fusillades. La guerre n’est pas une illusion, c’est la cohérence d’un système avec sa multiplicité de points de vue où la vérité et le mensonge s’entremêlent.

Au début, c’est une sorte de fascination pour celui qui se fait agresser et résiste. Puis nous nous appesantissons sur toutes ces histoires individuelles, belles ou cruelles, qui se télescopent et éclatent en trajectoires aléatoires et contraires. Histoires qui gagnent en singularité lorsqu’elles sont racontées par ceux et celles qui ont vécu l’impensable. Des vies sont brûlées au sens propre comme au figuré. Les récits prennent de la consistance et estompent jour après jour l’épaisse obscurité qui tentait de noyer le sacrifice insensé de la population ukrainienne.

Parler de la guerre, c’est aborder aussi les gestes du quotidien, l’attente entre deux obus, la peur ou l’ennui, la faim, la soif, la douleur. Dans les bunkers, dans les métros, chaque acte de solidarité palpite d’une présence qui fait du bien. Au final, il faudra démonter le mécanisme de la haine poutinienne à l’encontre des Ukrainiens. Rancunes, ressentiments ne suffisent pas à expliquer l’apocalypse décrétée par une race de généraux intellectuellement décatis et décadents. Table rase à Marioupol, ce sont des ravages irréversibles. Des morts, des monuments, une culture, une indépendance. Table rase avec ses tapis de bombes. Juger Poutine, ce sera juger les prochains criminels de guerre qui ne sont ni des ratés ni des imbéciles. Leurs aberrations, leurs intérêts, leur mode de pensée, leurs raisonnements sont à décrypter. Empêcher ce type d’individus de nuire, c’est empêcher les conséquences tragiques de leurs actes immondes. Car comme pour les fascistes bruns, les fascistes rouges savent manier les arguments sur la liberté, l’égalité et tout le lexique propre aux démocraties. Les mots ne valent rien si on ne prend pas en compte leur contenu et si on refuse l’humanisme et l’universalité, notions qui combattent et s’opposent à la séparation et la division des peuples. Les autocrates savent manier les slogans, réducteurs mais percutants, la propagande médiatique…Ils savent aussi galvaniser les foules et les manipuler.

Les libertaires sont bien seuls à exercer leur esprit critique, la coopération et proposer une finalité égalitaire. Au cœur de la réappropriation de soi, de la conquête de nouveaux droits, il y a l’entraide. On ne la rencontre pas aisément mais elle se construit génération après génération. La verra-t-on figurer dans le glossaire de survie au sein de ce monde ? La résilience nécessaire au retour d’un monde meilleur verra si celui-ci est capable de se réinventer un destin commun internationaliste.

Patoche (GLJD)