Et si on commençait à s’aimer avant de mourir

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Et si on commençait à s’aimer avant de mourir

Après les Syriens, les Afghans et tant d’autres, c’est au tour des Ukrainiens de subir la folie meurtrière de tyrans, de fascistes. Villes dévastées, des dizaines de milliers de morts, autant de blessés et de mutilés. Des flots de réfugiés, de familles séparées et meurtries, des milliers d’orphelins, voilà un premier bilan qui risque fort de s’alourdir si la paix n’intervient pas au plus tôt. La Russie est-elle une nation civilisée ? Certainement, comme l’était l’Allemagne nazie avec ses élites. La volonté d’expansion russe, son envie de purification nous invitent à la réflexion. On inverse les valeurs et on pointe du doigt les pacifistes qui feraient le jeu des autocrates et des belligérants. Les pacifistes seraient tous des Munichois prêts à trahir et à se mettre au service des futurs gagnants par soucis d’apaisement. Bref, les pacifistes ne seraient pas du bon côté de la barricade. Il vaudrait mieux s’armer encore davantage, accélérer la course aux armements pour montrer ses biceps à tous ceux qui auraient des velléités guerrières. Les marchands de canon peuvent se frotter les mains et doivent bien rire sous cape.

Une possible résurgence d’une guerre entre la Serbie et la Bosnie-Herzégovine, des tensions entre l’Iran et Israël, entre les Etats-Unis et la Chine, entre l’Inde et le Pakistan, en Afrique, des essais de missiles russes non loin du Japon…la guerre pointe son immonde amoralité dans tous les coins du globe.  Et il faudrait que tous les pays augmentent leur puissance de feu, leur armement nucléaire ? Est-ce que ce monde est sérieux. Assurément, non.

En 1912, quand les tambours de la guerre se mirent à résonner avant la future hécatombe, les militants ouvriers affirmaient : « Tremblez despotes sanguinaires, tremblez vautours insatiables et féroces, tremblez gouvernants exécrables, vous tous qui rêvez d’exterminer les peuples dans une guerre effroyable pour satisfaire votre soif d’or. Les peuples d’Europe ne veulent plus de guerre. » (Le Combat- Novembre 1912) Plus d’un siècle après, nous en sommes encore là.

Poutine est le patriotard des temps modernes, celui qui tire les ficelles pour les requins de la finance, côté russe. Il n’agite plus le spectre hideux d’une boucherie immonde, il pratique l’épuration. Et c’est très compliqué de s’opposer aux guerres que l’on voit venir : « Il y a quelques années, nous cherchions d’abord à nous dégager du milieu patriotique où nous étions meurtris, personnifiant les temps reculés de la barbarie et qui revivent encore aujourd’hui, malheureusement pour les pauvres esclaves des Balkans. Il y a quelque temps, nous cherchions notre voie en rejetant de nos cerveaux cette patrie ironique, ce chauvinisme cynique, et cette voie fut trouvée. Plus de guerre, de Patrie, de Militarisme, mensonges que tout cela que débitent nos maîtres les capitalistes pour faire de nous des inconscients, des aveugles fanatiques qui iront sur les champs de carnage se faire massacrer pour les coffres forts de quelques parasites et potentats. » (Le Combat- Novembre 1912) Mais tout le monde partit la « Fleur au fusil » pour la Der des Der, en Allemagne comme en France. Et l’on connaît la suite : des millions de cadavres, gazés et mutilés. Puis la Seconde Guerre mondiale avec les mêmes…

De manière intemporelle, les militants libertaires ont dénoncé les propos nationalistes et militaristes. Ce ne fut malheureusement pas suffisant pour stopper les guerres et nous avons l’impression aujourd’hui de retourner à la case départ d’un jeu de Monopoly dont les règles sont viciées, encore et toujours.

Pas question pour nous de se laisser porter à l’indifférence sur les décombres des pays en proie au militarisme. Les champs de ruines ne sont pas un champ des possibles mais un champ des malheurs. Et nous serons toujours du côté des opprimés. Une vie de deuil n’est pas une vie ; pas question de se taire et de vivre avec les silences. Les spectres des guerres passées sont dans nos mémoires. Même manipulée au présent, la mémoire sera restaurée plus tard, avec le temps. Le régime nazi a été jugé ; le régime de Poutine le sera de même. Les pacifistes sont dans le camp de la vérité et de l’humanisme. Notre temps viendra.

En attendant, l’apocalypse arrive à grands pas. La menace de l’utilisation de l’arme nucléaire par Poutine nous rappelle que notre existence est fragile, hypothéquée par ceux qui n’ont qu’à appuyer sur un bouton.

A Marioupol, le ciel est zébré de missiles puis il rougeoie des incendies qui s’ensuivent. Alors à quoi bon l’amour dans un monde en détresse ? Comment survivre aux privations et aux meurtres de ses amis par des criminels de guerre ? L’humour, la poésie, la solidarité peuvent être des armes en attendant un retour à la normale pour les rescapés. Les enfants et les familles sont dans un « bad trip » peuplé de militaires qui arborent leurs médailles comme d’autres participent à des défilés de mode. Ballotés au gré des deuils, les Ukrainiens nous racontent peut être en ce moment l’histoire d’une émancipation. C’est à souhaiter ; un naufrage à l’infini n’est guère une option optimiste.

Les rodomontades des pseudo-intellectuels, BHL en tête, sonnent creux et contaminent les esprits des va-t-en-guerre, pensant de manière imbécile à réveiller de sa torpeur l’Europe. Sinistres idiots qui aimeraient envoyer en premières lignes les autres, en jouant les planqués de l’arrière. En somme, une indigence intellectuelle de nantis.

Il n’est pas impossible qu’un jour, les gens se révoltent et décident d’anéantir les fauteurs de guerre, ceux qui mettent l’humanité en danger. Ces scientifiques sans conscience qui permettent la fabrication d’engins nucléaires de plus en plus sophistiqués et meurtriers, ces fabricants d’armes et leurs médias qui vantent la défense nationale, ces politiciens partisans de l’injustice sociale, ces racistes qui promeuvent l’apartheid…et tous les autocrates qui sont persuadés, après avoir mis les leurs en sécurité, que la guerre est une nécessité. Mais la vie est plus forte, même les victimes s’acharnent à vivre. Pour témoigner, certainement, mais pour ne pas laisser le dernier mot aux dictateurs.

Pour les libertaires, chaque vie humaine est importante, c’est pourquoi nous devons tout faire pour empêcher toutes les guerres ici et ailleurs. Nous sommes souvent des Don Quichotte qui se battent contre des moulins à vent car que valent nos belles idées et nos idéaux d’égalité et de justice face à un rouleau compresseur guerrier qui bénéficie d’une propagande rôdée sur les populations quand ce ne sont pas des foules hystérisées et galvanisées. Nos propositions sont des petits scintillements dans l’obscurité des ténèbres guerrières. Pourtant il nous suffit d’explorer la palette de nos choix individuels face à la violence de Poutine et de la bestialité du monde. Le moyen le plus efficace à ce jour pour lutter contre les envahisseurs, ce ne sont pas nécessairement les sanctions mais la démoralisation de l’armée. Alors démoralisons la « grande muette ».

Pour l’instant, les Ukrainiens fuient en masse leurs bourreaux, leurs maltraitances, et s’élancent dans l’inconnu dans d’autres pays européens pour vivre une vie à eux, loin des bombes et des massacres.

Qu’ils soient accueillis en tant que citoyens du monde et dans de bonnes conditions. Solidarité internationale avec toutes les victimes de toutes les guerres.

Patoche (GLDJ)