Summerhill: point de vue

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Summerhill

 Si l’éducation des enfants demeure aux mains de l’État alors l’anarchisme est condamné à mener une bataille à contre-courant contre les valeurs d’obéissance aveugle, de hiérarchie et de compétition féroce qui continueront à infecter les générations successives au moment où elles atteindront l’âge de l’école obligatoire. Déjà en 1793 William Godwin exprimait ses craintes au sujet de l’éducation dirigée par l’État « Avant de remettre une machine aussi puissante aux mains d’un agent aussi ambigu, il nous appartient de réfléchir à ce que nous faisons.

Les gouvernements ne manqueront pas de se servir de cette machine pour renforcer leurs pouvoirs et pour perpétuer leurs institutions. »

Tant que l’éducation consiste à imposer aux enfants l’autorité des parents et des enseignants afin de les « préparer au monde extérieur » ( c’est-à-dire à l’autorité des patrons et des policiers), les attitudes libertaires resteront l’apanage de cette poignée de gens qui se révoltent consciemment contre l’endoctrinement de l’enfance – – la vaste majorité de la population restant composée de ceux que l’État manipule et trompe. Pour réussir, l’anarchisme devra changer l’éducation.

Parmi ceux qui ont proposé des alternatives à l’emploi de l’autorité dans l’éducation, il n’y a que Fransisco Ferrer qui se soit considéré comme anarchiste. Ceux qui ont le plus contribué à la théorie et à la pratique anarchistes sont ces libertaires qui sont restés à l’extérieur du mouvement anarchiste traditionnel, en particulier Godwin, Tolstoy et à A. S. Neill. C’est ce dernier qui fit l’expérience la plus radicale et la plus durable dans le sens de l’éducation libertaire : son école à Summerhill, fondée il y a maintenant plusieurs décennies, continue à démontrer que les relations entre adultes et enfants n’ont nul besoin d’être fondées sur l’autorité. Les principes sur lesquels est fondé Summerhill peuvent être résumés ainsi : l’auto-gouvernement, la liberté par rapport à la morale des adultes.

 

Les cours ne sont pas obligatoires.

 

D’autre écoles appliquent l’auto-gouvernement (mais certains la vident de son sens en restreignant son domaine de compétence ou en réservant au Directeur un droit de véto sur les décidons de l’Assemblée), mais Summerhill se distingue entre toutes par sa politique de présence volontaire aux cours, idée que mit le premier en pratique Tolstoî dans son école à Yasnaya Polyana en 1861.

Dès que l’on parle de cours non obligatoires, les autoritaires répondent que les enfants n’y iront jamais, et qu’ils n’apprendront jamais rien. Ils ne peuvent comprendre que privée de tout élément d’obligation, l’éducation devient une joie – – comment le fait de satisfaire sa curiosité et d’étendre sa conscience pourrait-il être ennuyeux quand on peut choisir ce que l’on veut apprendre et le moment où on veut l’apprendre. Le seul changement nécessaire est de rendre les cours facultatifs ; aucune accumulation de projets éducatifs individualisés, de diversification des options et de gadgets électroniques ne peut masquer le simple fait que dans les écoles « normales », on vous oblige à apprendre – – souvent avec les résultats désastreux que l’on connaît.

 

Le gavage des enfants avec des connaissances dont ils ne veulent pas a comme seul résultat une allergie envers l’acquisition des connaissances : comme l’éducation est obligatoire, on la hait et dès que l’on peut, on la fuit à jamais. Le fait que les cours soient facultatifs a pour résultat que les gens ne seront jamais allergiques à l’auto-éducation dans leur avenir dans le cas où ils ne sont pas intéressé à apprendre au cours de leur enfance. Ici, les enfants peuvent venir « tâter » d’un sujet – – et on ne les force pas à continuer s’ils découvrent qu’à cette étape de leur vie, le sujet ne leur convient pas. Ils y reviendront peut-être plus tard. La vérité d’expérience est que les enfants viennent réellement aux cours et qu’ils y apprennent ; très peu d’enfants choisissent de n’aller à aucun cours, et bon nombre d’enfants vont jusqu’à l’examen du « O level » (oui, nous y préparons) en un ensemble de matières, et ceci souvent avant l’âge de 16 ans. Le fait que les cours soient facultatifs fait aussi que les enseignants n’ont pas besoin de passer la moitié de leur temps à tenter d’intéresser (ou de contrôler) les élèves qui s’ennuient ou qui s’agitent dans le fond de la classe.