Révolution espagnole: Révolution libertaire

Métallur36

80 ans après, deux livres donnent la parole aux acteurs

de la révolution sociale espagnole

 En 2004, quelques libertaires se proposaient de publier le tapuscrit des souvenirs d’Antoine Gimenez – Bruno Salvadori de son vrai nom –, un Italien exilé à Marseille qui s’était engagé fin juillet 1936 sur le front d’Aragon dans le très peu connu Groupe international de la colonne Durruti.

L’intérêt passionné suscité par la richesse exceptionnelle du récit de Gimenez donna naissance à l’entreprise collective – les Giménologues – qui aboutira deux ans plus tard à la parution chez l’Insomniaque des Fils de la nuit – Souvenirs de la guerre d’Espagne, accompagnés d’un appareil de notes conséquent.

 

Traduite en italien et en espagnol, cette édition donna lieu à des rencontres entre nous des rescapés de cette épopée. Tant et si bien qu’une nouvelle édition revue et enrichie vient de paraître chez Libertalia, préfacée par l’historien François Godicheau, et qu’un nouvel ouvrage vient de voir le jour à L’Insomniaque : ¡A Zaragoza o al charco ! Aragon 1936-1938. Récit de protagonistes libertaires.

Dans ce dernier, nous nous penchons cette fois sur le vécu des miliciens et miliciennes combattant les troupes franquistes au sud de l’Ebre, face à Belchite, au sein de la colonne Antonio Ortiz, anarchiste dont le parcours est bien moins connu que celui de Durruti.

 

Fidèles à notre méthode – redonner la parole aux témoins tout en reliant questions singulières et questions collectives – nous rassemblons dans ce deuxième ouvrage les témoignages d’ouvriers et de paysans – ou de leurs enfants – engagés corps et âmes dans une existence enfin digne d’être vécue.

Il s’agit d’Engracia, fille de Florentino Galván, membre du Conseil d’Aragon ; de Petra Gracia, jeune libertaire de Saragosse (et future mère du théoricien anarchiste Tomás Ibáñez) ; d’Emilio Marco, milicien de la colonne Ortiz; d’Hélios, fils de Juan Peñalver, centurion d’Emilio ; d’Isidro Benet, milicien de la colonne Durruti et son fils César ; d’Antoine, fils de Manolo Valiña, homme d’action de la CNT-FAI.

Leurs récits forment la matrice chronologique et événementielle, développée et recoupée à partir de documents puisés dans les centres d’archives (Institut International d’Histoire Sociale d’Amsterdam, Archivo Histórico Nacional de Salamanque, archives policières et judiciaires), dans la presse des années 30 (La Vanguardia, Solidaridad Obrera…), dans les écrits d’auteurs libertaires (Abel Paz, Louis Mercier-Vega, Ramon Rufat, Gaston Leval, Vernon Richards…), et dans ceux d’historiens sérieux tels Burnett Bolloten, François Godicheau et Chris Ealham.

Pour dégager toujours plus cette histoire de la chape de plomb qui s’est abattue sur elle, nous revenons en fin d’ouvrage sur deux questions essentielles : celle de la mise en pratique du sueño igualitario [le rêve égalitaire] en Aragon, et celle de la violence révolutionnaire, objet d’une polémique toujours actuelle en Catalogne, incriminant tout particulièrement de jeunes anarchistes jetés en prison.

En effet, dans la partie de l’Aragon restée républicaine, les structures étatiques disparurent d’emblée et presque partout se constituèrent des comités antifascistes ou révolutionnaires, les décisions étant prises en assemblée générale. Une fois les récoltes terminées et distribuées équitablement à toute la population, la mise en route du communisme libertaire se concrétisa sous des formes et à des degrés variant d’un village à l’autre, à partir de la formule « à chacun selon ses besoins » et non plus « à chacun selon son travail ». Pour en finir avec les rapports sociaux capitalistes, il fut procédé à l’abolition du salariat et de la propriété privée, à la mise en commun des terres et du travail, à l’aménagement d’équipements collectifs, etc.

Il est indéniable que les militants locaux les plus radicaux et des miliciens des colonnes ou autres groupes armés intervinrent dans ce processus. On en vient par là à la question de la violence spécifique imputée aux anarchistes durant cette période. Sans rien occulter des faits avérés, notre analyse tente de mettre en lumière l’ensemble complexe des causes, contextes et réalités permettant d’évaluer de façon plus fiable et moins tendancieuse les « atrocités » attribuées aux libertaires, en rappelant par exemple que la première mesure adoptée par le Conseil d’Aragon en octobre 1936 visait à en finir avec les justiciers autoproclamés.

Le succès de la conférence publique organisée en 2009 par les Giménologues à Pina de Ebro, ancien poste avancé de la colonne Durruti, indique combien cette histoire reste vivante.

En même temps que les dépouilles de dizaines de milliers de « disparus » sont exhumées des fosses communes, la parole des témoins directs s’est libérée.

Maintenant, ils ont quasiment tous disparu, et cet ouvrage leur rend un vibrant hommage.

 

Les Giménologues, juillet 2016

Recensions parues dans la presse : http://gimenologues.org/spip.php?article671

Emission diffusée par Radio libertaire le 22 mai 2016 : http://gimenologues.org/spip.php?article664

 

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