Sauvons la science de sa domestication, des griffes du capital

La ronde des prisonniers

La recherche scientifique est actuellement engagée dans une course mondiale pour trouver le vaccin qui libérera l’humanité du redoutable Covid-19. En effet, c’est la solution concrète et immédiate à un problème qui n’est que le symptôme d’un grand syndrome appelé capitalisme, néolibéralisme, darwinisme social …

On trouvera un vaccin qui contribuera à mettre fin à la pandémie, à nous libérer de ses effets meurtriers et en même temps à enrichir les grandes entreprises et les groupes pharmaceutiques (le vaccin ne sera pas mis au service de la population avec des critères d’équité sociale mais au service du marché avec des prix exorbitants lors de la hiérarchisation des critères économiques) mais des solutions aux pandémies qui se produiront à l’avenir, en raison du système économique et social actuel, la science n’est pas en mesure de les fournir car la science est devenue un maillon de plus dans ce système . La science a cessé de jouer le rôle révolutionnaire qu’elle devait jadis devenir et est devenue une simple technologie scientifique, une simple entreprise, incapable de libérer l’humanité des anti-valeurs qui la régissent, sans aucune prétention philosophique et politique.

Ce que l’anarchisme apporte à la science en ces temps de coronavirus, c’est qu’il soit subversif, intégrateur de connaissances, holistique, humaniste, qu’il devienne indépendant du pouvoir car avec lui il deviendra indépendant de sa propre fragmentation et intentionnelle dans les zones de recherches déconnectées, départementalisées et spécialisées, comme l’a déjà souligné Élisée Reclus, et de son propre paradigme méthodologique universel et fixe, adoptant une épistémologie adaptable aux contextes. La science est contrainte par sa méthode scientifique rigide avec laquelle elle perd la possibilité de regarder plus largement ce qui se passe dans la réalité. Il faut de la flexibilité, de l’adaptabilité, en tenant compte de l’être humain d’une manière plus globale, comme l’a rappelé Feyerabend, pour poser des réponses globales au drame existentiel de la vie.

Actuellement les investigations scientifiques sont très partielles, elles ne répondent pas aux grandes théories qui répondent aux préoccupations globales de l’humanité. Ce sont aussi des théories qui naissent de la concurrence et de la rivalité, sans partage ni coopération.

Le virus n’est pas combattu par une science fragmentée mais en proposant des modèles théoriques intégrant tous les paramètres qui affectent la vie et la santé de la planète, comme par exemple les modèles de prévention sanitaire; modèles urbains et de logements loin de la surpopulation; modèles économiques décroissants, anticapitalistes, de l’économie de solidarité et d’autogestion; des modèles d’exploitations agricoles et d’élevage non intensifs, sans macro-exploitations ni surpeuplement d’animaux et sans déforestation, respectueux de la souveraineté alimentaire; des modèles qui ralentissent le changement climatique, misent sur la durabilité de la vie avec un nouveau modèle énergétique et les énergies renouvelables; des modèles intégrant les processus de robotisation et les nouvelles technologies et la répartition du travail et de la richesse.

Sauvons la science de sa domestication, des griffes du capital, pour qu’elle progresse et se laisse être une simple technologie. Faisons-lui retrouver son sens transformateur car il y a de nombreux défis pour continuer à vivre.

Reprenons l’ancien sens de la science dans la recherche de la vérité et de la connaissance, du relativisme, en partant du principe que la science est l’outil le moins imparfait dont nous devons continuer à progresser en tant qu’espèce. Cela se fait depuis des milliers d’années, dans un processus d’expérimentation, empirique, d’observation, d’essais et d’erreurs permanent, antidogmatique, infatigable.

En ce sens, l’anarchisme et la science peuvent revenir à des alliances en partageant des paramètres de subversion, de spontanéité, de créativité, d’art, de culture, de liberté … pour pouvoir apporter des solutions collectives, imaginatives, innovantes, loin des exigences des marchés et des intérêts commerciaux. Il y a une riche relation à double sens entre l’anarchisme et la science loin des approches économistes et utilitaires.

Du monde de la pensée et de la science, on prévoit que les solutions à cette crise peuvent aller du renforcement d’un capitalisme plus totalitaire (Byung-Chul Han) ou d’un communisme réinventé (Slavoj Zizek).

Quelle analyse peut-on faire des positions libertaires et anarchistes? Certes, les réponses de solidarité et d’entraide commencent à émerger partout face aux conceptions d’une société totalitaire, de «Big Brother» qui sait tout et voit tout. Montrons avec nos idées et nos pratiques anarchistes que la vraie solution, celle qui améliorera nos vies, ne sera que si elle est libertaire, collective, auto-organisée, tissant des réseaux de soutien mutuel et de solidarité.