Lectures libertaires

Manifestation ouvrière

J’ai connu Roger au mitan des années 1980. Il exerçait alors la fonction de correcteur. Un peu en franc-tireur. Adhérent du syndicat, il se situait dans cette mouvance anar-chiste nettement anti-syndicaliste, mais qui voyait au moins un avantage au fait d’appartenir à cette fraternelle confrérie disposant du contrôle de l’embauche en presse parisienne : une manière de vivre, à bon tarif et sans aliéner trop de son temps à la tâche salariée. Après avoir exercé ses talents au Matin de Paris, il se retrouva à L’Humanité, ce qui, convenons-en, dut avoir quelque chose de jouissif pour cet icono-claste qui, quelques années plus tôt, avait concocté, pour le premier numéro de L’Assommoir1, dont il était directeur de publication, un fort dossier sur « La France stali-nienne », orné en couverture d’un portrait choc du « petit père des peuples » à mous-tache tricolore.
Sans tonitruance – plutôt le contraire, on lui aurait donné quitus de sa réserve –, Roger était fait du bois qui étaye la passion du négatif. Cultivé jusqu’à l’invraisemblable, cet ancien bouquiniste accordait patience à ses intuitions et conscience à ses refus. Il avait plusieurs cordes à son arc, qu’il savait tendre à l’extrême pour décocher ses flèches. On l’aurait dit sorti d’un brûlot de l’anarchie « fin de siècle » passé des mains des surréalistes à celles des situationnistes. C’est ainsi que Roger, passionné de Libertad et ami d’Ivan Chtcheglov, fut aussi l’inspirateur de la superbe « une » du Monde liber-taire de novembre 1966 – n° 126 – où un faire-part annonçait : « André Breton est mort. Aragon est vivant… C’est un double malheur pour la pensée honnête. »
En amont, il avait été membre du groupe Spartacus…

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