Jules Durand: 1918-2018: le centenaire

Jules Durand cassation

L’intervention d’Adrien Briollet

Début février 1911, Adrien Briollet, militant anarchiste, prédécesseur de Geeroms à la tête de l’Union des Syndicats du Havre, entretient la polémique avec Delarue, à propos de sa rétractation d’aveux, par l’intermédiaire du Havre-Éclair : « Monsieur Delarue a bien confirmé devant l’avocat général Bazenet les déclarations qu’il nous avait faites et qui ont été publiées par le journal Le Matin. Il a, de même reconnu qu’il s’était trompé à Rouen et que son opinion nouvelle s’était faite après les déclarations des témoins à charge[1]. »

Delarue se défend dès le lendemain : « Quant à l’affaire des 20 francs du voyage à Rouen, elle est volontairement dénaturée. Il est exact que six ouvriers sur quatorze ont demandé une avance pour faire le voyage. Cette avance leur a été consentie mais ils l’ont régulièrement et honnêtement remboursée à leur retour sauf Pacantin qui a quitté nos chantiers sans la rendre. Il est exact aussi que quelques-uns de nos ouvriers ont pris deux ou trois repas avec moi et que je leur ai payé ces repas ; j’ajouterai que j’aurais eu grand plaisir à en faire autant à tous afin de les remercier de ne pas m’avoir abandonné dans mon travail pendant la grève et de m’avoir permis, grâce à leur courage, d’assurer mon service[2]»

Briollet clôt la discussion : « On nous dit que l’argent donné aux témoins de la compagnie était de l’argent prêté ? Et que les festins payés à ces malheureux étaient la récompense de leur fidélité ? Mais que penser de semblables largesses dans un cas aussi grave ? Monsieur Bazenet a dit à Monsieur Delarue toute sa pensée à ce sujet et notre ingénieur n’a sans doute pas oublié sa sévère mais juste appréciation. Je prie les lecteurs de ce journal de croire lorsque j’affirme que Monsieur Delarue s’est vanté devant moi d’avoir mis l’affaire en marche et qu’il a dit également devant moi et devant l’avocat général Bazenet, qu’à Rouen, après avoir entendu les témoins à charge, il avait très nettement l’impression qu’il s’était trompé[3]. »

Briollet n’épargne pas Delarue. Ces éléments nouveaux vont peser dans la remise en liberté de Durand d’autant que la raison de celui-ci vacille et que ce condamné devient bien encombrant pour une justice française qui couvre de fait la subornation de témoins.

 

 



[1] Le Havre-Éclair du 6 février 1911

[2] Idem

[3] Le Havre-Éclair du 8 février 1911